Loving memory

Le 06/01/2008
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par Arkanya
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Thèmes / Obscur / Psychopathologique
Oh putain. Arka, quand elle décide de cogner, elle fait pas semblant. Son texte est concis, ne s'embarrasse pas de fioritures mais va à l'essentiel. Et passe sans transition de l'introspection sombre au grand-guignol gore le plus absurde et le plus jouissif, le tout en total premier degré. Torturé, excessif sans être débile. Grand moment.
Elle me regarde fixement.
Elle est assise sur ma commode depuis des jours, et elle me regarde de ses yeux de verre.
Ses boucles blondes dégueulent de son crâne de cire avec insolence et défi.
Qu'est-ce qui m'a pris de garder cette poupée ?
C'est comme une accusation transie, elle seule sait, elle est ma conscience frémissante et ma croix.

Ça va bientôt faire cinq jours que je n'ai pas bougé de cette chambre. Les cadavres de toutes les bouteilles d'alcool que contenait cette maison se disputent le sol avec les cendriers pleins.
Je sens ma propre odeur à chaque mouvement, et c'est comme un charnier en plein soleil. J'ai arraché mes vêtements et je reste là, nu, croupissant dans ma propre honte. J'attends qu'on vienne me chercher.

Si j'avais eu des couilles, je me serais liquidé.

Sur sa robe en dentelle blanche, le sang a commencé à noircir. Beaucoup moins violent que le rouge indécent qui violait le regard.

Je ne veux plus dormir.
Chaque fois je rêve, chaque fois je vois cette gamine surgir dans mes phares, les yeux scintillant comme ceux d'un lapin à l'orée d'un bois.
Chaque fois, j'ai cette demi-seconde étrange où je me dis que décidément, cette petite fille que je vois tous les jours jouer à la poupée sur la pelouse est vraiment une belle gosse.
Chaque fois, je vois son petit corps percuter le pare-brise.

J'aurais pu gérer la culpabilité de l'homicide, ça, j'aurais pu.

C'est l'animal qui est sorti de la voiture qui me terrorise.
Celui qui a retourné le corps meurtri, a caressé doucement les blessures, amoureusement, comme on s'émerveille du corps d'une femme splendide. Celui qui a plongé ses doigts à l'intérieur du ventre déchiqueté pour en sortir les organes et les éparpiller sur le bitume.
Celui qui s'est vautré dans les intestins et s'est passé avec délectation le foie sur le visage. Celui qui a délicatement extirpé les yeux pour les fourrer dans sa bouche et les sentir éclater sous son palais rugueux. Celui qui a longuement sucé le sang qui gouttait de la carotide, léché les doigts brisés, joué avec les petits os entre ses dents.
Celui qui avait attendu pendant tellement d'années que la providence lui montre l'extase d'une expérience nécrophile.

Celui qui rit sous cape alors que j'attends dans ma chambre patiemment qu'on vienne me chercher, en fixant des yeux une poupée morbide.

On ne sait jamais qui l'on est.