La belle et noble geste d'Arthur, roi de la Bretagne du Haut et du Bas, chapitres 2 et 3

Le 07/07/2007
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par Hag
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Rubriques / La belle et noble geste d'Arthur
La quête du Graal continue et nous permet de respirer un peu parmi le fatras de merdes qu'on s'est volontairement pris sur la tronche. Même si cet épisode se veut plus sobre et cohérent que le précédent, c'est toujours aussi bon : on sent que le texte n'a pas été écrit que pour le plaisir d'insérer des vannes, et ça ne roule jamais sur la jante. Drôle, bien écrit, une bonne lecture.
Chapitre 2 :

Bon en fait cette partie, c'est celle racontée dans l'introduction. Donc je suppose que vous la connaissez déjà, sinon allez voir à http://www.lazone.org/articles/1660.html, je vais pas me faire chier à vous la raconter à nouveau. Voila.

Chapitre 3 :

Seuls dans l'immensité d'une lande austère, peuplée de bruyères, de chardons et de genêts, où, pareils à d'immobiles vaisseaux, de grandes saillies granitiques déchiraient l'herbe rare, un groupe d'homme s'étaient arrêtés. La désolation autour d'eux s'étendait à perde de vue, et cela faisait deux jours qu'ils marchaient inlassablement parmi cette région à l'air humide et lourd, où la terre crisse sous les pas et où ne vit rien de comestible. Adossé à un rocher de belle facture, Arthur, roi véritable de la Bretagne du Haut et du Bas, contemplait sa carte IGN "circuits pédestres en Basse Bretagne" de l'oeil implacable de l'aigle qui en a plein le cul. Finalement, il replia la carte et s'adressa au bel aréopage de nobles chevaliers qui lui faisait face.

- Bon il semblerait que nous ne soyons pas complètement paumés finalement. D'après mes observations, et contrairement aux dires de Galahad, nous ne sommes pas à Etretat, mais bien en centre-Bretagne, et conformément à mes prévisions, nous arriverons à Brocéliande avant demain au soir. En attendant, il nous faut résumer notre marche (NDT : erreur de traduction possible).

Ils étaient fatigués, mais inlassables, assoiffés, mais aussi déterminés qu'un roc, et par ailleurs à peu près aussi futés, et tout en eux n'était qu'ainsi quintessence des vertues chevaleresque. Ils paraissaient déterminés à conquérir le monde, mais à mesure que le jour passait et que les ténèbres s'installaient sur la bien funeste lande, il se mit à souffler un vent tiède, mais qui glaçait la chair, et il semblait qu'il murmurait, parlait aux rochers, animait la désolation, le ciel était sombre, la Lune s'alluma. Ses rayons bleus jetèrent sur la plaine une lumière blafarde, la nuit en était grise, les rochers blancs et noirs, et toujours autour d'eux le chant moqueur et triste de la lande.

- Euh et si on s'arrêtait ? Ce serait pas l'heure de se reposer ? proposa gaillardement Perceval
- Encore une fois tes paroles respirent la sagesse, mon ami." Arthur avisa un rocher de belle taille proche d'eux. "Et voila qui fera un bien bel abri."

En silence, les preux montèrent, avec l'aisance que donne l'habitude, leur petit campement, avec leurs paillasses autour du foyer, que Galahad parvint ingénieusement à allumer en usant sur des branchages la poudre de quelques-unes de ses munitions. Le feu partit joyeusement, manquant de calciner les chevaliers, et projetant dans toutes les directions sur une dizaine de mètres des fragments de bois ou de pierre dans une détonation prodigieuse qui avertit toute la région de leur présence. Après avoir éteint leurs paillasses, il félicitèrent le jeune chevalier d'un poing dans la gueule, puis entreprirent de cuire quelques provisions avant que le feu ne s'éteigne. Ils mangèrent dans la bonne humeur, chacun son tour racontant quelque amusante histoire, ceci pour chasser les ténèbres. Tous riaient gaiement, oubliant l'espace d'un repas qu'ils n'avaient plus d'alcool. Les contes se succédèrent, que ce soit la légende du chevalier aux deux tête, magnifiquement narrée par Bedevere qui révéla son talent pour le théâtre, où la geste du mouton sans anus, racontée avec force mimiques par Gauvain. Finalement, heureux de leur bonne soirée, ils finirent par se coucher.

Loin au dessus d'eux, au delà du ciel sans nuage, la lune n'en finissait pas de les irradier de sa lumière. Le vent chaud et sombre caressait leurs corps, ils entendaient partout autour d'eux, sous eux, la Terre respirer.
Ce fut Perceval qui le premier rompit le silence.

- Vous savez ce que c'est n'est-ce pas. La nuit elle est pas normale.
- Bordel qu'est-ce que tu racontes ?
- Tu sais très bien. C'est l'Ankou. T'entends pas Arthur ? Il va venir.
- Arrêtes tes conneries. Laisse-nous dormir.
- Non il a raison. L'Ankou arrive.
- Mais vous savez très bien que l'Ankou n'est que superstition de paysans, et que...
- Tais-toi Bedevere. Ecoute. Il est là, quelque part, il nous observe.
- C'est ton imagination. Délire en silence tu seras bien sympa.
- Je vous aurai prévenu.
- Oui oui bien sûr.

[...]

- Oh putain il est là !
- Quoi qu'y a ?
- L'Ankou, il est là.
- Mais bordel mais ta gueule. Laisse nous dormir, merde.
- Désolé.
- Ouais

[...]

- Oh merde il est là. Oh merde Il eST lA. OH MErdE merDe merde mErDE. Oh Putain mais oh putain je lE VOIS ! L'ANKOU IL EST LA les gars C'eSt L'ANKOU L'ANKOU L'ANKOU!!!§§

Perceval s'était soudain redressé, empoignant sa mitrailleuse, et commença à tirer comme un dératé sur un tas de rochers plus loin, éclairant le camp des lumières stroboscopiques de son arme, dans un vacarme infernal. Comme Gauvain commençait à l'engueuler, il fit soudain volte-face, toujours tirant, se mettant à tourner sur lui-même.

- TU M'AURA PAS L'ANKOU HEIN TU T'Y ATTENDAIS PAS ANKOU TU TE PLANQUE L'ANKOU AHAHAH L'ANKOU L'ANKOU AHAHAH JE TE TROUVERAI §§§§§

Il se mit à courir, partant droit vers une direction indéterminée, avant de s'écrouler comme une merde quand la pierre lancée par Arthur atteignit au crâne. Tous félicitèrent leur bon Roi pour cet acte juste et valeureux et, soulagés, reprirent leur sommeil en laissant l'autre le nez dans la terre.

Laissons-là nos braves qui ont bien mérité leur repos, et déplaçons avec célérité mais grâce en un taudis de chaume et de boue au milieu d'une forêt pas si lointaine. Quelle endroit répugnant, vraiment. C'est perdu parmi les arbres immenses, à côté d'un ruisseau paisible aux eaux rouges comme du sang, ce qui n'a rien de magique, ça vient de la teneur en fer de l'eau. Mais c'est vrai qu'on s'en branle un peu. Bref le terrain est assez boueux, les alentours sont vierges de toute trace d'activité humaine, à l'exception d'une boîte aux lettres en bois à l'effigie d'un chalet savoyard, et qui achève de pourrir accroché sur son poteau à quelques mètres de la rustique demeure. Partout le sol est recouvert d'une étrange brume, masquant le terrain. La porte de la maison s'est ouverte. Une sorte de créature humanoïde en sort, et va relever le courrier. Tandis qu'elle s'approche, notre vision s'affine. Il s'agit d'une femme qui aurait pu être accorte si elle n'avait été étique et d'une saleté extrême, ses cheveux brunâtres et filandreux tombent jusqu'au bas de son dos ainsi que sur son visage. A chaque pas ses pieds nus s'enfoncent de dix centimètres dans la fange. Elle parvient à la boîte aux lettres, après être passée devant une grenouille infrarouge qui la salue d'un "croua crouahh" avenant, et ramasse quelques papiers à l'intérieur. Une voix cassé sort de parmi le tas de cheveux.
"Raah fait chier, des pubs".
Elle revient vers la cabane, donnant un coup de pied dans la grenouille en plastique (croua crouahh), les mains chargées de parchemin bon marché aux couleurs de quelques hypermarchés locaux. Elle entre, et va s'installer sur ce qui est techniquement un fauteuil, mais qui ressemble plus a un tas de bois colonisé par les champignons. Elle balance les prospectus dans une cheminée débordante de cendres, et, laissant trainer une main à terre, ramasse ce qui se révèle être une bouteille de vodka. Elle en prend quelques longues gorgées puis, d'une voix plus faible que jamais, couine "Et vive le TsAaRR NiCCCOLAs !". Elle s'effondre comme une masse dans la dégueulasserie ambiante, avant de se relever et, la bouteille à la main, d'aller regarder une boule de cristal trônant sur un guéridon art déco. Elle ne bouge plus.

- Alors les gars, bien dormi ?
- Putain Perceval tu commence pas.
- Oh c'était pas grand ch...
- Ta gueule Perceval. Ok ?

Ils finirent de lever leur campement, et partirent en direction de Brocéliande. La marche s'annonçait longue et ardue, car en [...] toujours sous leurs [...] était bientôt [...] puis, comme si le temps s'était mystérieusement accéléré, ils virent enfin la forêt de Brocéliande.

Comme on pouvait s'y attendre, ce n'était une forêt de tapette. En ces temps reculés où les agriculteurs bouseux n'avaient pas encore rasé les forêts pour planter des choux, avant même que les troupeaux de chèvres et de touristes ne viennent saccager les campagnes, en ces temps là donc , on croisait encore des putains de forêts, vastes et belles, sombres et mystérieuses, aptes à attirer aussi bien les preux chevaliers que les pires malandrins. On y croisait sylphes et korrigans, nymphes et trolls, ondines et dryades, dragons et ornithorynques, vivant aux pieds des chênes millénaires, des érables paisibles, des saules pleureurs, formant un écosystème ma foi assez unique et il est vrai particulièrement bordélique, rendant la vie des quelques timbrés qui essayaient d'y demeurer assez hasardeuse. Mais telle était la légendaire Brocéliande, unique, captivant mélange de rêve et de danger. FIN DE L4INTRODUCTION? RETOUR AU R2CIT.

Ils s'approchèrent de l'orée, restant sur leurs gardes car il savaient que les esprits follets hantant les bois se plaisaient à jouer de parfois cruelles farces aux voyageurs. Le terrain était plus rocheux que jamais. Les arbres, mus par la puissance magique de Brocéliande, poussaient à même la pierre. Comme en de pareils moments, l'air était palpable. Dans le silence, on entendait les feuilles bruisser au vent doux, au loin on entendait les loriots et les pinsons chanter. L'instant est solennel, unique. L'endroit ne l'est pas moins il est vrai, alors ils se taisent, et contemplent, misérables, le spectacle de l'infinie puissance de la nature.

- AAaAArthur !!!! MON CAUPaiN !!!! T'es rEVENuuu !

Tous se retournèrent, l'arme au poing, prêt à repousser l'ennemi. Au sommet d'une protubérance granitique de belle ampleur, se tenait, radieuse, une forme nue et sale, dissimulées sous ses cheveux long et gras. Elle agitait frénétiquement des bras, au bout de chacun d'eux se trouvant une bouteille de vodka, et hurlait de sa voix cassée. Le sang d'Arthur ne fit qu'un tour.

- Morganne ! Vieille sorcière, où diable t'es tu procuré cet alcool ? Serait-ce celui qui nous fait chaque jour un peu plus défaut ?
- EN Vérité, OUi. AhahaHAHAHAHAHoh.
- Tu es bien plus vile que mille érinyes, que manigances-tu ?
- RiiIIIien. J'avais juste SOif.
- Nous euh... en reparlerons. En attendant, nous aurions besoins de tes pouvoirs. Vois-tu, nous devons retrouver le Saint-Graa...
- OUAis je SAIS. Je sAIS Tout. J'ai touT VU DANs ma bOULE MAGique.
- Ah ben c'est parfait. Et accepterais-tu de nous aid...
- VenEZ, J'Ai déJA TOUT préPARE. J'AI Fait un cOUSCOus, coMME TU les aimaIS Avant ARThUR, Mon caUPAIN.
- Comment ça, vous vous connaissiez si bien ? demanda Galahad.
- Certes oui mon bon. Même que..." Arthur eut un bref regarde vers Gauvain, et reprit "Et même qu'elle fait super bien le couscous.
- Mais pouvons-nous lui faire confiance ?
- Ah ça je n'en sait rien. Mais il est trop tard, nous sommes désormais en son pouvoir, qui est grand. Suivons-la, Dieu seul sait ce qu'elle nous réserve.

Pendant ce temps, la chose crade s'était débrouillée pour descendre de son piton rocheux sans se briser tous les os, et comme elle leur faisait de grands signes de mains (de bouteille plutôt), ils n'eurent d'autres choix que de suivre la sorcière dans les ténèbres de Brocéliande.