Synchronicité de comptoir

Le 15/01/2008
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par Mill
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Thèmes / Débile / Disjoncte
C'est quoi ce style de merde encore ? Depuis quand on raconte les origines de la troisième guerre mondiale en mode 'brèves de comptoir' maintenant ? Si Mill espère que son texte soit meilleur ou plus frappant en le faisant baver par un poivrot qui nous zappe tous les détails, c'est foiré. C'est con, parce que sans ça, y avait de quoi faire un texte marrant, grâce aux faits divers sordides ou sanglants qui s'enchainent en catastrophes.
    « D’abord, y a eu ce léger petit truc : la femme a laissé tomber ses clefs au milieu de la chaussée. Cling ! Elle a entendu ça derechef. Son blondinet de rejeton, qui marchait trois pas devant, avait déjà atteint le trottoir qu’elle agrippait à peine son trousseau, jambes fléchies et jupe retroussée sur le haut de ses cuisses tendues. Elle n’a eu droit qu’à quelques fractions de seconde avant d’embrasser le pare-chocs du 4x4 qui arrivait, disons-le, vachement vite.
    « Le gamin s’est retourné. T’imagines le bruit ! La moitié de la rue s’est retournée. La maman était écrabouillée, comme étirée sur plusieurs mètres. Du sang sur la chaussée, des bouts de viande de rouge coincés dans une des roues, une oreille sanguinolente avait volé jusque dans le cornet de glace cassis-vanille d’une fille de bonne famille au look néo-gothique… Warhol eût apprécié. Le môme s’est mis à pleurer, trop choqué pour parler. Pas de hurlements, pas d’hystérie. Bien élevé, le marmot. Juste des pleurnichements discrets entrecoupés de reniflements. Une main protectrice vient soudain lui caresser l’épaule. Une voix d’homme au-dessus de sa tête. La voix console, cherche à rassurer. Elle se veut solide, mais elle n’exclut pas la sensibilité. Une voix qui paraît comprendre.
    « Le garçon lève les yeux vers le propriétaire de la voix et le sourire qu’il découvre n’en finit pas de lui déplaire. Mais le minot n’en peut plus. Ses larmes lui brouillent la vue et il ne peut détacher ses pensées des petits fragments de viande éparpillés sur le macadam.
    « On retrouve le gosse deux jours plus tard, au fond d’un égout, le crâne défoncé et le cul idem. Le papa, déjà terrassé par la mort accidentelle de sa femme, devient fou de douleur en apprenant la nouvelle. Il se jette par la fenêtre de l’appartement et tue involontairement un terroriste qui passait par-là. La bombe qu’il n’a pas eu le temps de placer explose donc quelques heures plus tard dans la voiture qu’il avait garée un peu plus loin, oui, là, devant la crèche.
    « Ah, c’est sûr. Je te dis pas la gueule de la crèche. Des bébés éclatés dans tous les coins, de la purée de mômignard au coulis de sang, tout ça mélangé à divers matériaux et puéricultrices, également en charpie. Cependant, l’une des gonzesses s’en est tirée, la haine au cœur et la rage au ventre.
    « Complètement jetée, en réalité. Je suppose qu’on peut la comprendre : quand elle a repris ses esprits peu après l’explosion, elle baignait dans la purée sus décrite. Elle en avait jusque dans les tympans, les sous-vêtements, le coin des yeux, le trou de balle. Elle-même ne s’en sortait pas indemne. Les jambes fracturées en divers endroits, le cou tordu, le bras gauche formant un angle étrange avec ses épaules, à moins que ce ne soit l’inverse. J’imagine ce qui peut te passer par la tête dans l’un de ces moments-là : voyons, cet œil-ci m’a l’air trop petit pour être le mien, d’ailleurs je n’ai pas mal aux yeux, tiens, qu’est-ce donc, la langue du petit Pierrick, la rate d’Amélie ?
    « Tu vois le topo ? Toujours est-il qu’on a plus entendu parler de la fille pendant près de deux ans. Puis les Arabes ont commencé à crever. Pas en masse, bien sûr. Simplement, une à deux fois par semaine, on retrouvait un cadavre typé maghrébin : un beur, un Algérien, un Tunisien, un harki, un Libanais, bref, n’importe quel pauvre blaireau sur la gueule duquel le premier connard de raciste venu peut s’autoriser à inscrire le mot « bougnoule » en lettres de sang.
    « Quand ils ont enfin chopé la fille, ça a été un bordel de tous les diables. Et quand je dis « choper », c’est pour aller vite. Elle s’est rendue, la garce. Je sais pas si tu es vraiment capable de piger le concept, mais d’après ce qu’elle s’est empressée de déclarer aux vautours de la presse, elle s’était sentie « investie d’une mission ». Croisade personnelle sur fond biblique et alléluia. Tu greffes par-dessus un fond de racisme ordinaire bien franchouillard et t’as de quoi bien foutre la merde dans les esprits. Les journaux, les télés se délectaient de ses interventions exaltées et, au bout d’un moment pas très long, les gens ont commencé à déconner à pleins tubes.
    « Pourtant, c’était plutôt soft, au départ : les émeutes en banlieue, les bagnoles cramées, les abribus défoncés, tout le monde s’y attendait plus ou moins. Vois-tu, le pays traversait une crise économique et sociale depuis quelques décennies et faut bien qu’ça pète de temps en temps. Sauf qu’en général, ça s’arrête. Là, ça a carrément dégénéré. Le nabot hystérique à la tête de l’Etat a dû jouir quinze fois dans ses guêtres quand il a envoyé l’armée. Pour te dire, y a eu tellement de bavures que le sens même du mot a changé. Ca, une bavure ? Meuh non, regarde bien, ça bouge encore. Allez, tape, cogne, fracasse ! Tu vois ? Maintenant, c’est une bavure.
    « Le hic, c’est que ces violences ont rapidement dépassé le cadre de la banlieue et des affrontements traditionnels « djeuns » / forces de l’ordre. La puéricultrice facho avait fait des petits. Massacrer du raton, du bougnoule, du melon était devenu un sport national et, de leur côté, ceux qui, parmi les maghrébins, n’étaient que musulmans, sont devenus illico des islamistes féroces aux ceintures d’explosifs mal placées. Bref, tout le monde s’est à peu près radicalisé et, crois-moi, fallait pas être laïc, indécis, neutre, apolitique. Si tu choisissais pas ton camp, y avait toujours quelqu’un pour le faire à ta place et t’envoyer ad patres. En général, on appelle ça une guerre civile. Mais ça impliquerait deux adversaires bien définis, non ? Le Nord et le Sud, les Républicains et les Phalangistes, les sans-culottes et les aristocrates, la Contra et l’armée nicaraguayenne… On nageait en plein n’importe quoi et on s’est tellement bien démerdé qu’on a fini par contaminer le reste du monde.
    « Faut pas être expert en géopolitique et en histoire contemporaine pour bien saisir l’enchaînement : l’Iran a tiré la gueule très très vite. Des fatwahs ont été lancées contre une quantité importante de personnages publics, puis des populations entières. Les différents réseaux terroristes se sont développés. Y a eu des bombes artisanales à tire-larigot, des immeubles entièrement démolis, des voies de chemin de fer annihilées, des avions sacrifiés, des otages assassinés à la louche. Notre roquet national a lui aussi pété un plomb et déclaré la guerre à tout le Proche-Moyen-Extrême-Orient, sans oublier la Turquie, histoire de bien enfoncer le clou.
    « Evidemment, l’Europe s’en est mêlée, puis les Ricains, les Chinois, les Russes, etc. Un petit malin s’est souvenu qu’on avait disséminé des engins nucléaires un peu partout sur la planète et les champignons atomiques ont pullulé pendant quelques temps. Kubrick aurait trouvé ça joli, derrière sa caméra, mais bon.
    « Voilà pourquoi notre monde est ce qu’il est, fiston : un vaste terrain vague sans rien à bouffer et juste quelques personnes à moitié stériles et cancéreuses pour se balader dessus.
    - Oui, p’pa, mais dis-moi. Comment t’as su, pour la dame avec les clefs ?
    - Ben tu vois, j’étais dans les parages, c’est tout. Allez, maintenant, t’es gentil, tu la fermes et tu suces. »