O

Le 20/05/2008
-
par Osiris
-
Thèmes / Obscur / Litanie
La poésie en prose cryptique est un art complexe. D'une part on se facilite la tâche en s'épargnant la structure et l'intrigue. D'autre part, on tombe vite dans le grand n'importe quoi incohérent. Et c'est cette impression de confusion qui domine ici, sans que ce soit rattrapé par la qualité des images suscitées. On sent des efforts pour rendre le truc inquiétant et lancinant. Mais on se casse surtout les dents sur des platitudes philosphiques et des métaphores pourraves.
Quarante quatre mille fois j'ai répété ces mots, quarante quatre mille fois ma voix a résonné dans l'espace indifférent. Et quarante quatre mille fois je me suis tu, et m'exhortant (patience, patience), j'ai attendu. Quelques heures, quelques jours, le temps va s'abolir.
Et j'ai vu leurs mains, et j'ai vu leurs yeux, j'ai senti leurs corps et j'ai touché leur peau. Je peux bien endurer cela quelques temps, même si ma chair se craquèle à leur contact. Je sais que le respect que je leur donne passe par le meurtre, et je les respecte trop. Après tout, ce sont mes frères et mes soeurs.

De toute façon, enfer ou paradis, la punition est là, et pâle et maudissant je tourne. Je tourne et me détourne, mais constamment sa vue revient devant mes yeux. Il est là n'est-ce pas ? Je le vois. Et je soupire. Je suis trop vieux pour vous, et trop jeune pour moi. Fatigué.

Ceci est un adieu partiel à vous autres. Parce que je n'ai pas besoin de votre jugement. Parce que vous ne pouvez pas juger, parce que vous n'existez pas. Ni vous ni moi, et Lui seul pense à travers nous, et vous ne pouvez pas juger, et Il ne peut pas me juger. Car je suis autre que vous et autre que Lui, bien que n'existant pas.

Ce sur quoi ils se sont trompés, le maître et l'esclave : tout deux ne font que reproduire le comportement de l'animal. Et ils ne veulent pas en être. Et parce qu'ils ne veulent pas en être ils sont animaux, et comme tels se comportent.

CAR JE NE TE PARDONNERAI PAS LES VEINES DE TES YEUX !

Vous tous, vous n'êtes rien d'autre que ces veines dans vos yeux, ces trainées rouges sur un fond blanc. Ces veines suffisent à définir vote être.

La liberté se saisit essentiellement dans le suicide, mais le suicide implique la disparition de l'être. Où est alors la liberté ? Qu'est ce qui est libre ?

La mort d'un homme est la mort d'un monde, et plus libre que le monde est le meurtrier. La mort d'un homme est la mort d'un monde, et libre est celui qui détruit. Que faites-vous ? Vous créez, toujours et tous, et vous êtes condamnés à créer. Rien de libre chez l'artiste ou le savant.

Où peut pourtant être la valeur d'une vie ? Un immortel ne prend plus de goût à l'instant qui sans arrêt revient, revient, revient. Un mortel va mourir. Ce sera comme s'il n'avait jamais vécu. La somme des instants d'une vie mortelle est nulle, les instants d'une vie immortelle sont eux-mêmes nuls. La vie n'a aucune valeur.

Les humains les enferment pour des actes qu'ils n'ont pas commis. Le meurtre n'existe pas, nous sommes tous des morts.

Les jeux de la science et de la société ne sont jamais faits que pour nous cacher ceci que l'homme est le moins abouti des animaux.

Vous avez des pieds, des mains. Vous avez des pattes et des langues. Et vous mangez et vous buvez, vous rêvez et vous dansez, vous baisez et vous suçez. Pourquoi, et comment osez-vous le faire devant moi ? Comment pouvez-vous violer mon regard, et remplir ma bouche de la saveur de vos langues pleines de sperme ? J'ai vomi. Je vomirai encore. Tandis qu'une bête immonde se déchaîne contre les parois de mon crâne -j'attends.

TANDIS QU'ELLE SE DECHAINE J'ATTENDS ! ELLE SE DECHAINE ET J'ATTENDS ! ET J'ATTENDS ! J'ATTENDS ! J'ATTEEENDS !

Hier un homme est mort en voulant l'humilier : il l'a pris et lui a arraché les yeux. Hier un homme est mort : il lui a arraché les yeux, et avec ses griffes il l'a lacéré. Hier encore il hurlait et dansait, hier encore il riait et tuait : il est mort aujourd'hui. Il est mort aujourd'hui, en se tranchant la gorge, et ils le regardaient, et il riait. Tandis qu'ils jugeaient.