Baby(a)lone

Le 03/11/2007
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par Arkanya
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Thèmes / Obscur / Litanie
J'ai une dent contre la poésie en prose et les litanies plaintives, mais je m'aperçois que c'est parce que y a que des connards qui en postent. Quand ça vient d'un vrai auteur, on se prend la différence dans les dents, en même temps qu'une belle claque. Vlan, frustration et douleur, vlan enfermement et incompréhension, vlan humiliation et rage noire. Tout dans la gueule. Paye ton tombereau de glapissements de femelle hystéro, mais putain, quelle classe.
Enfermée, cinq, six, sept, huit murs suintant de larmes, je n’arrive plus à les compter. Un labyrinthe sombre et vide, la sortie m’échappe, je suis les courants d’air. Du ciel pendent des cheveux de pourriture qui me fouettent le visage.
Ligotée, je me débats dans l’engluement de la compassion, les fils se resserrent à chacun de mes mouvements, bientôt je ne pourrai plus bouger. Je ne serai qu’immobilisation muette. Je serai silence. Je ne serai plus.
Seule, je me perds dans un lieu désert, plus rien n'a d'importance. Hier encore, des créatures célestes m'entouraient de leurs ailes, me berçaient de leurs rires, elles se sont changées en monstres gras et puants à l’extérieur de ces murs, j’entends leurs hurlements glauques, leurs complaintes déchirantes, rien ne sert de boucher mes oreilles, elles chantent dans ma tête et dans mon sang, je les entend avec ma chair.
Liquide, j’ai changé de forme, d’état. Où était ce pays déjà ? Je n’ai plus la carte, plus le goût, plus le souvenir. Liquide, je n’ai plus de substance, je n’ai plus de volonté, je me laisse porter dans le lit de l’indifférence enjouée, je glisse sur les cailloux caressants de l’oubli.
Disparue, j’ai besoin de silence, je suis polluée, salie, offerte à la crasse, une pute à disposition, sur qui on envoie des paquets de boue, foire morbide, vos rictus sont noirs, vos dents exhibées sont noires, vos peaux sont noires, vos voix sont noires, mon âme est noire, il n’y a que le noir.
Larguée. Mes fils ont été coupés. Je ne suis plus la marionnette obèse de ses désirs. Il me manque. Il me tuait, et il me manque. Mon défunt bourreau a laissé un creux qui refuse d’être occupé, qui prend la poussière, qui moisit lentement, qui accueille les pires créatures, celles que l’on ne nomme pas. Celles qui hantent mon univers, celles qui tapies dans l’ombre chuchotent des sorts et des incantations.
Orpheline. Plus de racines, plus de patrie. Les miens ont fui. Eparpillés à travers le continent, ils ont suivi leurs étoiles. J’entends leur voix au loin, ils tentent de sortir de leurs propres labyrinthes. Ils scandent mon nom, je leur hurle des indications imprécises, hasardeuses, aveugles. Ils ne parlent plus. Ils sont morts.
Vide. Mes organes m’ont fuie, il ne reste que ma peau. Ma peau qui se tord et se comprime. Ma peau qui crépite et se cloque. Ma peau qui s’ouvre et saigne. Ma peau qui se craquelle et pleure. Ma peau qui tremble et frissonne. Ma peau qui me hait.
Epuisée, j’ai trop marché, trop cherché la sortie. Je trébuche et me cogne, je laisse des grumeaux de peinture sur les murs que je touche, sur le sol que je frotte, les artifices se disloquent, je perds mes couleurs. Les faux-semblants meurent à chaque pas, tout devient noir. Je suis invisible.
Moribonde, je suis à l’agonie, et dans un dernier souffle âcre et pourri, je vais vomir les araignées qui me rongent de l’intérieur. Des dizaines de limaces grises et froides sortiront de mes oreilles. Des vers grouillants boufferont ce qui restera. Je ramperai comme un chien galeux vers cet escalier que je devine dans la pénombre. Je me disloquerai sur chaque marche, et à chaque palier, des monstres aux traits vaguement familiers, des caricatures hideuses aux chairs putréfiées arracheront des morceaux de mon corps. Une pierre, je déposerai une pierre sur chaque marche. Une pierre pour un fardeau jeté, abandonné. Une pierre recrachée. Je monterai péniblement. Et à un moment, je verrai une silhouette. Je la devinerai de loin se détachant dans l’ombre. Je me traînerai vers sa lumière et sa chaleur. Je baiserai ses pieds dans un dernier effort avant la fin. Cet être se penchera pour ramasser ma poussière, la mettre dans une boîte ridiculement petite. Cet être se retournera, montera les trois dernières marches pour sauter dans le vide. Et cet être, ce sera moi…

Tout n’est que recommencement.