L'élite

Le 04/08/2008
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par Invisible
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Dossiers / Fusillade à la caserne
La contribution d'Inv au dossier 'Fusillade à la caserne' est très axé private joke. Pour la petite histoire, sachez qu'un de nos auteurs chauves (et cycliste) se trouvait à quelques dizaines de mètres des évenements lorsqu'il se sont produits. S'ensuit ce petit délire psychopatho sur les chauves, la progéniture de Satan. Ca pète pas très haut, évidemment.
Je me souviens des coups de feu, il fallait que je bute ce salopard. Ensuite tout s’est troublé, et on m’a emmené ici. Si seulement je pouvais remettre un peu d’ordre dans mes idées…
Dans la famille, si il y a une chose dont on est fier, c’est de faire partie de l’armée. L’armée, c’est toujours une aventure. Mais aujourd’hui c’est surtout un métier de spécialiste.
Quant à moi je fais partie du 3e RPIMA, l’élite.

Mais il me semble que les événements qui ont précédés cette journée me reviennent à présent en mémoire.
Il y a une semaine, je faisais mon petit footing dominical sur un sympathique chemin de terre, vêtu de mon treillis et arborant mon grade de sergent, quand j’entendis le bruit d’un cycliste derrière moi :
« Haha ! Patrioote ! »
« Mais il se fout de moi ma parole ? » me dis-je, après m’être écarté.
« HAHA, C’EST LA GUEEEERRE, PATRIOOOOTE !!! » fit-il en me dépassant, tout en m’aspergeant d’eau boueuse.
Mon sang ne fit qu’un tour. L’armée est une noble institution, et l’insulter ainsi, c’est insulter la France.
Je me mis donc à la poursuite du fumier sur roues, qui par ailleurs se trouvait être chauve.
Quand il s’aperçut que j’étais derrière lui, cela sembla l’amuser : il me sourit et me lança « ALORS PATRIOOOTE, C’EST LA GUEEEEERRE ?! ».
Il ferait moins le fier dans son short moulant, une fois que je l’aurais choppé.
La lumière qui se réverbérait sur son crâne chauve m’éblouissait et m’obligeait à ralentir la cadence.
A un moment, je faillis réussir à l’agripper, mais ma main glissa sur sa jambe épilée !
Le fourbe avait tout prévu.
La course-poursuite dura ainsi pendant deux bonnes heures, au terme desquelles il accéléra simplement en me laissant sur place. J’étais fou de rage devant cette insulte faite à la nation et à ses défenseurs.
« Tu ferais moins - hhhh hhhh - le malin si j’avais - hhhh hhhh - mon famas ! » lançai-je, essoufflé, mais il était déjà loin.
Ce manque de respect envers ceux qui avaient versé leur sang pour la patrie me mettait hors de moi. Je décidai de retrouver ce fumier afin de lui faire payer cet affront.
Mais pour l’heure je rentrai à la base, piteux.

Toute la semaine j’eus des difficultés à trouver le sommeil, et lorsque je le trouvais, je me voyais perdu sur un immense crâne chauve, et j’entendais de toute part : « Haha patriote ! C’est la guerre ! » ; la journée, pendant les exercices, à chaque fois que j’étais ébloui, je pointais mon arme vide vers la source lumineuse et actionnait la détente.

Ce n’est qu’au début des portes ouvertes que mon esprit se focalisa sur autre chose, car quoi de plus beau que les yeux émerveillé d’un enfant devant un char Leclerc ? Quoi de plus mignon que ces petites mimines agrippant maladroitement la crosse d’un famas ?
Et que dire des démonstrations : ces impressionnants assauts d’homme surentraînés, tirant dans tous les sens, dans une ferveur patriotique qu’on ne rencontre que trop rarement de nos jours !
Bref, tout cela me mettait en joie.

Les assauts précédents s’étaient très bien passés, et lors de celui-ci, qui devait être le dernier, je me sentais particulièrement bien ; mais à la fin d’une rafale, le silence se fit pendant un court instant, et il me sembla entendre au loin une voix étrangement familière. Je me sentis soudain mal à l’aise, et décidai de mettre en place le chargeur que je garde pour les cas d’urgence. Je suais alors plus que de raison.
C’est lors d’un autre silence que je l’entendis, plus distinct cette fois, bien que toujours aussi lointain : « Patrioooote ! C’est la guerre ! »
Et ce fut l’horreur.
Tous les spectateurs étaient devenus chauves. Hommes, femmes, enfants ; des centaines de crânes dégarnis luisaient devant moi, et tous affichaient un sourire moqueur.
Je voulus me retourner vers mes compagnons, mais eux aussi étaient touchés par la terrible tare, et me semblèrent alors hostiles.
Je pris donc mon courage à deux mains, fis sauter le bouchon de mon arme, et arrosai toute cette engeance lors d’une unique rafale ! Ils tombèrent comme des mouches. Et tandis que je m’arrêtais pour regarder le résultat de mon tir, de simples soldats me confisquèrent mon arme !
Pourtant je leur ai dit ! « Il y en a qui bougent encore ! » que je leur ai dit !
Ensuite des gens m’ont parlé, dont un gradé à moitié chauve ; j’essayais de leur expliquer, mais ils ne m’écoutaient pas. Ils ne voulaient pas comprendre !
Et je me suis retrouvé ici.

Maintenant il me semble que mes cheveux, bien que très courts, se mettent à tomber. J’essaie de les retenir sur ma tête, mais sans y arriver. Je suis encore conscient, mais pour combien de temps ?
Bientôt, je serai comme eux, bientôt, je serai comme lui.
J’ai peur.