Involution

Le 12/04/2008
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par nihil
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Thèmes / Polémique / 2008
Quand nihil manque d'inspiration, il écrit des histoires d'inversion temporelle en spirale arrière dans le vortex des couloirs du temps et ma bite dans vos culs salopes. Logique. L'idée, pas si conne au final, est servie par un style très visuel plutôt impeccable, mais parvenu à la fin, on se dit que ça n'aurait pas pu s'étendre plus longuement. Pas dégueu.
Au premier instant, une étincelle de conscience viendra fleurir dans les cendres de ma dépouille noircie. Sans pouvoir encore rien percevoir, je me saurai né en ce monde. Et la première chose qui envahira mon esprit sera une souffrance immaculée, qui s'imposera en quelques secondes, annihilant toute autre considération. Mes premières pensées se fondront dans une masse indistincte de terreur et de ressentiment inexplicable.

Que l'incendie soit.
L'infernal tourment des damnés, les flammes dans mon ventre et dans ma poitrine, en train de tout ravager. En une seconde, je vomirai les flammes de moi, hors de mes poumons calcinés par ma bouche grande ouverte. Ils retrouveront alors leur aspect rosâtre et leur tiède humidité. Les muscles intercostaux prendront de la consistance et s'épaissiront sur la charpente noircie de ma cage thoracique. Des volutes de fumée opaque viendront s'évanouir sur ma peau séchée.
Je me redresserai lentement, mes vertèbres venant se coller une à une au poteau auquel je suis ligoté, et les cordes se resserreront sur moi. En une seconde les flammes auront reflué de mon visage, et je verrai à nouveau la foule hostile massée à mes pieds, tous ces visages uniformes tendus vers moi. Que ces charognards impurs ne quittent plus jamais mon champ de vision. Leur malsaine curiosité les souille. Je les verrai venir à moi et se masser au pied de mon bûcher tandis que ma peau carbonisée s'éclaircira et enflera pour couvrir les parties osseuses mises à nu. Mes épaules s'envelopperont de ce tissu charnel et retrouveront bientôt leur mobilité. Les cendres emportées par le vent se recolleront à moi, reconstituant mes cheveux, mes mains carbonisées. Alors tout mon corps se mettra à trembler, et ma bouche, devenue fonctionnelle, à geindre et hurler. Mes entrailles creuses, vides de leurs fluides retrouveront leur apaisante moiteur et le liquide qui les baigne cessera de bouillonner. Les langues de feu dévorantes, chaque seconde moins intenses, délieront mon ventre de leur carcan. Des gargouillis indistincts crachés par ma bouche se dégageront alors des mots durs et heurtés, mes premiers en ce monde :
- Maudits ! Maudits ! Soyez tous maudits !
Et les flammes reflueront lentement de ma chasuble de grosse toile imbibée d'huile, et la maille brune se reconstituera peu à peu, enserrant mes membres. La souffrance se fera moins violente, plus insidieuse, concentrée autour de mes jambes. Peu à peu, le feu s'affaiblira et se retirera en ronflant entre les bûches consumées sur lesquelles je suis juché. Les trombes de vent éteindront les flammèches l'une après l'autre, jusqu'à ce que mes pieds nus redeviennent intacts, et que la douleur s'efface enfin.
Alors, la dernière flamme, portée par la torche du bourreau, s'évanouira dans un crépuscule de plus en plus clair. On me détachera, mes ennemis enroulant la corde autour de leurs mains, et l'on me bousculera du haut du bûcher.
Je me retrouverai au centre de la plèbe hostile, chahuté et harcelé par la vindicte de mes semblables à mon égard. Leurs sifflets, leurs insultes. Ils ne comprendraient jamais rien. Me voici incompris et de fait, roué, châtié, humilié. Dans mon dos, on démontera en toute hâte le bûcher. A la vérité, mon audace leur fait peur. Que mon âme s'élève bien au-delà de ce théâtre de misère et perdure. Ils ne peuvent attenter qu'à mon corps meurtri, mes mots eux s'épanouiront au cours des siècles à venir et mon nom sera retenu.
Perché sur une caisse de bois, mon bonnet de fou sur la tête, j'élèverai la voix, une dernière fois, pour leur asséner cette sentence :
- … Et alors, il lui dit : "retiens toi au pinceau, j'enlève l'échelle".
Seul sur ma misérable scène, ployant sous le poids du silence, la cible de mille regards hostiles. Tas de cons.