Rêve 001

Le 21/08/2007
-
par nihil
-
Rubriques / Néo-Inquisition
Comme je bosse sur la nouvelle version de Néo-Inquisition, j'ai rien écrit d'autre récemment, alors j'en lâche un ou deux bouts ici. Non pas que ça vaille grand-chose en tant que tel, mais je vais quand même pas passer inactif bordel. Donc, c'est dans la veine onirique - apocalyptique qui m'est chère, ça veut pas dire grand-chose hors-contexte, mais c'est glauque et mystique, ça devrait suffire pour un texte sur la Zone. Zavez qu'à prendre ça comme de la poésie en prose, tiens.
C'est une soudaine implosion de visions atroces dans un fracas de mort, l'univers qui se concentre d'un coup sur lui-même pour ne plus se dilater. Un noyau dur et chaud qui palpite d'activité tenace. Flux et reflux et flux et reflux. Encore.
Je rêve, j'existe, je rêve, j'existe.
La Surface perd son unicité et enfle par à-coups, poussée d'en dessous par l'échine d'une bête plus lourde que le monde. Les images éclatent à la Surface comme des bulles d'air et je m'incarne en la chair ossifiée du monstre à venir, car je ne suis plus qu'un et un seul, le rêveur expulsé de l'Abîme, le premier des derniers. Mille âmes prophétisent la fin, mille esquilles sous ma peau, leurs voix mécaniques m'énoncent les étapes de la catastrophe à venir, mille aiguilles dans mes veines. Le temps s'est éteint et trois fois putréfié et le temps est brisé et trois millénaires et un demi millénaire se sont trois fois putréfiés avec lui jusqu'à l'apparition d'un nouveau souffle nucléaire. Une onde de choc sacrée s'étend au ralenti, dans un chœur céleste de hurlements et de sirènes d'alarme. Je rêve. Mille anges aux ailes mutilées, aux organes atrophiés, qui gémissent comme des veaux égorgés. Le Ventre, les entrailles chaudes et mouvantes de la Bête, où se déroule l'éternel drame de notre existence, ouvre en grand ses portes. Et je rêve, j'ai quitté les douces noirceurs de l'inconscience pour prendre pied sur la grande plaine d'acier peuplée de pèlerins aveugles, auréolés des aveuglantes lueurs du Savoir.
    
Dormeur SETH 401 772
Implant A472. Pas de réponse. Intervention envisagée. Implant A212……....... Inconnu. Implant A489. Fréquence anormale. Mobilisation des ressources neurologiques.Implant A116. Dysfonctionnement majeur. Désactivation du système périphérique. A50014 45540-60119, pas de modification. Réseau à jour. 400 Mz morphine sanctifiée - application de la procédure 07 4500 6465 10……………… Prolongation du réseau de perfusion à la veine brachiale //// Implant A898 : hyperventilation spontanée. 120 cc hypomorphine. DD422. Etat instable.


Je nais et renais au fond de l'abîme, j’ai conscience que je rêve. C'est un dysfonctionnement patent. Les vagues rouges, mon sang, recouvrent le monde et le noient, puis se retirent. Encore. Les frontières de mon organisme sont abolies, tout ce qui m’entoure fait partie intégrante de moi. Mon identité s’est dilatée sans contrôle, elle a contaminé tout mon environnement. Le battement de mon cœur se fait plus vrombissant que le plus terrible des séismes, il emplit et étouffe tout. Ma peau recouvre toutes choses, de mes viscères sont faits les cieux et de mon sang, la mer. Encore et encore, encore et encore.
Acte zéro, le rideau se lève sur une scène désertée.

Dans mon rêve pathologique, l’océan de sang s’ouvre pour ne plus se refermer.
Et mon regard lourd s'écrase sur la scène reconstituée. Je me trouve au centre d’une interminable plaine de plomb noirci sous un firmament osseux. Le sang se retire laborieusement, drainé par les profonds sillons d'évacuation entre les plaques de métal boulonnées. Je rêve, ceci est un rêve. Six piliers de plomb en cercle soutiennent les cieux intestinaux. Ils viennent à moi et se rétractent par à-coups, au rythme du cœur du monde. Je suis pendu tête en bas par un câble d'acier à un rail de métal. Je n’ai pas de mains ni de pieds, mes membres amputés se terminent par des moignons secs. Ma poitrine, mon ventre sont ouverts en grand et je me vide de mes entrailles.
De derrière un des piliers noirs apparaît une haute figure, un homme nu à visage de loup, tenant entre ses mains jointes un couteau à amputer. Sa gueule sans yeux se tourne vers moi. Tout s'emballe, et je sombre. Des mots illisibles se gravent et se ramifient le long des dalles et des piliers et l'homme à tête de loup, du doigt, me montre un symbole de soleil percé qui se dessine et s'enroule sur un pilier. Des enfants mutilés brusquement apparus s'emparent du sol sous moi, jouant et hurlant dans une cacophonie de pépiements d'oiseaux qui manque me précipiter dans la folie. Ils sont aveugles, les yeux bandés ou les paupières cousues et sont tous amputés au niveau des coudes. Ils se roulent sur le dallage de plomb, se battent et gémissent. Dans le ciel apparaît la figure d'une madone au visage de génisse, auréolée de sainteté atomique, et ses entrailles apparentes palpitent de vie larvaire et de vermine qui colonisent sa matrice. Les vers annexent et rongent ses organes et rampent dans ses artères. Dans son regard éteint, une fracture ouverte sur l'abîme, et entre ses mains un couteau de boucher qu'elle plante sèchement dans son utérus. Les enfants mutilés s'accrochent à mes jambes suspendues dans le vide et montent sur moi.
Mais où suis-je ? Un brusque retour de conscience me montre la scène sous son jour véritable : un faux décor monté à la hâte à ma seule attention. Ce rêve n’est pas le mien. C’est une infection virale, un corps étranger implanté de force dans mon esprit. Il faut que je résiste à l'intrusion. Devenir une forteresse inaccessible. Je dois rester sourd, aveugle à ce qu’on veut me faire voir, je dois ignorer consciencieusement cette comédie grotesque.

Vrombissement, vrombissement. La scène s'est vidée de ses monstres et le ciel de viscères s’emplit du grondement de bombardiers en approche. Même la pulsation cardiaque est couverte, on me parle, on me parle, on hurle à mes oreilles sans que je perçoive autre chose qu’un fracas de fin du monde. Une catastrophe sur le point de se produire. Bruit blanc sursaturé d’appareil électrique implosé, odeur de court-circuit, et je replonge dans le vide. Mais j’ai été contaminé, marqué au fer rouge. Le grondement des bombardiers en approche a laissé place à un silence de mort.

Dormeur SETH 401 772
IJ412 45888……… Retour accepté. Mise à jour en cours - régulation de l'afflux sanguin, dérivation du réseau de perfusion vers les veines céphalique, fémorale, jugulaire. Implant A472. Pas de réponse. K46650……Code 825 : intervention requise, bolus intraveineux de narcocilline. Implant A898 : réactivation progressive du système d'assistance respiratoire.
Etat stabilisé