Pour A. A.

Le 03/12/2007
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par Cadarn
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Thèmes / Obscur / Litanie
Cadarn, à l'époque, c'était un genre de boulet mongoloïde pas trop sérieux. Il s'est pris un sérieux coup de vieux, le nain. Voilà qu'il se met à grandiloquer à pleins tubes sur la viande, l'extinction et le pourrissement, avec (et c'est bien le plus étonnant) un certain talent. Ca manque un peu de clarté et c'est parfois maladroit, mais ça tape quand même. De la bonne propagande nihiliste, organique et brutale, bien cliché et bien appréciable.
Bouffer la merde, écharper, déchiqueter. Besoin, ressentir, connaître, reconnaître son existence par les autres. Je veux vous faire ressentir à tous à quel point j’existe. N’avez-vous pas ressenti dans toutes vos fibres, jusqu’à la moindre parcelle de vos cellules, cette vie douloureuse, ce frémissement de l’être impulsant et expulsant ces corps étrangers vous rognant de l’intérieur quand la bombe éclata? Cette jouissance que le sens commun condamne? L’horreur vous a ensuite accablée alors que vous preniez conscience de l’immoralité de vos sentiments.
Les corps déchiquetés autour de vous, exempt de toute blessure, vous ont contaminé. Les entrailles répandus, les axes originaux des membres, les gémissements des mourants qui assaillent et défont les sens. Par dessus tout, s’attaquant à votre sens le plus faiblard, le plus inutile, l’odorat; l’odeur de pisse et de merde, la poussière noyée dans ces humeurs qui vous composent précèdent la pourriture, qui les recouvrira bientôt, vous recouvrira, nous recouvrira. Alors vous vous sentez épandre à l’infini votre corps, vos organes, la bile vous monte à la gorge, la brûlant. Vous agrippez votre œsophage, cherchant à vous reniez, vous touchez vos tubes, plongez vos mains à leur encontre tandis que, saisis d’un mouvement convulsif, vos jambes frappent alentours et écrasent ces corps qui ne sont plus, ces agrégats de matière qui vous insupportent. Vous les broyez, les éparpillant et accroissant votre terreur. Vous suffoquez, renoncez à vous extirper de cette chair molle et fade. Vous êtes honni, vous vous dégoûtez crachant le sang de votre strangulation.
Engourdis par votre souffrance, vous vous étendez sur ces chairs encore moites, presque fœtales; et vous comprenez leur identité, la vôtre, l’essence de ces êtres, de ce théâtre de la cruauté. Mais vous êtes seul, le néant pour vous prouvez votre existence. Enfin vous achevez ce qui a été commencé par la merde et la pourriture à l’extraction putride de votre dégénérescence. Vous n’étiez ni fœtus ni vagin, seulement une exaction, un être qui n’a pas été. La gorge arrachée par vos serres, vous vous détendez. Retourne à la chair, à la viande, à l’os, à la poussière.