Intrusion en trois temps

Le 29/03/2008
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par Strange, M. Yo
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Thèmes / Obscur / Introspection
Le style de Strange se dessine de texte en texte, à peine adouci par celui de son coach personnel, M. Yo. Les mots sont durs, l'écriture hautaine et le tout baigne dans une confusion émotionnelle volontaire mais perturbante. Cette triple scène de baise, de plus en plus sordide est loin d'être torride, elle donne à lire la tourmente, l'asservissement et la domination. De la hard-introspection, brutale et tendue CMB.
Premier temps :

Je te regarde.

Je suis contre toi. J’accorde mon souffle au tien. Harmonie. Pourtant je la ressens au loin, diffuse, cette vague meurtrière qui pourrait me submerger, m’emporter près de ces rivages où reposent ces souvenirs honteux que je veux occulter. Ils sont là, ils sont proches, quelque chose en moi tentera bientôt de me les glisser au creux de l’oreille, je le sais. Mais pour le temps, je ne vois que toi, tes mains qui glissent le long de mes cuisses, tes yeux et ta respiration, excitation. Il n’y a que toi.
Je suis fascinée par cette puissance qui se dégage de ton corps. Je sais combien l’arme que tu portes peut me souiller, mais je n’ai pas peur, j’ai confiance en toi. Partage-le avec moi, ce pouvoir, cette faculté de dominer l’autre, de créer le désir, d’être à sa guise maîtresse et artisane de son assouvissement.

Rends moi aussi forte que toi, plus forte que Lui.
Fais moi me souvenir comment est-ce que d’être puissant, remémore moi le temps où, moi aussi, je régnais sur mon intimité, sur nos intimités, à moi et à mes proies. Le temps où j’étais belle et intouchable ; Prédatrice et Reine.

Je veux savoir à quel point tu peux m’aimer, malgré ma déchéance.
Baise-moi.


Deuxième temps :

Je me donne à toi.
C’est ce que j’ai choisi, c’est ce que je veux.

Ce sceptre vivant qui se meut en moi, force ma chair, caresse mes entrailles, percute mes défenses ; j’aime à le posséder. Je me sens belle, nue sur ce glaive et armée de cette vigueur étrangère. Je me sens forte.

Je suis une vierge à travers tes yeux malgré mes opprobres de putain. Regarde-moi. Fais-moi jouir de ta puissance, laisse-moi me l’approprier, fais moi oublier ces humiliations, cette honte, cette ruelle pluvieuse où le temps s’arrête, ce trottoir taché de fange et de foutre, ce moi-même indigne et lâche. Efface mon péché, efface Ses empreintes. Rétablis ma vraie valeur. Regarde-moi.

Va, viens.
Que chacun de tes à-coups me lave de mes humiliations. Panse mes cicatrices de tes coups de reins, gomme Sa présence en imposant la tienne, force par ton désir, avec ton sexe. Je veux oublier ce que je suis devenue par Sa faute ; faible et déchue, une putain crasse et sans honneur, une traînée sans force, sale et poissée de Ses crachats, un chiffon asservi par Sa seule volonté. Je veux oublier qu’Il a violé mon pouvoir, qu’Il a anéanti mon intégrité, qu’Il m’a rendue faible.

C’est ça regarde moi, et maintenant montre-moi vraiment.


Troisième temps :

Colère. Énergie lubrique.

C’est avec acharnement que je creuse mes entrailles. Baise-moi, connard. Vas-y. Prend ton plaisir, prend le en m’arrachant ce qu’il me reste de dignité, de grandeur. Ne m’épargne rien, ni la honte, ni le déshonneur, ni les injures. Détruis tout, détruis la putain sur ce trottoir.

Colère, encore.
Crasse et laideur : voilà ce que tu baises, un vagin sale, dégueulasse d’aimer l’humiliation que tu sèmes à grands cris dans ma chair. Fais-le. Fais ça. Plus vite, plus fort, puisqu’il le faut. Ne me regarde plus, je n’en veux plus de ton regard, je n’y ai pas droit, la vierge et l’amazone ont disparues, ne restent que la bourbe et la putain.

Anéantie, terrassée, niée ma volonté et asservie ma féminité, elles sont restées là, couchées, gisantes, mortes sur ce trottoir en monochrome où je suis enchaînée. Mes yeux sont posés sur le bord de cette route pendant que toi tu t’échines à l’ouvrage, et j’observe le souvenir de ma dignité couler doucement le long du caniveau, cette crasse impure et familière recouvrant le bitume puis s’agglutinant à moi, impuissante, passive. Encore.

Et toi tu me salis, fier. Fier et inconscient. Aveugle.

Soumise, je suis en train de me laisser prendre, encore une fois j’accepte, silencieuse. Je voudrais sourire, je voudrais que ça s’arrête, je voudrais, comme si je pouvais encore avoir une quelconque emprise sur le déroulement de cette rediffusion fabriquée. Au lieu de ça, lâcheté, juste de quoi ravaler mes larmes. Toi tu n’y vois que du feu, tout occupé que tu es à te faire croire que tu peux m’aimer.

Arrêt sur image, l’écran géant est bloqué sur cet instant où je n’existe plus. Tu baises une chair faible, morte. Au fond de moi, tu m’écrases dans ma honte.

Je hurle. Sors de moi. Je te le crie de toute ma haine, je te la crache au visage cette bile féroce qui n'est tournée qu'envers moi même ; ce moi même silencieux, écœurant dans lequel je suis incapable de fouir. Des larmes de rage suintent le long de mes joues rouges, mon ventre subit des assauts de dégoût. Je vomirais si je pouvais me voir. Mais je ne vois que Lui, triomphant.