Le syndrome de Morphe - 1 - Aux portes du Jardin d'Eden

Le 17/10/2008
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par Cuddle
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Thèmes / Obscur / Fantastique
Il y a des textes, comme ça, dont on n'arrive pas à retirer quoi que ce soit, qui glissent sur le lecteur et ne laissent aucune impression particulière. C'est l'effet que ça m'a fait ici. D'un côté, en tant que premier épisode d'une série, le texte cherche à aborder un univers et une ambiance, mais sans trop savoir comment s'y prendre, un peu comme un manchot qui voudrait ouvrir la porte du frigo, en moins drôle quand même : on n'a aucun repère, c'est complètement obscur, on tatônne, on se fait chier, mais on aimerait bien piger. D'un aure côté, on sent bien que le texte est gavé de poncifs et qu'il ne mène nulle part, même pas vers sa suite. Bref, c'est une espèce de non-texte, un trou béant dans l'espace et le temps, un piège galactique. Osef, en un mot.
syndrome de morphe. n.m. affection. ensemble de symptômes caractérisant plusieurs maladies tel que la paranoïa, (en psychiatrie : délire systématisé progressif), état psychopathique caractérisé par une déviation des fonctions intellectuelles les plus élevées s'accompagnant toujours d'idées délirantes permanentes. Les hallucinations qui s’en suivent sont créées à l'appui de ce délire, le personnifient et ont le même caractère égocentrique. Assimilé fréquemment à la psychose que l’on définirait comme "schizophrénie", ce syndrome psychomoteur est caractérisé par des troubles mentaux entrecoupés de négativisme, d'agressions diverses, d'accès de verbigération et de fureur.
Sa vie s’est terminée ici.

Eglise Sainte-Marie : 17h06

Ecrasé par la stature du bâtiment, il ne pouvait s’empêcher de frissonner face à cet édifice gigantesque, colossal même. L’Eglise Sainte-Marie, édifiée au XIII siècle, le surplombait de toute sa hauteur. Son style purement gothique et sa tour imposante de plus 120 mètres de haut, avait quelque chose de fascinant et de rebutant à la fois. Le vent glacial se mit à souffler en cette période hivernale, piquant ses joues rosies par le froid. Il resserra vivement l’écharpe autour de son cou et se décida enfin à absoudre ses péchés. Arrivé à la hauteur de la porte, il hésita un instant, puis, prenant son courage à deux mains, il poussa le plus doucement possible la vieille porte en bois qui se mit malgré tout à grincer. Il s’avança calmement vers le centre de la nef quand il le vit : le Seigneur-tout-puissant. Il se sentie rassuré, confiant même, et le silence religieux qui l’entourait le conforta dans cette idée.
Le père Pascal sortit de nulle part et l’accueillit avec le sourire.
- Mon enfant, que de mois se sont écoulés avant ta présence en ces lieux, dit-il en le prenant spontanément dans ses bras. Enaël, que viens-tu faire ici ?
- Mon père, excusez ma venue car j’ai péché.
Il haussa la tête d’un air compréhensif et l’invita à le suivre.
Lorsqu’ils furent séparés par la grille en bois, il put sentir une pointe de culpabilité l’envahir. Inconsciemment peut-être, il n’était plus le père Pascal, mais un inquisiteur qui allait juger de l’ampleur de sa faute.
- Je t’écoute mon enfant, confesse tes péchés sans honte et purge ton âme de tes méfaits.
Un long silence s’en suivit. La culpabilité lui nouait la gorge.
Au bout d’un court instant, il murmura :
- Mon père, il y a trois mois de cela Lou, ma sœur, a quitté notre monde…et je ne peux me faire à sa perte. Néanmoins, son décès a engendré un évènement inhabituel dont j’aimerais vous faire part...

Et tandis qu’il ouvrait la bouche pour lui parler de « l’autre monde », ce bourdonnement détestable qu’il trainait depuis trois mois vint le déstabiliser. Une bouffée de chaleur l’envahit brusquement et sa tête se mit dangereusement à vaciller. Il posa son crâne douloureux contre l’ébène quand il les entendit une fois de plus.

Les voix ne cessaient de hurler. Elles suppliaient si fort qu’il ne pouvait penser à autre chose. Un mal de tête infernal se mit à germer dans son esprit, le paralysant tout entier. Il mit instinctivement ses mains sur ses tempes.
Les voix l’oppressèrent si violemment qu’il ne put s’empêcher de tomber à genoux. Le père Pascal sortit en panique du confessionnal. Il l’empoigna doucement et tenta de le ramener à la réalité, mais les cris étaient bien trop intenses.
Sa vision se brouilla doucement lorsqu’une voix se détacha des autres, une voix familière. Alors, juste avant de sombrer dans le noir absolu il put entendre la voix de Lou murmurer : « Avant toute fin, il y a un commencement, tu ne dois en aucun cas briser la chaîne des pécheurs…».

Aux portes du Jardin d’Eden : 17h07

Une douleur infinie traversa son crâne et lorsqu’il ouvrit les yeux, il fut stupéfait de constater qu'il se retrouvait au beau milieu d'un verger. Pieds nus dans ce lieu insolite, il observa un instant son environnement : des fruits et des plantes gigantesques délimitaient cet espace circulaire qui n’avait rien de réel. Il traversa le « jardin » et s’arrêta un instant.
Des herbes se collèrent à ses jambes tandis qu’amorphe, il resta là, sous la pluie…Il pouvait les sentir grimper le long de ses cuisses, s’accrochant à sa chair douloureusement. Impassible, il se demanda quel pouvait être cet endroit.
La pluie s’intensifia brusquement, elle s’écrasa sur son corps, sur son visage. Sa mâchoire se déforma lentement, glissa sur sa poitrine.
Horrifié, son cœur a prit une allure démentielle…
Une voix gronda alors :

« Les portes du jardin d’Eden te sont aisément ouvertes, tu te plieras au syndrome de morphe et traversera sans conditions aucunes les « Huit enfers » successifs des sous-sols interdits. Le salut ne pourra t’être racheté, le purgatoire n’est pas un exutoire et il sera de passage obligé pour les âmes damnées. Tu seras notre messager et le Tout-Puissant guidera tes pas bénits en terre « Sainte » pour nous ramener ce que l’on nous doit de droit : les âmes des divins pécheurs qui ne se sont pas soumis aux lois mastéennes…»

Le réveil : 17h15

Il ouvrit les yeux et son regard se posa sur le Seigneur-tout-puissant. Un rêve, il ne s’agissait que d’un stupide rêve, du moins l’espérait-il. Ses mains se rejoignirent néanmoins en une prière, le diable le possédait-il ?

Il se sentait barbouillé, légèrement amoché, comme après une soirée arrosé. A moitié chancelant, il se mit à marcher en direction du confessionnal dans l’espoir d’y trouver le père Pascal. Juste à cet instant, il vint à sa rencontre, un verre d’eau à la main. Lorsque qu’il le regarda de plus près, son cœur rata un battement. Il fronça les sourcils et vit son visage se déformer : ses yeux se mirent à couler sur ses joues et tandis qu’il esquissait un sourire, sa mâchoire se mit à glisser sur sa poitrine. Il s’arrêta, son cœur cognait si fort contre sa poitrine, qu’il ne put bouger, totalement paralysé. Brusquement le corps du père Pascal se mit à gonfler grossièrement. Sous l’effet de panique, il chercha du regard un objet pour se défendre. Il ne pouvait laisser cette entité étrange s’approcher de lui, il se mit à courir vers le Tout-puissant. Il chercha une arme quelconque qui pourrait le débarrasser du démon qui avait possédé le vieil homme, lorsque ses yeux se posèrent sur la relique sainte de l’Eglise.
Il empoigna l’objet et sans attendre, cogna violemment le père Pascal. Ce dernier, surpris, n’évita pas son geste et son corps s’écrasa de tout son long sur le sol, à demi-conscient. Les cris retentirent une fois de plus dans son esprit, excitant ses envies de violences avec fougue. Complètement déboussolé, il s’agenouilla par terre, devant le corps du vieil homme et observa un moment le filet de sang qui coulait de son front. Son cœur fracassait sa cage thoracique avec rage, des bouffées de chaleur l’envahissaient par vagues successives. Il fallait assouvir cette demande pulsionnelle insatiable…Il le fallait…Sans contrôler le moindre de ses gestes, il planta la relique en forme de croix dans son cœur. Le sang gicla instantanément sur ses mains immaculées et il répéta son geste inconsciemment. Il frappait si fort que les bruits spongieux des chairs et du sang se mirent à l’exciter. Il se sentit soudain fiévreux, une colère noire l’envahit brusquement. Sans retenue, il abattit l’arme sur le crâne du vieil homme, des éclats d’os vinrent lui sauter au visage. Il s’acharna sur sa victime, brisa sa mâchoire, cassa son nez, se mit à hurler de fureur pour s’entendre penser, pour recouvrir ces voix qui emprisonnaient sa conscience.

Il fallait que tout redevienne cendres, n’était-ce pas cela que les voix lui hurlaient sans cesse ? Poussière, tout n’est que poussière…
A bout d’un moment, ses gestes s’amoindrirent, il se jeta par terre, éreinté.

Une dizaine de minute s’écoulèrent. Pourquoi avait-il perdu l’esprit l’espace d’un instant ? Comment était-ce arrivé ? Et avant même qu’il ne puisse comprendre quoi que ce soit, il se mit à vomir sur le corps inerte du père Pascal. Il se mit alors à sangloter tandis qu’une panique grossissante s’emparait de lui. Il fallait à tout prix se débarrasser du corps, il n’avait pas d’autre choix que de se débarrasser de ce corps possédé…

La chute de l’« Ange » : 18h34

Arrivée au sommet de la tour, Enaël tira le corps du vieil homme sur le côté et ferma la minuscule porte en bois. Haletant et épuisé, il se posa sur le rebord et sentit la douce chaleur du vent courir sur son visage…Tout se terminerait bientôt…
Il s’empara du corps du père Pascal et le jeta sans retenue dans le vide. La chute fut inexorablement longue, mais elle se termina brusquement contre le béton du parvis de l’Eglise Sainte-Marie. Et tandis que les pèlerins hurlaient à la vue de son corps disloqué, il ne put s’empêcher de songer que sa propre vie venait de se terminer ici…