La réalité

Le 18/08/2008
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par Sitnam
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Dossiers / Fusillade à la caserne
Bon pour le moment, le dossier 'fusillade à la caserne' a pas donné des résultats très passionnants. Ce texte remonte un peu le niveau, avec un militaire un peu mongolien, un peu obsessionnel, complètement à coté de ses pompes. C'est pas mal, pas très tranchant ni très enthousiasmant, mais pas mal. Mais je comprends pas qu'avec un thème pareil, personne en profite pour les gros gags stupides et les scènes gore à outrance.
On y est presque. Ils sont venus voir du spectacle, j'avais prévu, c'est ça, faut leur montrer, oui, on est là pour le spectacle je dis, le spectacle, les explosions, l'action. Depuis toujours je le veux, il le faut, vital, oui. Oh comme je suis impatient, impatient, impatient. Je l'attends vite, faut tirer, ils en veulent, sont venus pour ça, il le faut. J'ai des frissons, ça vient, ça part, je frémis, je vais trancher, aller, il le faut, un peu d'action, pourquoi pas, ça fait longtemps que je le veux, vite. J'ai bien fait de garder ces balles, celles qui font mal, celles qui volent, qui arrachent, qui transpercent, qui remuent et déchirent à l'intérieur. Je vois déjà les explosions rougeoyantes, les effusions, les courses effrenées, la souffrance, panique à bord, tout le monde saute, c'est parti, vite. Permis de réalité, ils sont venus pour ça, faut transpercer, ça part, ça déchire, je veux trancher, arracher, on est là pour ça, c'est ça que je voulais faire moi, aller, vite. J'en peux plus.
On y est presque. Finalement, tout se rapproche, mais doucement. Autour de moi, tout le monde se meut au ralenti, je prends le temps de les regarder, le ralenti, c'est beau. Il y a cette famille là-bas, ils admirent, doucement, d'un air joyeux. Les enfants et leur sourire apaisant, la berceuse des cigales, le soleil lourd mais doux. Les nuages sont transparents et légers. Je contemple.

On commence la libération d'otages. Mais c'est faux. Pourquoi. C'est toujours faux, depuis le début. Pourquoi. Pourquoi. J'amène la réalité, il le faut, c'est ce qu'ils veulent, partir, expérimenter, ils sont là, c'est pour ça qu'ils sont là, c'est pour la réalité, pour arracher, dépeçage, explosion volcan on y est, bientôt, on y est, j'y suis, vite, on y va, ça y est, tout de suite ça transperce, maintenant.

On y est. Tout part tranquillement. Légèreté. Cette famille là-bas, je pointe mon dernier bras sur eux, ils me regardent, doux, gentils, apaisés. Tout doucement, cet homme tombe, il y a un trou dans son torse. Personne ne semble réagir, tout le monde a l'air flou. Alors ça continue, et ça sort tranquillement. Sans un bruit, doucement, le môme s'affaisse, sa soeur aussi. La mère, un homme, une femme, un autre gosse, et d'autres. Des mouches. Je continue pour la réalité, et, enfin la prise d'otages est réelle. Il faut les libérer, alors mon bras les lacère eux aussi, ceux qui sont comme moi sans l'être vraiment, même si ils sont protégés, c'est pour la réalité.

Enfin. L'explosion, la panique, on y est, tout y est, tout saute, tout s'en va, ça vole, ça hurle, ça geint, explosion lacération, tout est transpercé, on crève de réalité, je les regarde tous, ils sont laids, ils pleurent, ils courent, ils n'aiment pas le chaos, le déchirement, ça non, mais moi je le veux, et sans le savoir, de toute façon, ils étaient vraiment là pour ça, de toute façon, sans le savoir, la réalité c'est le mieux pour eux, pour moi.