Selection academy

Le 04/03/2008
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par Samforce
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Thèmes / Débile / Sarcastique
L'intro mentionne Beigbeder, et c'est vrai qu'on est en plein dans ce créneau. Quand on a lu 99 Francs, on retrouve un personnage quasi-identique, un directeur de création cynique et désabusé, nettement plus exécrable que son modèle, des scènes similaires de réunions marketing et de tournages publicitaires. Impossible de se défaire de l'impression de lire un remake amélioré, mieux écrit et plus subtil, de l'autre tarlouze.
Un clone de Beigbeder raté, raciste et pédophile vit aléatoirement et cyniquement en plein an 2005, au risque de sa vie, repoussant ainsi les limites du style littéraire le plus misérable de tous les temps : l'auto-fiction.
Sélection Academy

« Le bonheur individuel se doit de produire des retombées collectives, faute de quoi, la société n'est qu'un rêve de prédateur. » Milan Kundera.

Au Cœur de l’Enfer

« On a qui exactement ? », « François Barthez, Marlène Cheryl, Rohff, Florent Ruquier, Maïté, Amandine Mauresmo, David Douillet… », « OK. Tu me vires : Mauresmo, trop laide, Douillet, il m’a trop fait chier avec sa pub de biscuit, Maïté, trop grosse, Armand Ruquier, trop chétif, Rohff, on ne vise pas la banlieue ni les nègres avec ce produit, Hélène Cheryl, trop du genre vieille blonde, Barthez, par élimination, est parfait, il est sur le déclin, donc il coûte pas trop cher, et tout le monde se souvient encore de lui, dis lui de garder le crâne rasé, séance photo la semaine prochaine, prends RDV, je te laisse, ciao.», mon portable s’en va rejoindre le fond de ma poche. J’ai froid. Il fait gris, il pleut, ma voiture, Mercedes classe E, est garée devant une petite maison très laide, je n’ai, à première vue, rien à faire là. J’aurais bien voulu aider d’avantage mon jeune stagiaire, un jeune puceau sans culture tout frais moulu d’une école de « je pète plus haut que mon cul », sur cette pub pour vitamines, mais là, impossible, je suis en mission humanitaire, je viens de me stationner devant la maison Eric, vieux pote de la campagne ; il faut que je me plonge au cœur de la jeunesse prolétaire pour mieux prédire l’avenir. Une voisine, une petite vieille, m’observe d’un œil glacé, la moitié de son visage masquée par un rideau noir, par la fenêtre sale de sa baraque de veuve mal baisée, on n’aime pas les visiteurs ici. Ca me fait penser qu’on ne parle jamais assez de la sexualité des vieux, à une époque où il y a plus de vieux que de jeunes, ça me parait primordial, je note cette pensée sur mon Palm.

De noir vêtu, je me grille une petite clope, pour faire le vide, avant la longue après-midi qui m’attend. Je me décide à pousser sur la sonnette de cette petite maison insignifiante. Personne. Je frappe délicatement contre le bois pourri qui étouffe le son. Une ombre semble osciller derrière la vitre de la porte, Eric ouvre, « désolé, la sonnette ne fonctionne plus », je réponds par un silence, on se fait la bise, son molosse se jette sur moi, un gros rot musclé, ou un truc du genre, un espèce sans doute interdite, aux oreilles taillées pointues, une bête de guerre à te déchiqueter un mioche en deux d’un coup de mâchoire, à te décapiter du bambin, il a un joli collier métallique avec des pointes, le même que les gonzesses portent dans les soirées gothiques de la capitale. Sa copine, Lucie, est assise sur un bout de divan, le regard vaseux, je lui fais une petite bise sur la joue, la maison a à peine changé depuis 5 ans, le nombre de DVD dans la bibliothèque a juste décuplé, l’ordinateur a été décoré, tuné, converti, en aquarium, sur la table, je vois la dernière console portable de Sony, la PSP, un peu plus loin, le dernier volume de Harry Potter (et le prince de sang mélangé, un truc du genre), seule trace de littérature dans la pièce, et sans doute dans la maison, excepté les autres volumes de Harry bien entendu, ne soyons pas trop mesquin. La pluie bat les vitres. On me sert une eau pétillante, une eau pétillante produit blanc, une eau pétillante anonyme, un simulacre de San Pelligrino, une station thermale située dans les Alpes Italiennes, haute teneur en sulfate (549 mg/l) et calcium (208 mg/l), faible taux de sodium (43.60 mg/l) l'a rendant peu salée. A côté d'une eau thermale comme l'eau de Vichy Célestin, elle est plus agréable à boire et ne donne pas un arrière goût de rouille dans la gorge. Je n’ai pas encore prononcé un mot. La télé occupe tout l’espace sonore, Dechavanne semble ridicule, il présente une espèce de bêtisier pas drôle sur TF1. Le papier peint est très laid. Je superpose ma voix à celle de Dechavanne : « Alors elle est bien la PSP ? ».

Me voilà devant Ridge Racer version PSP, Eric se fait 6 tours de circuit, le jeu est beau, c’est sûr, la machine est superbe, l’écran est très large, je vais me l’acheter. Eric m’explique qu’il est toujours au chômage, Lucie bosse dans l’enseignement secondaire inférieur, elle enseigne la science pour une école de coiffure. Cela consiste à leur expliquer le PH et l’ammoniac. Eric est toujours dans le tuning, il s’est lancé aussi dans l’échangisme avec Lucie pour revitaliser son couple. D’une manière furtive, il arrive à me glisser le fait que Bad Boys 2 est son film préféré. J’acquiesce, c’est normal, je prononce une phrase hors contexte, « le nouveau devient quotidien, ainsi va la vie… ». Je me rallume une cigarette.

Il existe plusieurs sortes de tuning, le tuning visuel, le tuning sonore, le tuning de la performance… les gens qui travaillent et touchent un salaire peuvent se permettre d’aborder les 3 tendances, pour les autres, adeptes du « do-it-yourself », mais non fortunés, il faut se spécialiser dans un des trois. Eric est dans le tuning performance, sa caisse, une Honda Civic, est sobre, vitres teintées, peinture noire. Les sièges à l’arrière ont été enlevés, le pot d’échappement amélioré, nouveau moteur, découpe aérodynamique. Pour aller vite, il faut alléger sa caisse au possible, pas de caisson de basse non plus, pas d’amplificateur. De là, pour tester ses performances, Eric participe à des courses, qui peuvent être légales ou non. Là, et j’ai insisté, nous allons vers une course illégale, seul endroit où, à mon sens, je pourrai trouver de la matière intéressante pour ma créativité. Eric est un pilote, quand on était mioche, on roulait à 100km/h à moto à travers le centre ville, sans casque, quand il pilote, j’ai totalement confiance. Je ne ressens aucune peur, et je peux observer à loisir la course sur cette bretelle d’autoroute, sous cette pluie battante, sous les éclairs, et voir ces indigènes prendre les tournants à 160km/h, pointer à 220 en ligne droite, dans la nuit. Tout prenait son sens, loin du « tuning tapette » qui consistait à décorer sa "voiture-femme" en mauve bonbon avec des néons, pour compenser une vie sexuelle faite de particules de vide, le tuning performance était une lutte contre la vie, la loi, ses limites, ses peurs, à la recherche de vraies sensations fortes, comme l’amour à plusieurs, Eric trouve un équilibre dans tout ça, il est, dans ce sens, plus sain que la plupart des gens. J’admire en silence et j’enlève ma ceinture pour profiter encore plus de ce mélange exquis d’excitation et de vulnérabilité.

En rentrant chez Eric, il m’a proposé de sodomiser Lucie dans le divan. Il a observé tout le long en se masturbant, en background, une rediffusion du maillon faible. Son cul n’était plus tout intact, les sensations étaient moyennes, j'ai eu un peu de mal à rentrer c'était trop sec, mais pour ne pas vexer son couple et être poli, j’ai dit que c’était super. Vers 2h du matin, je suis rentré chez ma femme, je l’avais prévenue que je ne rentrerai pas pour manger, je me suis brossé les dents et j'ai rincé les traces de merde sur mon gland, on a fait l’amour puis j’ai joué à GTA, je n’ai fait aucune mission, j’ai roulé sur le trottoir à toute vitesse en écrasant un max de piétons sur fond de Snoop Doggy Dog. J’ai fumé une dernière cigarette, j’ai versé quelques croquettes dans la gamelle du chat, et je me suis couché, il était 4h30, à 8h, j’avais une réunion concernant le montage son de la dernière de Martini.

Première Réunion de la Journée

On est à peu près une vingtaine à attendre le responsable marketing dans la salle de conférence du 7ème étage, le soleil commence à se lever, le chauffage central se met en route doucement, j’ai gardé sur moi ma veste en cuir sombre dessinée par Heidi Slimane, directeur artistique chez Dior, négociée péniblement à Paris l’été dernier dans un colloque vintage ; pour le reste, j’étais essentiellement habillé de noir, pull, pantalon, chaussure à la frontière entre la basket et le soulier classique, pour assurer plus de crédibilité et de corps à mon dynamisme surnaturel. Un figurant, une sorte de stagiaire petit nouveau, me propose du café. « Sans sucre, sans lait, merci ». L’ambiance est morose, chacun contemple ses yeux gonflés dans le reflet de son café, il était rare que l’on commence si tôt le matin, comme de vulgaires ouvriers malpropres, chaque mouvement était pesant, un individu avait allumé la radio à faible volume, on pouvait entendre un bruit de fond de Madonna, un des derniers produit par l’arabe français, genre, Mirwais Ahmadzai, voilà le nom, il avait succédé à William Orbit, un enculé d’anglais qui avait remixé Bach en trance, avec des immondes synthétiseurs homosexuels. Je m’allume une clope, Cécile me voit, un regard, je lui tends le paquet, en silence. L’attente. Je déteste ces gens qui se font attendre, mais je sais très bien que dans ce milieu, ils le font exprès, arriver 10 minutes en retard, ça permet d’imposer subversivement une certaine pression dans l’assemblée, c’est la base de tout bon cours de management des ressources humaines. Puis, ils continueront avec le chapitre 2 « discours en public », les gestes des mains quand on s’adresse à une assemblée, le balayage du regard, marcher à travers toute la pièce pour briser les frontières invisibles et faire de la salle son territoire, le discours lent, la syntaxe et la sémantique simple, les mots bien mâchés par des mouvements de mâchoires répétés des heures devant la glace de la salle de bain et tutti quanti. Voilà le responsable marketing qui rentre dans la pièce avec son assistante « Jean’S Diesel basket 3 bandes je suis détendue au boulot », après un discours aussi inutile que chiant, il enfile un DVD dans le lecteur, et voilà pendant 30 secondes, une longue montée qui défile sur l’écran en son dolby, des gens qui dansent, de l’alcool qui coule, et c’est la fête, et la musique devient house et ça pète, vive Martini. Je me lève d’un bond, « Je n’ai absolument pas aimé le début, où sont passés les percussions tribales que j’avais demandé sur la 7ème seconde quand on voit la négresse ? », « L’ingé son n’a pas retenu cette idée estimant qu’elle était superflue, d’après ce que j’ai lu dans son rapport », « J’ai déjà pourtant exposé ma théorie dans les moindres détails, la négritude n’est plus du tout à la mode, suite à l’explosion R’n’B, le noir a été banalisé, et tout le monde le sait, quand les gens regardent les publicités, ils voient inconsciemment le quota de noir qu’on a calculé pour faire United Color tendance, pour être à contre-courant, et donc original, il faut qu’on se moque de ce fait, et les tam-tams africains c’était un bon moyen de stéréotyper sonologiquement l’affaire…». Tout le monde applaudit. « Ok, nous intégrerons ces tam-tams à la 7ème minute. D’autres commentaires sur le montage son ? », je reprends la parole, « Oui, le filtre sur le saxophone quand on voit la pétasse blonde, avec son décolleté grand canyon, boire son Martini, pas assez insisté, c’est elle la star sexuelle de la pub, d’ailleurs d’après ce que j’ai lu sur les notes de frais, c’est le plus gros cachet de la production image, le saxophone représente le sexe, et dans cette pub, le saxo c’est pour elle, et il faut le filtrer pour qu’il s’imprègne bien dans la basse funky/house d’arrière plan, je recommande au minimum une amplification de 3db sur cette séquence de cuivre, sinon, tant que j’y suis, la compression multibande au début est trop vulgaire, on sent que l’ingé a fait ça à la barbare avec l’effet Flatblaster de Reaktor, preset « mastering puissant», on la fait pas à moi.», « d’autres choses ? », silence total. On se repasse la pub une deuxième fois, une troisième fois, puis la réunion se termine par un service de pains au chocolat moelleux et de jus d’orange pressé. Le boss me propose d’aller jeter un œil ce midi sur le tournage de la prochaine pub Tahiti Douche, remettre les choses en place et calmer les ardeurs créatives du réalisateur. C’est mon job, marcher sur la tête des créatifs pour les remettre dans la ligne de conduite marketing.

Mon Premier Job

Etre à l’avance sur son temps, c’est mon soucis quotidien. Après avoir anticipé les travaux des plus grands génies, prédit les courants, les contre-courants, la hauteur des marées, la couleur du vent, le goût de la merde qui serait servie le lendemain dans les assiettes de chacun, il n’y avait qu’une seule chose significative qui prenait importance à mes yeux : continuer à prédire le monde pour gonfler odieusement mon compte en banque. J’entamais la journée par la lecture de l’actualité, la fondation du flux migratoire des mèmes, ces briques d’idées fondamentales qui se reproduisaient à travers les cerveaux, à l’instar des gènes à travers les corps. De manière générale, l’actualité ne faisait pas varier énormément les tendances, mais il fallait être là au bon moment pour filtrer l’information primordiale, celle qui est assez conséquente pour basculer nos modes de vie. Chaque semaine, je dois également m’informer de la vie des stars, connaître l’état des couples ou l’image véhiculée par les peoples riches, je dois me brancher 20 minutes par jour sur MTV pour suivre l’évolution de la musique asservissante à but lucratif et décadent, observer le look des blacks r’n’b, noter la marque de jeans des pétasses blondes, schématiser la coupe de cheveux des pédales du rock. Je dois me taper une heure de télé-réalité par semaine, me faut les résumés, les tendances, les fringues, les personnages clés, mon esprit critique sur le qui-vive, en quelques minutes, sur la presque vingtaine de participant, je dois cerner les 3,4 têtes primordiales, celles sur qui le jeune con lambda et la pucelle moyenne vont focaliser leurs fantasmes, celles qui vont porter le poids de toute la projection fantasmagorique de toute une génération merdique pourrie gâtée et élevée au silicium. Je dois suffisamment les détester pour me plonger, avec joie et entrain, dans l’art alternatif et y puiser ensuite toute la richesse que les sous-artistes pilleront quelques mois plus tard pour la resservir en version light aux sous-hommes. En dehors de ça, je dois encore aller plus loin dans mon expérience, toujours plus loin, je dois créer moi-même pour condenser les fruits de mes observations, et mieux encore, je dois m’engouffrer au cœur de l’enfer, au cœur de la société et observer en silence le peuple en ayant l’air de rien.

La Douche

Librairie du quartier des affaires, je traîne dans les rayons, je me sélectionne des romans, la vendeuse est charmante, petite étudiante de romane type 22 printemps, très mignonne et très cultivée surtout, elle connaît tous les livres, elle a un avis sur tout, ça m’impressionne, rien à faire, les femmes intelligentes, je craque. On parle de Easton Ellis, Dantec, Maryse Choisy, Kurt Vonnegut, elle me conseille « Middlesex » de Jeffrey Eugenides, l’auteur de Virgin Suicide, j’obtempère sans discussion. On parle rapidement philo, postmodernisme, on se dévore des yeux, je m’imagine la prenant en levrette dans le rayon livre pour enfant sur une pile de prince de sang mélangé. Encore un leurre de mon esprit, toutes les femmes belles, élégantes, intelligentes, pleines de confiance en soi, n’aiment pas le sexe, c’est bien connu, les tops models sont des brêles au lit, toute forme de narcissisme est néfaste pour le sexe, si on n’a plus besoin de l’amour des autres, on n’en a pas spécialement à donner, une surcharge d’amour-propre permet de se protéger du don de soi. Y a que les moches qui n’ont pas confiance en leurs capacités et qui aiment se faire prendre en sodomie par une connaissance de leur compagnon après une course de bolide sous une pluie torrentielle.

J’arrive sur le plateau. Une fois de plus, on n’a pas respecté mes consignes au casting. Je prends le réalisateur en aparté, « Tu me vires les nègres du plateau s’il te plait, ça ne colle plus du tout avec le côté exotique Tahiti, tu comprends ? Une indienne, une iranienne, une asiatique, c’est exotique, une nègre, c’est juste urbain tu comprends ? », il remercie la black, on commence les premières prises de vue. Je tourne dans le studio en mangeant un donut, direct un détail me frappe, je tourne autour de l’actrice asiatique, puis je la compare avec le cul de la rousse qui se fait habiller plus loin. Je vais revoir le réalisateur, « Tu vois la niakwé ? Tu filmes sa tronche, et tu filmes le cul de la rousse, tu les habilles pareil, genre le top Strelli, et le froc coloré Raff Simons, tu fais tout pour que ça colle au mieux, faut que le cul de la rousse soit celui de la niak, ok ? ». J’ai chamboulé la prod, tout va bien aller maintenant, j’insiste encore un peu sur la position du palmier carton pâte, je parle un peu aux maquilleuses, je demande à la jaune de faire quelques mouvements zen yoga cool, très la mode chez la classe moyenne, la culture asiatique fait un malheur, et je me trace vite fait, je dois donner un cours de math dans une école des bas quartiers à 14h, coup de fil de mon collègue Jim concernant la rock child academy, il a trouvé des nouveaux orphelins à entraîner. Mon cours de chinois débute à 18h, journée serrée.

Impression de Vitesse

Je donne quelques heures de cours dans une sous-école, pour m'imprégner de la pensée adolescente et mieux servir les produits. Plongé au coeur de l'enfer. J’arrive en retard à mon cours, mes élèves sont déjà là, une fille est assise à ma place, derrière mon bureau, une prétentieuse de merde, encore une sale arabe qui se prend pour Diam’s. Mais bon, malgré son mauvais choix religieux, je la respecte en tant qu'apprentie mathématicienne. Je la vire vite fait de mon siège et j’invite un clone de Jamel Debbouze à intégrer une fonction du deuxième degré au tableau. Les ados islamistes d’aujourd’hui parlent tous comme Jamel Debbouze, ça séduit les minettes de faire le Jamel. Je lui fous 4/10, en fait j’ai rien écouté à son développement, mais la réponse finale était mauvaise ; j’ai vérifié dans mes notes, dans les photocopies que j’ai faite du livre du seul livre de math que j’ai chez moi. Ma femme a corrigé leur dernière interro l’autre jour, devant le prime de la star’ac, pendant que je mijotais deux steaks suisses et un chicon gratin. Je découvre les résultats en même temps que mes élèves, les albanais ont de mauvaises notes, encore plus mauvaises que les notes des beurs. J’explique les logarithmes, je pense à la boniche de la libraire, y a du bordel dans la classe, je gueule un coup, je mets mon autorité en jeu en brandissant la menace d’une interrogation imminente, je mate la poitrine naissante d’une juive du premier rang, je m’enfuis 5 minutes avant la fin légale du cours, je passe en coup de vent dans la salle des profs, j’avale d’un trait un café fort chaud sans sucre sans lait en draguant une jeune prof d’anglais avec des oreilles décollées, en regardant mieux, ce n’était qu’un erzast raté de Justine Hénin, d’un sourire nerveux, je craque ma nuque, en route pour la Chine.

La Jeunesse, Quelle Tristesse

Après le cours de chinois, la seule langue qui a un avenir sur Terre, je suis allé chez Jim où il faisait soi-disant répéter les orphelins. Il était 22h. Quand je suis rentré, c’était le calme total, des enfants dormaient dans le salon, d’autres dans certaines chambres, j’ai allumé la télé, il y avait Delarue qui parlait avec des syndrômés de la Tourelle, Jim avait foutu du Valium dans leur lait de soja. Je sentais un début de migraine, mon cortex moteur et mon cortex somatosensoriel semblaient saturés, j’avais envie de me coucher. Avec Jim, on a eu l’idée de former un groupe de métal avec des enfants, on les entraîne, enfin surtout Jim, moi je suis producteur et je supervise un peu, comme pour la pub, on fait confiance à mon génie clairvoyant des goûts de la société. On s’arrange pour acheter en seconde main des enfants orphelins à leurs parents adoptifs pauvres, on achète aussi leur silence, officiellement, on s’occupe d’eux, chaque semaine on envoie une lettre, et les parents sont contents et toucheront un infime pourcentage des bénefs de la future tournée. On prépare l’album et les chansons, je mise sur des paroles néo-punk, genre les enfants se rebellent contre la société de consommation, c’est mon œuvre humanitaire pour essayer de changer les choses, il faut inventer la rébellion chez les enfants, c’est le meilleur âge pour renverser le système basé sur la dictature de la jeunesse, j’appelle ça la rébellion par le bas. On a enrôlé que des enfants blonds, pour faire genre polémique. J’ai ouvert la porte de la salle de bain, j’ai allumé la lumière, Jim était sur ses genoux, le nez sous la jupe d’une des petites filles. Je suis entré dans une colère folle, j’ai décoché quelques coups de pieds dans le bide de Jim, j’ai claqué sa tête dans le lavabo, salaud. Il était habillé dans sa longue jupe Cordoba, moi et ma femme, on l’avait convaincu que l’avenir de la mode masculine était dans la jupe, en Asie c’était déjà très courant, dans le futur la plupart des hommes porteront une jupe longue, c’est tellement plus confortable, sauf que la sienne est rose, et ça c’est ridicule, je l’ai retapé un peu pour le punir de ses fautes de goût. La fille de 11 ans riait, elle m’aimait bien, c’est moi qui étais allé l’acheter en BioRussie, ou un truc du genre, on avait fait connaissance sur le trajet, c’était la bassiste du groupe. Jim est allé se coucher. Je me suis mis à genoux et j’ai parlé à la petite, « il t’a fait quoi Jim ? », elle baisse son regard vers son entrejambe, j’ai placé ma tête sous sa jupe, et j’ai léché quelques minutes, « c’est comme ça qu’il a fait Jim ? ». Elle fit un signe affirmatif de la tête.

Je suis rentré chez moi par la suite, il y avait des rappeurs qui circulaient dans le quartier résidentiel, j’ai appelé les flics. Ma femme se sentait ainsi plus en sécurité, car les rappeurs étrangers sont bruyants, surtout les noirs, ils parlent très forts, ça me brise les tympans. On a parlé un peu d’arts martiaux, la seule philosophie valable pour l’avenir avec le posthumanisme, autre chose que le catholicisme et l’islam, je parle même pas de la religion des libéraux là, la juiverie, quoique bon, la majorité des posthumanistes sont juifs, normal ça intéresse les riches, et les riches sont juifs. On a fait l’amour, elle a préparé du riz sauté au canard, j’ai joué à GTA, j’ai fait une mission où je devais conduire une pute au boulot et tuer un pasteur pervers qui tentait d’enlever les filles du mac local. Après, j’ai roulé de longues minutes sur les trottoirs en tirant à l’Uzi sur les passants qui avaient échappé, par chance, à mes roues.

Echec du Féminisme

L’agence a rompu le contrat avec JLO, cette conne s’était mise la presse mondiale à dos avec son goût trop marqué pour la fourrure, cette petite pute embourgeoisée, ignoble enfant, sordide destin. On avait plus trop le choix, pas de contrat avec les gens de la télé réalité, c’était très mal vu par les consommateurs, il nous fallait une star vraiment porteuse, Mariah Carey était trop nunuche, elle posait ces derniers temps dans les magazines avec son chien pour vanter les mérites du célibat, ça ne collait pas avec l’image sexuelle de la marque, et puis, sa musique était encore plus merdique que celle de JLO, elles se concurrençaient dans un bain de merde mouvant. Beyoncé avait un trop gros cachet, alors que sa popularité stagnait, injuste fluctuation du marché. En fait plus rien n’allait, je me suis levé et j’ai monologué en agitant les mains et en dressant des frontières invisibles avec mon public : « Depuis plus d’une vingtaine d’année, nous faisons de l’argent en misant presque exclusivement sur le sexe, mais force est de constater qu’une chose imprévue est en train d’émerger, ces derniers temps, je rencontre de plus en plus de gens qui se lancent dans une nouvelle pratique, l’asexualité. L’individualisme exacerbé ne conduit pas, comme on l’avait pensé, à une libéralisation totale du sexe, et à l’orgie permanente comme dans le meilleur des mondes, au contraire, on se dirige vers un individualisme tellement fort qu’il peut se passer même du sexe, il suffit d’observer les stars qui n’ont pas de goût pour le sexe. Les premiers mouvements asexuels se créent, je vous invite à faire des recherches sur la toile à ce sujet ou à lire du Marcela Lacub. Alors qu’il y a un siècle, le riche faisait des orgies et était échangiste pendant que le pauvre était monogame, aujourd’hui, le pauvre fait des orgies, est échangiste, et est dans le clip R’n’B permanent, thèse défendue par nos soins lors des campagnes précédentes, alors que le riche devient asexuel, dans le sens où il aspire maintenant à un niveau posthumain, supérieur à la soumission sexuelle qui ne fait penser qu’à un vulgaire état de sous-développement animal. Le sexe à terme n’intéressera plus personne. Le pauvre sera asexuel et le riche ne sera plus humain. Si on veut être à contre-courant et avant-gardiste, misons sur une femme masculine au possible. », on m’a applaudit, j’étais l’élément le plus important de l’agence à présent, on n’hésitait pas à me coller l’étiquette de génie. J’ai continué en parlant de l’échec du féminisme. « La vraie féministe de nous jours est la femme qui veut garder son privilège d’être femme, celle de vivre sur le dos d’un homme, en menant une vie simple et dépouillée de toutes les contraintes carriéristes, faire la vaisselle et attendre le cash du mari. Les autres femmes ont échouées, en voulant le même droit que les hommes, elles combinent le défaut d’être femme, et le défaut d’être homme, ce sont des femmes non accomplies. » Nouvelle amplification des applaudissements. C’est ainsi qu’on a choisi Mauresmo pour illustrer la prochaine campagne de la marque Fructis de Garnier.

Fin Express et Ellipse Improbable

Les 15 enfants étaient alignés devant moi, j’ai récité le nom des 6 sélectionnés pour le groupe de métal. La Rock Academy prenait fin. Je sautillais sur place comme Nikos en me caressant une couille. Cruelle déception, et ça pleurait et ça couinait, on se congratulait amicalement, mais néanmoins hypocritement, comme les adultes, horribles morpions, ça me donnait mal au crâne, je suais, l’androstadiénone, l’hormone de la sueur, à fond les manettes, j’ai foutu tout le monde dehors à part Jim. Bon, maintenant, tu te dépêches, tu enregistres les 12 morceaux, on fait un premier live test fin du mois. J’ai laissé les paperasses à Jim, j’ai salué les mioches dans le couloir, j’avais rencard avec Marie, la fille de la librairie, on allait parler Hegel, Kant autour d’un café. Elle était élégante, on a parlé de la quête impossible de la liberté. On a parlé des degrés de liberté. Puis, plus rien n’allait, son enthousiasme me rendait que moyennement joyeux, je me suis levé avant la fin du RDV, sans un mot, sale conne prétentieuse je t'emmerde, j’ai pris une voiture au hasard. J’ai roulé en suivant mon instinct. J’ai foutu le morceau « Baise les Gens » du Klub des Loosers à fond la caisse. Jim me téléphone nerveusement, contrôle fiscal, et bla et bla, c'est le happy end qui commence. Je raccroche, je lance mon téléphone par la fenêtre, je recommence une deuxième fois pour être sûr. C’était trop. Je marmonnais en chinois. Comment j’ai fait pour devenir si inhumain ? J’ai juste fréquenté trop de gens sortis des écoles de commerce, ces scientistes du déclin. Qu’il trouve un étranger pour réaliser en off-shore mon boulot alors. De la main-d’œuvre à faible coût chargé de vivre en occident pour prédire dans quelle direction, vers quelle tendance va s’engouffrer le déclin. Je me suis arrêté devant une école, il fallait sauver la jeunesse de demain du retour prochain du nazisme libéral. C’est là que j’ai commencé à rouler sur le trottoir. J’avais signé quelques semaines plus tôt sur le net un formulaire pour me faire cryogéniser, j'avais payé par Visa. Je me suis suicidé, au milieu de leurs locaux quelques jours plus tard, pour que mon corps reste bien frais à leur disposition, ça m’évite la prison. Je reviendrai pour assister à mes prédictions et à mes erreurs, promis. J'espère être décongelé pour l'année prochaine pour capter les nouvelles tendances. J'écrirai une nouvelle, on me plaindra, puis ça lancera un mouvement trop à la mode, plein de gens écriront sur leur vie quotidienne avec cynisme, ils simuleront leur suicide au dernier chapitre, on leur dira que ce n'est pas original comme fin, que c'est expédié, que c'est du plagiat, que c'est irrespectueux du lecteur, on dira qu'ils ont eu tort, on les plaindra d'être si vide.