Haro sur le Mill

Le 12/04/2008
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par Mill
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Thèmes / Saint-Con / 2008
Mill s'essaie à l'humour de connivence, en oubliant qu'on n'est pas une putain de confrérie gay hippie. En résulte cette chose pas drôle pour une thune, mélange de références à la Zone et d'humour à la Hot Shots, qui n'a de saint-connard que la crémation finale. Deux-trois trucs peuvent éventuellement prêter à sourire, puisqu'on est tous des gens de bonne volonté, mais honnêtement le texte est chiant. Bôf suprême. Heureusement c'est court.
    C’était une de ces belles journées de printemps : du soleil à se damner, des groupies dans chaque ruelle et le chèque de mes droits d’auteur, tout frais signé par nihil. Avec ce petit mot d’accompagnement : « Merci à toi, camarade. Grâce à ta plume, la littérature renaît à l’ombre de la Zone. Tu suces ? T’avales ? Bisou mon chou et pense à ramener une demi baguette pas trop cuite, sinon j’me paie des crampes à l’estomac, t’imagines même pas. »
    Sacré nihil.
    J’avais le chèque en poche et des lunettes noires sur le nez. J’avais en effet prévu de croiser des fans. Ca m’arrive tous les jours. D’habitude, je prends le temps, je m’arrête. J’offre des poignées de main, on me tape sur l’épaule. Y en a même qui veulent être pris en photo avec moi.
    « Ah, t’es vraiment un mec super ! »
    J’entends ça souvent. On s’y fait. Au début, je bafouillais un « mais non, pas du tout » de circonstance, mais au fil du temps, j’ai appris à abonder dans leur sens. Surtout, ne jamais contredire un fan. D’abord, ça leur fait plus de mal qu’à nous, artistes, poètes, prosateurs, et ce serait faire preuve d’une cruelle ingratitude à leur égard que de tenter de les persuader du contraire. Ensuite, si le fan est une fille, de surcroît jolie et majeure, il n’est pas inenvisageable d’espérer obtenir une fellation en échange d’un ou deux autographes.
    Ce jour-là, toutefois, la présence de ce chèque sur ma personne m’incitait à la prudence et à la discrétion. Je portais chapeau mou et Rayban, un foulard noir me grignotait le bas du visage. Un pull camionneur datant de décembre 95 achevait de me transformer en un personnage quelconque, donc méconnaissable. Qui se douterait jamais que sous cet accoutrement primesautier se cachait en réalité un écrivain majeur, probablement déjà prix Nobel à l’heure où vous lisez ces lignes ?
    « Oh ! Regardez, c’est Mill ! RegardEEEEZ ! »
    Putain, merde, une hystérique. Je n’avais pas fait trois pas qu’une folle me harcelait déjà. Tant pis. Le devoir m’appelait. Je fis face.
    « Hey, poupée (sourire de cow-boy). On dit MILL. »
    Gloussements. Rires grelôts. Hi hi hi.
    Je fis mine de flirter, blaguai sur Glaüx (« Meuh non, il est pas chauve. Il s’est rasé pour ressembler à Bruce Willis. »), sur nihil (« Oh, lui, c’est plutôt Lénine. »), ou Lapinchien (« Lui, il est pas chauve parce que, bon, heu, il a des cheveux. ») , et parvins à m’esquiver sans rien signer de compromettant.
    Deux rues plus loin, même histoire. Une autre fille. Rhô… Tant pis, le devoir, tout ça. Je fis halte, rasséréné à l’idée que j’étais parti de bonne heure, parce qu’à cette allure, je n’arriverais à la banque qu’à peine un peu avant la fermeture.
    « Ah, il en faut, de la patience et de l’abnégation », me dis-je en m’accordant un léger coup de spray anti-haleine de chacal avant de suçoter les amygdales de la jeune fille.
    A l’instant où j’achevais ma becquetance, un étrange personnage masqué apparut à mes côtés. Occupé que j’étais à embrasser l’œsophage fort sexy de ma copine d’un instant, je ne fis pas grand cas de son intrusion. Vêtu d’un treillis visiblement fauché aux stocks de l’armée en 1940, le gaillard trimballait un jerrican assorti au kaki effiloché de ses frusques. Et pourquoi pas, hein ? C’est un pays libre, il paraît. Cependant, le jerrican fuyait : ses rangers défoncés surnageaient au centre d’une petite mare d’essence, puisque c’est bien d’essence qu’il s’agissait à en juger par l’odeur.
    « Aha, Mill, s’exclama le bizarre bonhomme. T’es foutu et je vais te crâmer. »
    Je n’écoutais que d’une oreille. Les yeux perdus dans ceux, profonds comme un décolleté rital, de ma groupie humide, je m’appliquais à rouler une clope de cow-boy d’une seule main, tout en cherchant de l’autre mon Zippo « Vietnam War » dans la poche de mon jean’s. Il me glissa entre les doigts, s’alluma comme par magie, atterrit dans la flaque de combustible.
    Au moment où je m’apprêtais à administrer une levrette à ma lectrice, mon agresseur avait fini de griller. Nous le dégustâmes, elle et moi, en guise de brunch post-coïtal.