S.T.A.L.K.E.R.

Le 20/11/2007
-
par Omega-17
-
Thèmes / Débile / Faux obscur
L'excellent jeu vidéo Stalker, qui prend place dans la zone de Tchernobyl, a inspiré Omega pour ce texte. Les noms et les circonstances sont directement tirés du scénario du jeu. C'est pas grave, y a des radiations contaminantes, des mercenaires russes, des carcasses de camions, alors on va pas faire la fine gueule.
Je me souviens qu’il pleuvait abondamment, cette nuit-là. Je sais que ça s‘est déroulé de nuit parce qu’on me l’a raconté ; enfin Sidorovich me l’a dit quand je l’ai questionné après mon réveil, au bord de la démence. Il pleuvait de l’acide dilué depuis la fin de l’après-midi et on ne distinguait pas grand chose, il était dans les environs de vingt-deux heures, heure locale. J’étais transporté à l’arrière d’un camion militaire bâché, avec les autres cadavres contaminés. J’étais quasiment inconscient depuis des heures, peut-être plus, je ne le saurai jamais. Des éclairs apocalyptiques zébraient le ciel poisseux de la Zone et toujours cette pluie corrosive qui inondait la route. Et puis la foudre s’est abattue sur le transport, enflammant l’habitacle et projetant le véhicule et ses occupants sur le bas-côté. Après plusieurs tonneaux dans une cacophonie infernale, ce fut le trou noir.
En tout cas, c’est ce qui a du se passer ; jusqu’à présent, aucun de mes contacts n’a pu me confirmer les circonstances de l’accident mis à part le témoignage d’Oleg Le Serpent que m’a rapporté Sidorovich. Oleg, comme tous les autres, porte une sorte de pseudonyme par lequel il est reconnu. Moi aussi, on m’en a attitré un : Le Tatoué. A cause des initiales qui sont inscrites sur mon avant-bras. Je n’ai aucune idée de mon nom d’origine, ni de l’endroit où j’ai bien pu me faire faire ce tatouage. En réalité, je ne sais plus du tout qui j’étais et si j’étais vraiment quelqu’un auparavant, c’est ça l’enfer de l’amnésie. Je me rappelle seulement m’être réveillé, allongé sur une table avec Sidorovich qui fouillait dans mon PDA. Il me croyait mort mais Oleg, qui avait fouillé le camion accidenté dès le lendemain à la recherche d’objets de valeur, avait remarqué que j’étais le seul macchabée à montrer quelques signes de vie et comptait me vendre en échange d’un bon prix à la boutique du marchand ukrainien véreux. Ce qu’il a fait, je présume ; d’où ma situation assez préoccupante.

Je me trouvais, toujours d’après Sidorovich, à huit kilomètres de l’épicentre de l’explosion initiale de Tchernobyl. En quatre-vingt six, le réacteur numéro quatre, suite à une erreur de maintenance lors d’un entretien standard, avait littéralement implosé, créant une zone de contamination radioactive persistante sur une importante étendue. Les militaires avaient bouclé le périmètre et après plusieurs tentatives infructueuses, les secours avaient renoncé à sauver qui que ce soit. Des civils moururent, certains moins vite et plus douloureusement que d’autres. Un sarcophage en béton fut bâti autour du réacteur pour limiter la propagation de la radioactivité, entreprise qui causa de nouvelles victimes pour un résultat médiocre, et on passa à autre chose. Vingt ans plus tard, un deuxième incident, moins observé mais tout aussi capital pour Tchernobyl, se produisit à quelques kilomètres du lieu de la première explosion. Il était, si je devais en croire le marchand, responsable de la création des artefacts, sorte de minéraux volatils aux étranges propriétés qui accordaient à leur porteur de surprenantes aptitudes et des anomalies, ressemblant à des dépressions atmosphériques de très basse altitude qui généraient selon les cas des zones de tension électrique, d’extrême radioactivité ou des tornades localisées. Alors les militaires étaient revenus mais cette fois-ci, ils étaient restés ; quelque chose les intéressait ou les inquiétait apparemment et les bases de l’armée le long du cordon sanitaire semblaient souvent être en effervescence et menaient des expéditions vers le centre du périmètre, dans la Zone. Tchernobyl avait également attiré une faune plus spéciale : des mercenaires chargés de mission peu orthodoxes, des bandits opportunistes, des miliciens aux ambitions variées, perpétuellement aux prises avec l’armée qui essayait vainement d’éradiquer le fléau qu’ils constituaient pour le gouvernement ukrainien et au-delà. D’autres encore venaient chercher fortune aux abords de la Zone, traquant les artefacts pour les revendre aux laboratoires de recherche scientifique privés qui s’étaient installés à proximité et tentant de survivre en évitant les régions les plus toxiques. Ces derniers s’étaient rassemblés en factions et lançaient des opérations aux quatre coins de la Zone afin d’en découvrir les ressources cachées. Les Stalkers.

En étais-je un puisque ce nom apparaissait sur mon bras, je n’en sais rien mais ce qui était évident, c’était que Sidorovich se moquait pas mal que je retrouve mon identité ou plutôt, il comptait bien se servir de ce paramètre pour faire pression sur moi. Il avait des informations sur ma provenance mais ne les révèlerait qu’entre contrepartie de mon travail. Il m’avait sauvé indirectement la vie et selon lui, je devais m’acquitter de cette dette en lui servant de coursier, de mercenaire et plus encore jusqu’à ce qu’il estime ma reconnaissance suffisamment enrichissante. Mes choix étaient somme toute assez restreints et j’ai du accepter d’aller chercher une mallette contenant des documents militaires entreposée dans les bureaux d’un bâtiment protégé par des soldats de la Faction du Devoir, un groupuscule qui se targuait, en imposant à ses membres des règles de conduite dignes, de faire respecter le droit de la guerre car c’en était une pour eux comme pour tout ceux qui évoluaient dans la Zone. J’avais un peu récupéré depuis l’accident et j’étais bien décidé à me sortir de là par tous les moyens qui seraient susceptibles de me rapprocher de la sortie de cet enfer radioactif peuplé de guerriers haineux et de hors-la-loi sans scrupules.

Le camp des Stalkers était rudimentaire : un feu, une quinzaine d’hommes en patrouille autour de bâtiments en ruine, un nommé Vorodin Le Louche à la guitare, un camion-citerne obsolète et quelques carcasses de ce qui était peut-être des vans il y a très longtemps. Je posais peu de questions, sentant que c’était moyennement apprécié dans la région. Je réussis tout de même, au bout d’une heure, à capter quelques bribes de leur conversation. Beaucoup de légendes circulaient, pour en avoir entendues différentes versions, entre les gars du campement : une faille se serait formée sur une des faces du sarcophage, un objet appelé Le Monolithe serait enterré là-bas, un dénommé Strelok aurait pénétré au cœur du réacteur et en serait ressorti… changé, des hommes seraient devenus fous après avoir approché un certain endroit de la Zone, le lac Yamar, et erreraient sans but, des artefacts aux pouvoirs surnaturels seraient dissimulés sous les gravas proche de l’épicentre… Des histoires de Stalkers.

Je suis parti en direction du nord, vers le centre de la Zone mais je n’aurais pas à m’enfoncer très profondément dans le secteur intérieur puisque selon mon PDA dans lequel Sidorovitch avait téléchargé le parcours jusqu’à la base de la faction, il me faudrait prendre à l’ouest après trois kilomètres. Je traversais le chemin de terre sur lequel le camion militaire avait probablement été frappé par la foudre quand des chiens, à ceci près qu’ils semblaient aveugles, foncèrent vers moi d’une manière qui ne tentait aucunement de cacher leur plus franche hostilité. Sidorovich m’avait fourni un pistolet, un vieux modèle mais il fut efficace, je ne comptais pas les laisser s’approcher pour vérifier leurs intentions. En observant de plus près leurs dépouilles, mon observation fut confirmée : ces animaux avaient bel et bien été contaminés et avaient subi des mutations génétiques dues au fort taux de radiation. Je passai la ferme abandonnée en gardant mes distances car elle était, selon les Stalkers les plus bavards, le repaire des voleurs de passage, voleurs correctement équipés pour mener des embuscades létales à l’encontre de tout type d’individus, quels qu’il soient. J’en vis d’ailleurs un qui faisait des allées et venues devant le bâtiment, l’impunité dont ils jouissaient ici les avait ralliés en grand nombre. La route boueuse menait directement à la Décharge, un périmètre de dépôt d’éléments contaminés qui s’étendait à perte de vue en formant diverses montagnes peu accueillantes. Je devais y rencontrer Serij, mon contact. Censé me montrer l’endroit exact où se situait le tunnel que je devais emprunter pour déboucher près de la base militaire. Le hic étant qu’un barrage surveillé par une milice m’interdisait de poursuivre ma progression. Je m’engouffrai dans les ruines à proximité pour y préparer une stratégie. C’est là que je découvris un de ces artefacts : oblong et entouré d’une aura orangée et scintillante. Un cône. Sidorovich m’en avait montré dans sa boutique : il payerait cher pour s’en approprier d’autres. Au moment où je l’empochais, je ressentis comme une onde enveloppant l’intégralité de mon corps mais rien d’électrique, c’était indéfinissable. Irradié était le mot juste puisque ces artefacts dégageaient une légère radioactivité mais je refusais alors de le penser. Je diagnostiquai une certaine insensibilité sur le derme de mes paumes et cela semblait aller en s’étendant. Je trouvai finalement une manière de contourner le barrage par l’ouest en rampant sous une grille. De l’autre côté, la terre elle-même montrait des marques d’irradiation. C’est à partir de là et tout du long de ma route jusqu’à la Décharge que je croisai des dépouilles de soldats, de mercenaires, plus rarement de civils. La Zone avait été le théâtre de très nombreuses escarmouches, ce qui ne ralentissait pas le flot de Stalkers venus de lointains horizons. Je pris un fusil et quelques grenades sur le cadavre d’un officier. Son état de décomposition n’était pas très avancé, il semblait, en comparaison aux autres, fraîchement mort. Je m’accaparai également un kit de survie qui m’assurerait de ne pas agoniser en cas de blessures en admettant que je sois en condition de me soigner. J’atteignis la Décharge sans rencontrer âme qui vive et je m’en félicitais. Un groupe de Stalkers patrouillait devant un hangar, non loin de là. Reconnaissables à leurs combinaisons brunes, j’avais peu de chances de faire erreur. Mon homme devait en faire partie ou du moins, je serais renseigné sur sa localisation.

Serij était bien là, un des hommes me mena à lui et quand je lui appris que Sidorovich m’envoyait au tunnel, il m’avertit aussitôt que ces sous-sols étaient difficiles à pratiquer et que ses occupants n’avaient rien d’enfants de chœur, ce qui ne m’encouragea pas à poursuivre. A cet instant, un Stalker passa le mot : des bandits étaient sur le point d’attaquer le hangar où étaient conservés les artefacts et autres équipements. Serij interpella ses hommes pour former plusieurs groupes de défense. Je me positionnai derrière un muret de sacs de sable en attendant l’offensive. J’étais plus qu’inquiet sur l’issue du conflit, nous étions une dizaine et le terrain était complètement à découvert. Ils sont apparus du côté sud et un des hommes de Serij s’écroula dès les premiers échanges de tirs. Nous nous regroupèrent pour renforcer notre supériorité en puissance de feu, les bandits étaient malins et attaquaient par à-coups, échappant aux balles grâce à la densité de la forêt environnante. Il fut décidé que seul un assaut pourrait nous permettre d’en venir à bout.Serij et une poignée d’hommes les prirent de revers alors que nous ne cessions pas nos tirs de harcèlement. Des cris et un concert de déflagrations nous parvinrent, suivis d’un silence étonnant. Un homme de plus avait été perdu dans cette offensive et il était porté par deux Stalkers qui ne manifestaient aucune émotion sinon celle de soldats rompus aux aléas de la guerre urbaine. Pressé de m’éloigner de cet endroit apparemment très mal fréquenté, je demandais à mon contact de me mener au tunnel dans les plus brefs délais, ce qu’il fit de bonne grâce. Je crus discerner un soupçon d’admiration dans son regard : là où j’allais, il ne s’y risquait pas. Je descendis par l’échelle d’accès et me retrouvai dans une sorte de sas. Je me mis à progresser prudemment le long de la paroi malgré l’obscurité de plus en plus intense. Je changeai de direction plusieurs fois, tombant parfois sur des impasses, parfois sur des zones impraticables. Trente minutes durant, je bifurquais à n’en plus finir. Le schéma selon lequel avait été bâti ces galeries devenait franchement incompréhensible.

J’ai sorti mon PDA, ce labyrinthe de tunnels ne m’inspirait pas du tout et je commençais à perdre le sens de l’orientation. Selon les informations que je pouvais voir, la sortie devait se trouver à l’opposé de la courbe, au bout d’une ligne droite que l’on atteignait grâce à un escalier, un ascenseur ou un quelconque autre moyen de passer au niveau supérieur. Ma lampe torche ne fonctionnait plus, j’hésitais à continuer mais les bruits de plomberie suspects m’inspirèrent que faire demi-tour n’était pas forcément la meilleure initiative. Des flaques verdâtres jonchaient le sol et des canalisations émergeaient dans le vide ci et là, quelques éclairages de sécurité étaient visibles un peu plus loin dans le souterrain. Je me dirigeais péniblement, la lueur diffuse comme seul point de mire. J’ai finalement pris à droite après avoir jeté un coup d’œil derrière le mur, à l’endroit où le coude se formait. Personne. Après dix minutes d’une marche silencieuse, guettant le moindre signe d’activité, j’aperçus une masse noire aux contours tranchés qui terminait le couloir, au fond d’une pièce ; en m’approchant je reconnus l’escalier en colimaçon qui était mentionné sur la carte, je touchais au but. J’allais m’y engager quand les balles sifflèrent, cognant la surface métallique et ricochant dans toutes les directions. L’embouchure du tunnel était gardée, évidemment et ça n’allait pas être une partie de plaisir que de forcer le passage. Plaqué au mur, je m’accroupis, espérant obtenir un meilleur angle de tir ; l’escalier s’enroulait autour d’un pilier de béton sur une hauteur que je ne pouvais pas estimer. Ils pouvaient être deux comme douze, il fallait y aller au culot, je n’avais plus l’avantage de l’effet de surprise. Restant le plus proche du sol que possible tout en courant le long de la paroi gauche, je me mis à mitrailler au hasard puis m’immobilisai complètement. Quatre armes répondirent en crachant leurs projectiles à tête creuse, j’avais déjà une meilleure idée de ce qui m’attendait. Deux bottes de soldat au-dessus du palier grillagé : je fis feu immédiatement et montai quatre à quatre les marches, prêt à tirer. Des pas de course au-dessus de ma tête : la cavalerie descendait au contact, de toute évidence. Blotti dans un recoin, j’attendis que le premier soldat se présente et le blessai mortellement à la poitrine. Reprenant ma course, je gardai la gâchette enfoncée, canon en l’air, jusqu’au moment où je pus prendre position sur le deuxième palier, je voyais l’étage supérieur à présent. Puis deux hommes apparurent, j’ouvris le feu mais j’avais présumé de ma précision, mes balles allèrent se ficher dans le mur, derrière les gardes. Je me retrouvai de nouveau en situation d’infériorité tactique ; quatre mètres plus haut, deux fusils d’assaut étaient pointés sur les premières marches qui menaient à cette ligne droite vers l’air libre et j’aurais été stupide de croire, à cette distance et dans ce contexte, qu’il y avait une chance pour qu’il rate leur cible. Impossible également de les neutraliser en tirant à travers le plafond : le niveau supérieur était bétonné au sol. Je pensai alors au lance-grenades adaptable sur mon fusil : il pourrait me sauver sur ce coup-là. Je propulsai une grenade à la verticale en suivant l’axe du pilier, ce qui était périlleux mais avec un peu de chance, la diversion me permettrait de prendre position plus haut. La déflagration m’assourdit et je crus un instant que ce serait ma dernière erreur mais l’escalier avait tenu. La voie était dégagée désormais, j’avais bien estimé le retardement et mon angle de tir. Je sortis des bandages de mon paquetage car je venais de me rendre compte d’une profonde blessure à épaule, dans le mouvement, je n’avais absolument rien senti mais je saignais abondamment. J’ai pris un moment pour souffler et je me suis dirigé vers l’échelle qui allait sûrement me conduire à la surface.

Un mirador. Face à face avec un mirador… Ce n’était pas la bonne échelle ? Pas le temps d’y réfléchir, ça commençait déjà à canarder, j’ai foncé me mettre à couvert derrière un conteneur. J’étais ressorti directement dans la base et ça, mon PDA ne l’avait pas indiqué. Le temps n’était pas aux réclamations : ma cible était juste en face. Quatre miradors, un à chaque coin du camp, un soldat devant le hall du bâtiment où je devrais trouver la fameuse mallette. Deuxième étage. Des types à l’intérieur, je voyais dépasser des casques le long des vitres à mi-hauteur. Et ça, c’était quoi ? Un baril d’essence, d’accord. A l’entrée. A la deuxième balle, il s’enflamma, je n’eus pas le temps de tirer la troisième qu’il fit voler en éclats la baie vitrée et le soldat qui y était stationné. Vite, vite. L’alarme venait de se déclencher, j’étais dans de sales draps. Vite, trouver la bonne porte, la bonne mallette, la bonne sortie et courir jusqu’à l’épuisement : un plan simple pour une mission difficile. J’avais à peine passé le hall que deux balles m’atteignirent, un salopard m’attendait là, accroupi sous une fenêtre et ne m’avait pas loupé. Je vidai mon chargeur sur cette enflure et lui pris ses munitions, j’allais en avoir besoin. Parvenu au deuxième étage, je stoppai mon élan ; j’avais vu des soldats depuis la cour, ils ne devraient pas être loin. L’alarme hurle de plus belle pour rassembler toutes les unités disponibles devant la caserne, sortir allait être une tâche héroïque. J’ouvris la porte sur ma droite, peut-être que les bureaux étaient communicants, c’était toujours à tenter mais non, de la paperasse, rien que de la paperasse, aucune mallette. Un militaire apparut alors dans l’encadrement de la porte, j’eus le temps de me retourner en dirigeant mon tir approximativement. Il était blessé mais pas mis hors d’état de nuire, j’avais peu de chargeurs en ma possession et je décidai de l’achever avec mon coutelas. Je repris le couloir pour chercher une autre pièce susceptible de contenir ce que je voulais. Je sentis tout de suite que j’avais tiré la bonne carte : des ordinateurs, de hautes étagères et un meuble de rangement massif. Voilà : la mallette. En aluminium, assez légère et de toute manière l’unique de la pièce. Aucun moyen de vérifier son contenu, je n’avais pas la combinaison et mon comité d’accueil s’impatientait. Je sortis en trombe du bureau et dévalai les marches ; il y avait des fenêtres à mi-chemin entre chaque étage mais malheureusement pour moi, elles étaient trop étroites. Rez-de-chaussée. C’est maintenant qu’il allait falloir démontrer ma supériorité dans la fuite. Rafale en provenance du dehors. Trois. Quatre. Six. Ils n’y allaient pas de main morte, il y avait quoi dans cette mallette ? Sidorovich m’avait pris pour une tête brûlée. J’allais monnayer la restitution, ce slave n’allait pas me la faire. L’issue principale était bloquée, pas d’autres façons de s’extirper de là. Tant pis, ça allait swinguer. Ma dernière grenade, jetée un peu au hasard, je ne pouvais pas me permettre de sortir de la cage d’escalier. Des cris à l’étage : j’étais fait. Un demi chargeur, ça serait très insuffisant. Je vis les soldats se mettre en position de tir, il fallait essayer quelque chose. J’enfonçai la porte battante qui donnait sur le hall, des soldats devant, des soldats à la fenêtre. Je ne sentais rien de très précis mais je savais que j’étais très gravement touché. Plié en deux, j’essayais d’éviter les tirs croisés mais c’était peine perdue. Je n’allais tout de même pas mourir comme ça…

Je savais que je ne m’en sortirais pas, la situation était critique, mes échappatoires inexistants et une voix surgit de je ne sais où en annonçant gravement que ma partie était terminée et que je pouvais rejouer en appuyant sur la touche Maj droite si je le voulais.
- PUTAIN, MAIS C’EST PAS CROYABLE, C’EST QUOI CE FUSIL ROUILLE !?! JE LUI AI DIT DE TIRER, BORDEL, POURQUOI IL A PAS TIRE, CE CON ?? Eh ben, qu’ils aillent se faire foutre, je refuse de me battre dans ces conditions, c’est une honte de fournir du matériel périmé à un guerrier d’exception.
- T’es mort… ?
- Mais ouais, mais les armes ukrainiennes, elles sont en polystyrène aussi, pas étonnant qu’ils se soient fait annexer par les communistes, je te le dis…
Mon rat de studio m’a interrogé du regard à travers sa cage sur l’éventualité d’obtenir un morceau de fromage et j’ai répondu à sa requête en lui lançant un morceau de bougie d’intérieur sur lequel il s’est jeté avec avidité. Il n’y a pas de petite vengeance. Je suis allé me faire un sandwich au roquefort et j’ai rejoint ma douce qui grignotait des Cookies devant un épisode d’Ally McBeal. Ils ne s’en sortiront pas comme ça, les circonstances de ma mort ont été scandaleuses et pour quarante-neuf euros quatre-vingt dix-neuf, je trouve que ça fait beaucoup de frustration vendue avec. On devrait mettre un avertissement sur les emballages : Si vous êtes du genre nerveux et mauvais joueur, prenez plutôt le logiciel de visite du Louvre, vous allez vous faire du mal pour rien. Sur ce, je vous laisse : il y a le passage de la plaidoirie avec John Cage, c’est mon personnage préféré.