Ejaculation au Jack Daniels

Le 12/04/2008
-
par Strange
-
Thèmes / Saint-Con / 2008
Ah putain ! De la haine ovarienne d'orfèvre ! Une Saint-Con sans pute revancharde n'étant pas une Saint-Con AOC, Strange accomplit son devoir de dépositaire de la colère menstruelle et nous assène un monologue glacial à la fois brutal et taillé au millimètre, le tout décliné dans un style impeccable. On retrouve le manque de fluidité sporadique inhérent au genre, et on peut déplorer la sobriété de la crémation, mais globalement le conseil de classe vous encourage à poursuivre dans cette voie, pute.
Je vais te dire ce qui m’amène chez toi.
J’ai lu hier soir le message d’un type sur internet. C’était un débat, une discussion et ce monsieur défendait son point de vue.
J’ai lu, et j’ai senti un arrière goût de gerbe dans la gorge. Un truc qui me rappelait toi. Un truc qui était tout à fait lié à toi. Si l’auteur du message dont il est question n’écrivait pas aussi bien, et si le contenu de son message avait été bancal, je crois qu’il aurait été difficile de me convaincre qu’il ne s’agissait pas de toi. J’ai eu envie de cogner. Sur toi, de préférence, copain.

Les méthodes utilisées par ce mec pour défendre son opinion étaient comparables à celles que tu employais invariablement, quelque soit l’objet de la discussion (économie, lessive, capitalisme, poubelles, Georges Bataille, couple, le communisme qui renaîtra de ses cendres par l’ultralibéralisme, les courses). Je parle du mépris, de la condescendance, de l’arrogance, de la mesquinerie. Vas-y que je t’écrase par tous les moyens, vas-y que je te démontre que toi qui as l’audace, que dis-je, l’ignorance, l’inconscience, la stupidité, l’insolence de prétendre une seule seconde que tu peux, sombre merde, me regarder, me parler sans me lécher le cul, ou comble de tout, T’OPPOSER à ma superbe, toi, je vais te détruire, par tous les moyens les plus bas. C’est de ça que je parle.
Pour te faciliter l’appréhension de ce que je vais te dire, je vais utiliser ces mêmes procédés de Grande Rhétorique, les seuls qui conviennent à ton Auguste Personne.

Pauvre con.
Tu te masturbais. Tout était prétexte à te branler, souvent très mal, et à admirer ta prétendue verve. Tu t’adorais, tu te vouais un culte. J’avais raison, Narcisse n’est pas mort.

Ta forme, de prime abord.
Systématiquement, je te faisais remarquer la tournure agressive, insultante, vindicative que prenait ton ‘argumentaire’, tout prêt que tu étais à éjaculer de ta magnificence, et tu me rétorquais, en substance, plein de la suffisance dont tu es capable : « Pauvre conne, tu démontres ta superficialité en t’attardant sur la forme ». Tu le disais moins bien, certes, mais c’est à peu près ça.
Petite merde.

Le fond, ensuite.
Concentration, j’éliminais tous les rictus d’onanisme qui te défiguraient, et je m’y attelais. Je me revois, fraîchement débarquée chez toi, en train d’essayer de comprendre ce qu’il m’arrivait. Je te voyais devant moi, en train de gesticuler, de hurler, et moi, pauvre folle, en train de me contenir pour me concentrer sur ce que tu braillais, de rassembler mon courage pour te répondre le plus intelligemment possible, sur le fond.

La Grande Rhétorique - j’insiste - ou ta riposte sur le fond.
Incroyable. Là, invariablement, le fond avait miraculeusement disparu. Tu changeais de dimension, boum, split sidéral, tu basculais dans la connerie la plus crasse. Surprise ! Pour réponse, tu me dénigrais, tu me trainais dans ta merde, tu accouchais d’un raisonnement tortueux, tu accumulais tout ce qui pouvait m’être douloureux, et tu me les enfonçais là, bien dans les entrailles. C’est à peu près tout ce que tu arrivais à m’enfoncer correctement dans les tripes, il faut le reconnaître. Et me voilà qui retombe dans mes anciens travers… j’essaye de te trouver des excuses.
Tu m’interrompais - souvent au sujet, ô ironie, de la forme - tu ricanais avec dédain le temps de te remémorer toutes ces choses à propos desquelles je m’étais complètement, naïvement, ouverte, et tu déballais. Méthodiquement, tu prenais toutes ces choses, tu en faisais de la merde, et tu me les jetais dans la figure avec la violence que tu jugeais la plus apte à te divertir. Tu partais, tu me laissais là, sidérée, bonne nuit.
Le lendemain, il était de toute évidence mesquin de ma part de revenir dessus, après tout, ce n’était qu’une petite joute verbale, ma chérie, tu as perdu, j’utilise les grandes méthodes de la Rhétorique, je suis très fort à ce jeu, sans rancune, ta gueule s’il te plaît, maintenant.

Je m’étonne, là, face à toi et à ta gueule de consanguin, alors que toutes ces absurdités me reviennent en mémoire, du haut degré d’endurance dont j’ai fait preuve. Puis j’en ai eu marre, je t’ai demandé de changer de méthode. Tu as tenu ta promesse jusqu’au jour où je me suis à nouveau opposée à toi.
Le pire dans tout ça, c’est que je ne me rendais pas tout à fait compte de la confusion mentale qui régnait dans ton esprit. Je ne me rendais pas compte que la Grande Rhétorique que tu utilisais ne servait qu’à masquer la pauvreté de tes ‘vrais’ arguments. Aveuglée et stupide à en crever.

Je vais te dire une chose.
Ce soir où je t’ai attendu, il y a quelques mois, pour te rendre tes clés et te dire que je partais, tu m’as fait remarquer mon sourire radieux. Tu as pensé que j’étais tombée amoureuse, et je t’ai répondu que j’avais fait une belle rencontre. C’était vrai. Mais pas dans le sens où tu l’as compris. Je n’étais pas encore amoureuse, j’étais à mille lieues de là, il m’a fallu quelques semaines de plus pour l’être, et éperdument. Ce que tu as lu sur mon visage ce soir là, c’était le soulagement, la joie, l’euphorie de savoir que plus jamais je n’aurai à faire à toi, et la rémission totale de tout ce qui pouvait me lier à toi. Tu n’étais plus rien. Tu n’étais qu’une merde. Je suis descendue au café d’en bas rejoindre cette rencontre, et j’ai siroté un café avec une satisfaction des plus jouissives.

Tout ça, ça n’a plus d’importance. Comme je te l’expliquais la dernière fois que l’on s’est vus, je ne ressens plus que de l’indifférence à ton égard.
Je trouve seulement lamentables ces reproches larvés et sous entendus que tu m’adresses régulièrement depuis mon départ, ce harcèlement au téléphone.
J’ai eu assez de courtoisie pour ne rien te reprocher, depuis que nous sommes séparés ; ce n’était plus approprié, et je te savais incapable de comprendre. A quoi bon, j’ai la naïveté de croire qu’une discussion n’a pas lieu d’être lorsque la communication est inexistante. Tu n’as pas eu cette politesse, et tu as jugé pertinent de m’exprimer - avec ta « passion » habituelle - toute ta colère, d’éjaculer de ton ego. Hier soir en lisant ce type sur internet, je me suis dit que tu n’avais pas mérité mon respect, et que tu n’étais donc pas digne de ma courtoisie.

Je ne suis pas venue ici pour avoir une discussion avec toi. Tu es là, attaché et bâillonné pour crever. J’ai dis ce que j’avais à dire, je m’arrête à ce détail de ta personne, c’est bien suffisant pour justifier une crémation par le Jack Daniels.
Et plouf, et plouf, tu avais raison, il faut toujours avoir une bouteille en réserve, on ne sait jamais.
Et plouf, et plouf, tu as du feu ?

Ca crépite, ça gondole, ça frémit, ça se tord, ça brûle. Psshhhht. C’est amusant, j’ai longtemps eu le fantasme de partir d’ici en brûlant tout, avec le parquet et ta mezzanine en bois, j’imaginais ça grandiose. Pshhhht.
Et tes grands yeux vifs, et ton air supérieur, et ta grande gueule. Je pourrais t’assommer pour abréger un peu tes souffrances, nous nous sommes aimés, après tout. Mais tu disais que ta façon de te comporter avec moi reflétait la passion qui t’animait à mon égard. Voici, mon cher, le témoignage de ce que fut la mienne.
Bonne bourre.