Marche des zigouilleurs

Le 04/03/2008
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par Cafard
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Rubriques / Les zigouilleurs
Voilà l'intro d'une rubrique consacrée à la guerre et à ses criminels, si je ne m'abuse. Le détail viendra dans les textes suivants, ici l'auteur reste très général et aborde le thème de la guerre à coups de lyrisme et de métaphores, ce qui donne un coté agaçant à la chose, mais c'est sombre et funeste à souhait.
La guerre, la guerre commence toujours par d'étranges appels du vent qui souffle sur la mémoire des hommes. La guerre fait son lit dans l'oubli. Ses crocs et ses griffes se plantent avec hargne et fureur dans la terre, elle déchire, éventre, dévore tout sur son passage, les arbres, les champs, les rivières, les villes bâties avec peine et fatigue, les routes sinueuses, les ponts austères, les aqueducs majestueux. Rien n'est épargné par l'épouvantable hémorragie aux frénétiques soubresauts. Quand la guerre a-t-elle commencé? Nul ne peut le dire. On sait seulement qu'elle n'est pas près de finir. Elle est là, pas de fuite possible, pas de désaveu. Elle est tapie dans vos entrailles, au plus profond de vous, elle suinte des pores de votre peau, elle cherche toujours par où s'échapper pour parvenir à ses fins. A peine a-t-elle fini ses ravages qu'elle recommence à pousser sur les ruines et les cicatrices encore béantes. La guerre porte toujours l'homme dans l'accomplissement de son destin. Il n'y a pas un objet, pas une construction, pas un être de ce monde qui ne soit né de la guerre. La guerre, c'est cela même, l'acte de naître. Pour en finir avec toutes les guerres, ne faudrait-il pas d'abord en finir avec l'acte de naître? Ne faudrait-il pas d'abord en finir avec tous les hommes et les fils des hommes, ne faudrait-il pas d'abord en finir avec moi, avec vous et avec tous ceux qui nous ressemblent?
L'heure est venue! Le glas a sonné! L'odeur de la mort se répand dans les ruelles obscures des villes poussiéreuses, s'infiltre sournoisement dans les maisons, les cahutes, les écoles, les églises, puis file sur le flanc des collines et gagne les champs de sorgho, les plantations de thé, les bananeraies. Ouvrez vos yeux, ouvrez vos oreilles, vous ne pourrez plus jamais dire " je ne savais pas". Car tous le monde sait ce qui va apparaître et ce qui va disparaître, personne ne s'inquiète, tout le monde sait et personne ne s'inquiète. Les hommes savent, les femmes savent, les enfants savent, les rues, les maisons, les arbres, les animaux savent, les diplomates savent, les observateurs savent, les banquiers savent, les marchands d'arme savent, les mercenaires, les journalistes, tout le monde sait et personne ne parle, personne ne dit rien. C'est le silence, le terrible silence qui tue plus fort encore que les machettes! Hitch! Haine!

Les guerriers sortent de l'ombre, les guerriers se rassemblent, les guerriers n'ont plus de visage mais le masque sanguinaire de la bête immonde venue ravager la terre! Hitch! Haine! Nous sommes ses milliers de têtes, ses milliers de bras, ses milliers de jambes, de pensées, de cris, de gestes. Sans foi ni loi, impitoyables et sans répit. Désormais, il n'y aura plus d'âge pour le crime, plus de sexe pour le meurtre. Hommes, femmes, enfants, vieillards vont se mettre au travail pou tuer, torturer, massacrer. Nos bouches pour dévorer, nos mains pour posséder, nos yeux pour convoiter, et nos machettes pour travailler. Nous ne connaissons ni la pitié, ni le remords puisque c'est nous les terreurs des terreurs. Nous qu'on appelle les terribles zigouilleurs! Hitch! Haine! Hitch haine! En avant tous à l'église, à l'école, dans les rues, dans les marais, sur les collines, on les tient, ils sont là, on va vous saigner comme des moutons.

Comment devenir un monstre?
C'est facile, il suffit d'oublier qu'on est des êtres humains. Alors plus rien ne retient la Pierre à barbe qui est cachée ici à l'intérieur. On ne la voit pas mais elle y est. Nous en avons tous une cachée là! Et si par malheur elle est libérée, alors c'est elle qui dirige tous nos gestes, tous nos actes, et avec elle commence le règne de la barbarie. Hitch! Haine!