Le voyou du maintien de l'ordre

Le 09/07/2008
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par Sharivary
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Thèmes / Polémique / Société
Après une intro marrante, Shartruc sombre dans le plaidoyer anti-flic, ce qui me convient fort bien, sauf qu'il le fait sans finesse. A chaque argument, on se dit que l'auteur est à coté de la plaque. C'est dommage, on en viendrait presque à trouver l'institution renforcée par une telle salve d'attaques crétines. Et ça sombre dans la logorrhée en deux temps trois mouvements. Pour mener un réquisitoire, faut avoir un cerveau, sinon on déssert sa cause.
Bonjour.
Tu t'appelles Jean-Yves, tu as 46 ans, et tu es flic. Pardon, Agent National des Forces de l'Ordre. Avec le grade d'Officier. Tu te bats pour le maintient de la sécurité dans ton pays. Nous sommes le 27 Mai 2008. Et aujourd'hui un petit gosse ignorant de 18 piges va t'enculer bien profond.

Jean-Yves, je t'encule.

Maintenant, après avoir remonté son futal et s'être méthodiquement essuyé la verge avec ton uniforme, le petit gosse ignorant de 18 piges va justifier son méfait. Parce que sa maman lui a dit qu'il fallait toujours justifier ses actes. C'est ça, être raisonnable. Donc je t'encule mais comme je suis un gentil garçon bien discipliné, je t'encule raisonnablement.
Ton métier c'est d'œuvrer pour faire respecter l'ordre en grondant les criminels. Un peu comme ma maman, mais ma maman elle est moins bête que toi. Parce que toi tu gronde des gens pour faire respecter un truc qui existe pas. M'enfin bon, comme tu es un pragmatique et que c'était la classe de devenir flic, tu t'ai amusé à vouloir être un homme malgré tout, et tu as résolu courageusement de te projeter vers l'avenir. Voila comment du jour au lendemain tu es devenu le digne et héroïque prêcheur de cette notion que tu as dans ta tête depuis tout petit, et que tu vas finir par instaurer avec les autres gentils policiers comme toi. Tu as un but dans ta vie et tu te consacre à quelque chose parce que tu as envie de t'y consacrer. Ça y est, t'es un vrai mec. Sois fier.

Seulement voila, t'as oublié que t'étais pas dans un Comic américain.
T'as jamais pensé que ton projet, ben c'était une connerie, en fait. Les projets d'homme, t'y a renoncé en rentrant dans ce boulot. T'es pas un homme, tu es un robot content de sa situation. Un pion. Bon, ça tu le sait. Mais n'empêche, tu fais ce qu'on te demande, t'as un salaire au bout qui t'évite d'être dans la même merde que les autres. Ou alors t'es juste con. Du coup tu te donnes l'impression d'avoir des convictions. Mais des convictions, t'en a pas. Tes convictions tu les a calquées sur des gens plus malins que toi, des gens qui pensent. Mal, mais qui pensent. Eux ils pensent, toi tu fais ; chacun son rôle.

Et le plus marrant c'est qu'en dépit de ça tu arrives quand même à te prendre au sérieux. Tu crois que tu est le maître parce que tu peux mettre un PV à un conducteur mal garé. En plus tu as raison, quelque part : le malfaiteur, le méchant casseur d'ordre, tu as du pouvoir sur lui, on t'autorise à en avoir. T'as compris ça toi, haha, petit malin. Du coup tu deviens mégalo et tu te permets de lui parler comme si c'était un arriéré, un badaud soumis de la dernière espèce. Ce qu'il est d'ailleurs, vu qu'il a pas le choix. Il veux pas se prendre un autre PV pour "outrage à agent de sécurité dans l'exercice de ses fonctions". Et puis faut être crétin en même temps, pour dépasser de quatre centimètres cinq la belle ligne blanche que les amoureux de l'ordre on tracé au sol pour pas désordonner les méchantes voitures.
Sauf que là aussi, tu te goure. T'es pas malin, t'es risible. Parce qu'un con qui devient mégalo en exerçant sa connerie, ben c'est risible. Ta justice, c'est de la merde. C'est celle des autres, qui te donnent les ordres. Ceux qui ont une barre en tissus de plus que toi sur leurs épaulettes, et qui se la pètent encore plus alors qu'eux non plus, ils n'ont rien choisi. Ceux qui suivent les directives de politicos. Or un politico qui a du pouvoir et en fais ce qu'il en veut, il peut pas avoir le sens de la justice. Mais bon, toi tu t'en fous de ça : tu fais, c'est ça ton rôle. T'es pas un maître, t'es comme tout le monde : un esclave. Mais la différence entre toi et le reste de la population c'est que toi, tu l'accepte. Ou mieux, tu le revendiques. Parce que toi au moins, tu es un esclave qui a du pouvoir sur les autres esclaves. Sois fier.

Ben oui, l'ordre national existe pas, il a jamais existé et il est mal parti pour exister un jour. Notamment à cause de toi d'ailleurs, qui prétend le faire respecter. Mais il y a le mot ordre dedans, alors tu bandes. Tu te fais bander tout seul, mais tu bandes. Grâce à toi le monde il va devenir tout beau, tout lisse, tout carré, tout brillant. Tant que tu restera esclave. A chaque fois que tu renvoie un immigrant crever dans son pays pour pas qu'il encombre ton paysage. Quand tu lance une lacrymo sur un lycéen pour l'inciter à fermer sa gueule devant des trucs qu'il condamne, en bon petit délinquant stupide qu'il est (bravo, t'as bien appris ta leçon). Quand tu arrêtes un clochard parce que toi, du haut de tes deux-milles euros de salaire mensuel, tu as décidé qu'il devrait avoir les moyens de vivre. Quand tu démantèles un squat parce que des gens qui habitent "là ou c'est pas fait pour" , ben ça fait désordre et c'est tout. A chaque fois, tu rends le monde plus beau. C'est pour la bonne cause, et en plus ça te fait de quoi t'acheter à bouffer. Tout benef.

Mais tu ne sais agir qu'en surface. Quoi que tu fasses les problèmes de fond restent les mêmes. Dis pas que tu a pas pigé ça, même un pauvre ignorant de 18 piges peut le piger. Tu veux rendre le monde plus beau et plus lisse mais indirectement, tu fais que péter des portails de rectorats ou brûler des banioles dans les rues. C'est pas toi, c'est les babouins des manif et les voyous des cités. Pourquoi ils font ça. Répond pas, je sais. Ils font ça parce que c'est des voyous, et que les voyous par définition, ça voyoute. Mais voyouter existe pas comme verbe. Une évidence pareille, et personne a jamais pensé à inventer ce verbe. Y a un truc qui cloche quelque part. Ils doivent être crétins ceux qui ont inventé la langue française. Les voyous et les babouins gauchos, c'est pareil : y a un truc qui cloche, ils font pas comme il faut ; donc c'est des crétins. Ben pas difficile, quand un truc cloche on le règle : suffit de les mettre en garde à vue ou en prison, comme ça on voit plus leur crétinnerie et donc, pouf ! les voyous brûleurs de banioles et les babouins casseurs de rectorats disparaissent de la surface de la planète. Ça épure la société, ça enlève les méchants qui font rien qu'a embêter les gentils. En fait, tu es un héros.
Pourtant, quand les gens regardent autour d'eux, ils ont pas l'impression que ça marche comme ça. Combien d'année que tu t'en prends aux voyous dans les banlieues ? Un paquet je crois... Et y a toujours rien de changé. Tu crois que ça changera un jour ? Tien un petit truc pour t'encourager, en plus je suis sûr que t'y a déjà pensé. Y a une constatation bizarre qui se fait ces derniers temps : plus tu arrêtes de voyous, plus il en arrive. Plus tu balance de lacrymo sur les lycéens, plus il en arrivé. C'est que décidément, ils doivent être bêtes. Ou alors ils apparaissent par magie, comme ça, juste pour t'embêter. Et te donner de quoi bouffer. Ben oui, forcément que t'y a déjà pensé, t'es dans le métier. Mais t'as dû reporter la question : trop dangereux pour ton orgueil de preux chevalier qui a pour mission de tout mettre en ordre. Trop dangereux pour ce petit idéal marrant auquel tu a dévoué toute ta vie. Trop dangereux pour ton petit estomac qui est bien obligé de te faire faire des choses pour pouvoir se remplir correctement.

T'as vu, t'es tellement déterminé et convaincu par ton sens de l'ordre et de la justice que t'as pas assez de couilles pour te demander quel est ce truc qui cloche et demeure inlassablement quoi que tu fasses. Du coup les autres - moi - sont obligés de s'y coller à ta place. Pas pour te faire la leçon, vu que de toute façon tu voudras jamais rien piger. Juste parce que ça fait plaisir. Comme tous les petits coups de gueule dérisoires qu'on pousse au vingt-et-unième siècle. Ca sert à rien, mais ça soulage. On souffre moi d'être esclave comme ça, chacun sa méthode.

Le truc qui cloche, ben c'est toi. Ou du moins ce que tu représente. Donc toi, puisque tu as choisi de représenter ça. Ton problème, c'est que tu es un légume. T'as oublié de penser que si ce que tu faisait servait à rien, c'est peut-être parce qu'il fallait faire autrement. T'as oublié de penser tout court, en fait. T'as oublié de réaliser que toi et ton képi, vous servez à rien. Et que dans ton dos, quand t'as fini de leur faire la morale, une fois qu'il y a plus de risque de "procès pour outrage à agent de la sécurité dans l'exercice de ses fonction", les gens deviennent pas plus des gentils qu'avant ; tout ce qu'il font c'est se payer ta tronche parce que eux ils sont compris que t'étais une petite raclure de chiottes insignifiante. T'avais saisi ? Ben oui mais non, t'es au dessus de ces vérités là, toi. T'as une mission, oublie pas.

Bon, t'es un automate, mais t'es un automate bien conçu. On peut au moins te reconnaître ça. Un tout petit automate bien conçu pour accepter d'être un automate, en croyant être un homme. Ils t'ont pas formaté, il t'ont donné les moyens, après ils t'ont laissé te formater tout seul comme un grand. Pour que tu sois un automate bien solide. Un petit boulon bien solide dans la machine de leur système à eux. A défaut de rendre service à ton pays tu leurs rend service à eux, ceux qui le pourrissent. Normal, ils te le demandent. C'est le lot de consolation. Sens-toi heureux, et surtout fait comme tous les autres esclaves pour une fois : reste fier ; et ferme la.