La nuit noire (7)

Le 12/09/2008
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par Konsstrukt
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Rubriques / La nuit noire
Après une intro risible - une débauche de bites, de sang et d'hallucinations très très 80's -, cet épisode est resaisi par le souffle initial de la série : une sorte de placidité morbide, de latence malsaine, de calme avant la tempête de foutre, qui sauve l'épisode de la noyade dans la merde. Un 3/4 de très bon texte.
31 : 03

Elle est morte en plantant ses dents à la base de mon gland. J’ai été traversé d’une douleur fulgurante, et une importante quantité de sang s’est mise à couler. La douleur était inédite. J’ai cru qu’elle m’avait émasculé. Je me suis détaché, et j’ai pris quelques minutes à éponger la plaie et à me ressaisir. La blessure, spectaculaire, n’était pas très profonde, mais continuait à s’épancher.
Je me suis masturbé devant sa tête. Chaque va et vient me donnait la nausée. Ma main dégoulinait de sang. Je le projetais en gouttelettes, sur le corps de ma mère, sur le lit, sur moi. J’avais des bouffées de chaleurs et des absences. A chaque contact de ma main sur la plaie, un voile noircissait ma vision et je ne sentais plus rien, et puis un coup sourd, mon cœur, et puis tout revenait. J’éprouvais ça à chaque seconde, ma respiration calée là-dessus. Ma bouche était sèche. Je ne voyais plus rien, que les gouttes de sang qui s’accumulaient sur le lit et composaient un tableau abstrait et renouvelé. J’ai senti monter l’orgasme. J’ai crié, j’ai eu peur de m’arracher la bite. J’ai éjaculé sur le visage de ma mère un mélange de sperme et de sang. Je me suis évanoui.
Quand je suis revenu à moi, j’allais mieux. Le sang avait formé une croûte à l’endroit que ses dents avaient transpercé.
J’ai transporté son cadavre au sanctuaire, ce qui m’a pris des heures. Je progressais très lentement le long de la route. Le froid de la nuit glaçait la sueur qui me recouvrait. Je faisais de nombreuses pauses. Je n’en pouvais plus. Je suis arrivé à l’aube, épuisé. Mes vêtements étaient trempés de sueur. Ma coupure au sexe saignait à nouveau. Le tissu du caleçon collait à la plaie. Je me sentais très anémié. Je me suis reposé un moment, devant le sanctuaire. Mon attention se portait sur les premiers oiseaux, les arbres. Les voitures passaient sur la route, audibles, hors de vue. Je flottais.

32 : 02

Dans le sanctuaire, j’ai déshabillé ma mère, j’ai enterré ses vêtements, je l’ai découpée, j’ai mangé son cœur et ses mains.
Ca a duré longtemps, de la découper. Presque trois heures. Je n’avais plus de force. Je m’interrompais souvent. Je me suis entaillé à plusieurs reprises. Ma sueur coulait à grosses gouttes. J’avais le ventre vide. Je gerbais de la bile. J’ai découpé sa tête, et puis ses mains. Ensuite, j’ai découpé sa poitrine pour en extraire le cœur, et puis j’ai détaché du tronc les jambes et les bras. J’ai mangé le cœur, cru. J’ai réussi à ne pas vomir. J’ai cuit les mains et je les ai mangées. J’ai incinéré le reste du corps. Ca a brûlé toute la journée. Je me suis gorgé des vapeurs graisseuses. La suie se collait contre ma peau, m’imbibait. Je me suis laissé aller aux visions. J’étais ailleurs. Les démons avaient enfilé la peau de ma mère au bout de leurs sexes de feu. Ils m’enculaient. Les démons avaient planté les ongles et les dents de ma mère au bout de leurs sexes, et me baisaient par le nombril, et leur sperme bouillonnant me remplissait le corps tout entier, me coulait par le cul, par la bouche, par le nez, par les yeux. Ils me fist-fuckaient avec les bras de ma mère, enfoncés jusqu’à l’épaule, dans mon cul, dans mon colon, ma prostate éclatée et qui en demandait encore, encore plus. Des gens hurlaient autour de moi, violés par toutes les bêtes que j’avais chassées, violés par le cul, la chatte, la bouche, le nombril, les bras et les jambes arrachés, violés par les plaies. Head-fucké avec la tête de ma mère, ses yeux éclatés qui giclaient dans mon cul dilaté et explosé, le démon qui plantait sa bite d’acier chauffé au rouge là-dedans, son sperme de chaux vive qui traversait le crâne de ma mère, qui traversait mon cul, mon intestin, mon corps, qui léchait mon cerveau en fusion, et me tuais de plaisir.

33 : 01

Je suis rentré et j’ai dormi, je ne sais pas, au moins dix-huit heures. Des rêves terribles, je n’en ai gardé que des bribes. La suite des visions, en plus chaotique. Au réveil, j’ai dévoré tout ce que contenait le réfrigérateur. J’ai passé deux jours à me reposer dans la maison. Il n’était plus question de retourner au sanctuaire. J’y avais mené la dernière cérémonie, celle pour laquelle il avait été édifié. Y retourner, maintenant, n’aurait plus de sens. J’avais construit ma tête, j’y avais fait entrer le monde, j’avais détruit le monde, j’étais sorti de ma tête. Maintenant, tout était consommé. Tout était parfait. L’équilibre dominait toute chose, en moi et hors de moi. La vie, pour moi, pouvait commencer. J’étais né, le trois mars à trois heures du matin. J’étais né en mille neuf cent quatre-vingt-neuf. Un plus neuf plus huit plus neuf. Vingt-sept. Trois au cube. Trois, trois, trois. Vingt-sept. Deux plus sept. Neuf. Trois plus trois plus trois. Trois, trois, trois. Trois cent trente-trois. Le chiffre sacré, mon chiffre. La clé.
J’ai prévenu l’école que ma mère avait disparu. J’ai prévenu la police. Ils sont venus m’entendre raconter mon histoire. Ma mère avait un amant, j’ignorais son nom mais je l’ai décrit. J’ai été placé en famille d’accueil, une autre que la dernière fois. L’enquête sur la disparition de ma mère n’a pas abouti. J’ai été confié à ma grand-mère, en ville. J’ai passé l’été dans son appartement, à l’écouter pleurer. Je ne sortais pas, il faisait très chaud. Il y avait un chat, je l’ai jeté par la fenêtre du septième étage, j’ai à peine entendu le bruit qu’il a fait en s’éclatant en bas, d’abord le miaulement très aigu, terrifié, et puis plus rien, et puis un bruit mou. Une flaque de sang, des trucs qui giclent à plusieurs mètres. J’ai raconté que j’avais ouvert parce que j’avais trop chaud, il a sauté sur le garde-fou, un faux mouvement et il est tombé. On m’a encore cru.

34 : 33

La maison était en bordure du centre-ville. Ma grand-mère habitait un pavillon de ville de trois étages et une cave. Le rez-de-chaussée était occupé par l’entrée, le salon, le séjour et la cuisine, le premier étage par sa chambre, la salle de bain et les toilettes, et le deuxième étage par deux pièces dépourvues de fenêtre, l’une servait de buanderie, et l’autre est devenue ma chambre. Elle n’utilisait pas la cave. Pour le reste, je me souviens juste de quelques détails. Le grincement du parquet et les pantoufles, que je devais mettre dès que j’entrais. La moquette qui recouvrait le téléphone. La sonnerie à l’ancienne. Les crêpes. Elles étaient bonnes mais je n’en avais rien à foutre, des crêpes. Ma grand-mère debout à l’aube, tous les jours. La télé, en perpétuel fond sonore. Les vieux disques qu’elle n’écoutait jamais. Les odeurs de renfermé et de produit pour les sols.
Je dormais dans une sorte de débarras, une pièce un peu à l’écart, sans fenêtre, encombrés de morceaux de meubles démontés, des planches, des attaches, des vis. Je me rappelleune porte d’armoire à glace Je me regardais souvent dans le miroir piqué. Au-dessus de mon lit, il y avait un tableau représentant le visage du Christ. Les couleurs étaient pales, et couvertes d’un vernis brillant. Je pouvais me regarder dedans également. Mon visage faisait presque la même taille que celle du Christ. Le papier peint était moisi. Le plafond était auréolé de tâches d’humidité. Chaque nuit, les draps devenaient poisseux et collants. Le matin, tout était moite et gelé. Il n’y avait pas de radiateur. Je dormais habillé.
Le reste de la maison, c’était coquet et étouffant. De la tapisserie partout, même sur les portes. Des couleurs passées, jaune pisse, marron clair. Des fleurs compliquées qui s’enchevêtraient. Sauf la cuisine, carrelée de blanc, et la salle de bain, carrelée aussi, d’une mosaïque bleue et blanche en arabesques. Des ampoules de quarante watts dans toutes les pièces, masquées par des abat-jour épais. Partout, la pénombre.

35 : 32

Je ne quittais la maison que pour aller au collège ou pour aller faire les courses. Ma grand-mère, elle, ne sortait jamais. Et personne ne venait jamais la voir. Elle passait ses journées dans sa chambre, à pleurer et à regarder la télé. J’entendais ça en permanence, ce bruit de fond. Ma grand-mère qui pleurait. Ma mère me manquait. Le sexe me manquait, avec elle. Je ne baisais plus. Ca me manquait, comme une drogue. Je me masturbais continuellement. Je ne fantasmais pas tout le temps. Je me masturbais, juste, pour éjaculer et me sentir un peu mieux. Mais je ne me sentais pas mieux. Mon stress diminuait légèrement, rien de plus. Je lisais des bouquins sur les loups. Ma grand-mère avait des bouquins sur les chiens et les loups, le genre de bouquin qu’on offre quand on ne sait pas quoi offrir. Des couvertures moches, des têtes d’animaux aux aguets, en gros plan, des titres écrits en jaune. J’étais fasciné, j’apprenais ça par cœur.
C’était moi qui faisais les courses, le ménage, la cuisine, tout. Ma vie se résumait facilement. J’allais à l’école, je rentrais, je faisais mes devoirs, je ressortais faire des courses, je faisais à manger (de la soupe en sachet, des pâtes ou des conserves), je passais l’aspirateur, je faisais la vaisselle ; le samedi je passais la serpillière et je faisais les vitres ; le reste du temps je lisais les bouquins sur les loups et je me branlais comme un fou. En fond sonore : les gémissements de ma grand-mère, et les émissions débiles de la télé.
Elle ne me parlait jamais, sauf pour me donner des ordres, ou pour se plaindre de sa vie, qui a été un long chemin de croix.
Je n’étais pas heureux. Je repensais à ma mère, je repensais à la forêt, au sanctuaire qui était loin, qui était dans une autre ville. Je pensais aux loups. Que j’étais l’un d’eux. Je pensais aux proies. Je ne dormais presque pas. J’étais crevé.

36 : 31

Ma grand-mère chialait tout le temps. Elle me parlait de ma mère, qui était une pute, de sa mère à elle, qui était une salope, elle me parlait de son mari, qui était mort, qui était une pourriture, elle me parlait de moi, qui était une merde, et elle pleurait. Elle pleurait tout le temps, tout le temps. Elle me parlait de son chat, qu’elle aimait même s’il chiait partout, et qui était mort. Elle pleurait. Son père, qui la battait. Son grand-père, qui l’a dépucelée quand elle avait douze ans et lui, cinquante. Il la battait à coups de ceinturons. Ses fugues. Son mari, qui buvait et qui la frappait. Ma mère, qui baisait avec tous les mecs qu’elle croisait, dès l’âge de treize ans. Des avortements. Un accouchement sous X. Elle ne parlait que de ça, elle ne racontait que ce genre d’histoire, pendant les repas, pendant que je faisais le ménage, tout le temps et le reste du temps, télé. Elle dormait encore moins que moi. Je m’endormais avec les voix de la télé en sourdine. Je me réveillais avec.
Les livres. Je les apprenais par cœur. Les premières rêveries. Je suis un loup, je tranche la gorge de mes proies, elles jouissent de se savoir tuées par moi. Je plante mes crocs dans le cou de Virginie. Je plante mes crocs dans son cou et j’enfile ma queue au fond de son cul. Elle mouille du cul. Elle inonde mes crocs de sang. Elle jouit. Elle bouge pour mieux accueillir ma morsure et ma bite. J’éjacule quand elle meurt. Des pensées comme ça. Mais la plupart du temps, rien. Juste un mouvement mécanique, pour me sentir un peu mieux après, mais pas tellement. Juste un peu plus apaisé, un peu plus abruti. Les pleurs, les plaintes, les histoires horribles, la télé, les corvées semblent un peu moins pesantes, un peu plus loin, quand je me branle. Je me regarde la bite. Je me regarde jouir. J’ai le cerveau vide.