La nuit noire (9)

Le 27/10/2008
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par Konsstrukt
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Rubriques / La nuit noire
Ca y est, ça décolle. Ca décolle ? On y croit à peine. Pourtant, notre narrateur a cessé d'être une victime et est devenu un prédateur. Le long travail de préparation fourni par Konsstrukt dans les premiers épisodes se révèle payant. Au lieu d'un bête serial-killer comme tant d'autres, on comprend le personnage, on partage ses ressentis. N'empêche, on reste conscients que tout ça n'est que gros prétexte pour décrire des atrocités.
43 : 24

Tout le long du lycée, ma vie, c’était ça. Entre quatorze et dix-sept ans. Je n’ai aucun souvenir. Aucun détail à part ça. Comme une longue journée, qui les aurait toutes absorbées, une journée sans début réel ni fin véritable, un lent dégradé, une boucle imperceptible avec d’infimes variations. Quelques éclats au cours de la nuit, des images incroyables, plus besoin des démons, ils m’avaient donné leur fluide et leurs pouvoirs. Je n’avais plus besoin d’eux puisque j’étais un des leurs.
Le ménage, l’école, ma grand-mère, cette salope insupportable, geignarde, cette pute infecte, la vie réelle, ce cauchemar gris, ça ne comptait pas. J’avais ma tête, mon sanctuaire béni, mon église, ma cathédrale, je m’y réfugiais tout le temps.
Et les livres. Les loups et les ours m’apprenaient tout ce que je devais être. Je me suis mis aussi au sport. J’avais des livres d’arts martiaux. Je faisais des katas, des pompes. Seul. Je devenais fort, tonique. Vif. Je devenais rusé, silencieux et dangereux. Je devenais un assassin, un ninja. Personne ne savait. Trois ans. D’entraînement. De simulations. De pensées, de fantasmes, de répétition. Et c’était merdique, ces trois ans. Lamentable. Je pleurais beaucoup. Je savais que c’était nécessaire. Cinq ans pour ne plus être humain et je n’étais plus rien. Il fallait du temps pour devenir ce que je voulais être. Un robot-tueur. Un loup-garou. Un vampire. Un monstre. Une chose unique et terrible.
Le jour de mes dix-sept ans. C’était le moment important, la dernière étape. La naissance, ou la renaissance. J’étais prêt, j’étais devenu un prédateur. J’étais né, une deuxième fois.
Je regardais mon corps. Il était magnifiquement dessiné. Mes muscles étaient parfaits. Les gestes souples, la vitesse, l’élégance. J’étais devenu une machine à tuer. J’étais devenu ce que j’étais destiné à être. Un fauve. J’étais devenu un prédateur. Je me trouvais beau. Pas les autres. Je me trouvais très beau et je m’aimais. Je n’aimais que moi. J’avais trouvé l’amour, et pour mes dix-sept ans, j’allais tuer. N’importe qui.

44 : 23

Le matin de mon anniversaire je n’ai pas été à l’école. J’ai pris le bus jusqu’à la gare. J’ai embarqué dans un TER, en utilisant l’argent des courses pour payer mon billet. Je suis descendu dans une ville pas loin d’ici. J’ai compté sur la chance. J’ai traîné à la poste. J’ai suivi un petit vieux jusque devant chez lui. Je l’ai suivi dans son immeuble. Il n’y avait que nous deux. Je l’ai dépassé et j’ai pris un étage d’avance sur lui. Il montait et je montais aussi. Silencieusement. Son sac de courses bruissait. Ses pieds glissaient sur les marches. Il a ouvert sa porte à clé. Je suis revenu vers lui, je l’ai poussé à l’intérieur de son domicile, il est tombé. J’ai refermé la porte à clé le temps qu’il se relève, choqué. Il saignait de la bouche. J’ai l’ai tué rapidement, en heurtant son crâne contre le sol. Mes mains étaient poisseuses de sang. J’ai cherché la salle de bain, et je me les suis lavé. Ensuite j’ai nettoyé le lavabo de toute trace de sang.
Je suis revenu auprès du corps et je me suis déshabillé. J’ai choisi un couteau à viande, dans la cuisine. Dans la chambre, j’ai cherché une couverture épaisse et j’ai installé le corps dessus. J’ai découpé la tête. J’ai découpé les bras au niveau des épaules et puis les jambes au niveau des hanches. J’ai tranché chaque membre en deux et j’ai détaché les mains et les pieds. Le sang me recouvrait. J’ai détaillé les couilles. Je les ai fait frire à la poêle et je les ai mangées. J’ai écrit des insanités sur la poitrine avec le couteau.
J’ai rempli une première valise avec la majeure partie du corps et une deuxième avec ce qui restait plus la couverture et les vêtements. J’ai tout nettoyé, je me suis douché et je me suis rhabillé.
Il était midi. J’ai repris le bus. Je me suis débarrassé des valises. Je suis retourné à l’école.

45 : 22

J’aimais bien les supermarchés, à cette époque. C’était mon unique lien avec le monde. Les gens m’écœuraient et me faisaient peur.
Tout au long de ma dix-septième année, en allant faire les courses, je suivais des femmes. Mes futures proies. Je les suivais et je les observais. Je les écoutais. Le soir, ensuite, je pensais à elles. Je les choisissais en fonction de leur ressemblance physique avec ma mère mais je ne m’en suis pas rendu compte tout de suite. La voix était importante. Des femmes de quarante ans environ qui portaient des jeans serrés, des baskets de toile claire, des pulls colorés laissant voir les épaules et l’absence de soutien-gorge. Des femmes minces, blondes, avec des petits seins et des fesses inexistantes, qui se maquillaient beaucoup et avaient des cernes. Je les suivais pour voir ce qu’elles achetaient. Elles ne devaient pas avoir d’enfant ni de mec. Je les voulais seules. Il fallait qu’elles achètent peu de légumes, des conserves, des plats surgelés, des soupes en brique et en sachet, des paquets de céréale, des gâteaux, de l’alcool mais ni bière ni vin, uniquement des alcools forts, du maquillage, des produits pour le bain, du parfum.
Je m’approchais près d’elles, je sentais leur odeur. Le parfum devait être fruité et assez léger pour ne pas masquer complètement l’odeur de tabac. Il fallait qu’elles me fassent bander, qu’elles me donnent envie de leur lécher la chatte et de leur fourrer ma bite dans le cul.
Je marchais dans le supermarché jusqu’à en trouver une. Il y en avait toujours une. Et puis je la suivais jusqu’aux caisses. J’enregistrais tous les détails, sa manière de respirer, son odeur. Je me tenais assez proche pour pouvoir faire ça. Mais je ne leur parlais pas et ne les touchais pas. J’accumulais des informations que je gardais en mémoire jusqu’au soir. Je me formais d’elle l’image la plus complète possible.
Avant de retourner à la maison, quelquefois, je regardais leurs voitures et je recopiais leurs plaques minéralogiques.

46 : 21

Le soir, je me branlais dans mon bain. Je n’avais plus ma mère. Je prenais des bains en pensant à elle. Je n’en revenais pas qu’elle puisse me manquer. C’était un sentiment détestable. Je me branlais en pensant à ses pipes, aux cris de ses orgasmes ; je me branlais en pensant à sa chatte, à son cul, à sa façon de me serrer les couilles quand elle voulait que je la prenne comme une brute. Je mélangeais toutes les images. Les souvenirs de ma mère et le fruit de mes errances et de mes observations dans les supermarchés, et j’y rajoutais mes autres fantasmes. Les enfants de ces femmes, menottés au radiateur, qui me regardaient baiser leur mère par tous les trous, leur mère horrifiée au début, à mes ordres ensuite, à mes pieds, frissonnante. Les enfants que je libérais et qui venaient la bourrer à leur tour, qui venaient la remplir de leur sperme juvénile, avant de mourir. Toutes sortes de mises à morts, toutes sortes de tortures. Mais j’en concevais de la frustration, à la longue. Tout ça tournait en rond, et ne me satisfaisait plus. Je me retrouvais à nouveau coincé, pris entre les jérémiades de ma grand-mère et l’oppression de l’école, incapable de satisfaire à mes instincts de prédation. Ma seule échappatoire était la masturbation, qui devenait compulsive et ne m’apportait plus rien, plus aucun soulagement, juste assez de force pour survivre à la journée suivante. C’était peu. Presque inutile. Je me sentais comme un camé en fin de parcours. Ca devait changer, mais je ne trouvais plus la force ni la volonté pour opérer ce changement. J’étais épuisé. Ma vie m’avait épuisé. Tuer un vieux ou une vieille, après deux ou trois tentatives, se révélait inepte. Tout était terne. Je vivais dans ma tête, et là tout allait bien, mais j’étais à l’étroit. Mon espace vital s’amenuisait. J’aurais pu sombrer, si un événement ne m’avait pas libéré. Un événement inattendu qui a rendu effective ma deuxième naissance.

47 : 20

Un matin, ma grand-mère était morte. Devant la télé. Je l’ai trouvée au matin, une semaine avant les vacances de la Toussaint. J’ai éteint le poste et j’ai savouré le silence pendant un petit moment. A en juger par son visage inexpressif, elle n’avait pas du souffrir. Un peu de sang avait coulé de son œil gauche et formé une traînée le long de sa joue et son dentier avait glissé hors de sa bouche. Elle était assise sur le canapé, un châle posé sur ses genoux, Téléstar ouvert à côté d’elle à la dernière page qu’elle avait lu. Sur le châle et sur la page gauche du magazine, il y avait quelques gouttelettes de sang. Je l’ai imaginée en train de tousser et mourir.
J’ai récupéré son dentier et je l’ai posé sur le téléviseur. Ensuite, j’ai déplié ma grand-mère, puis allongé sur le canapé. J’ai du forcer pour passer outre le début de rigidité cadavérique. Une fois couchée, j’ai ôté les vêtements que j’ai pu, et découpé le reste. J’ai regardé son corps nu. Sa chatte était parsemée de poils gris et court, légèrement bouclés. Je l’ai rasée. J’ai passé un long moment à observer sa vulve, à la sentir, à la goûter. J’y ai introduit un doigt mouillé de salive. C’était doux à l’intérieur, beaucoup plus doux que je ne le pensais. J’imaginais sa chatte rêche. Je l’ai godée avec une courgette trouvée au réfrigérateur. Ca m’a fait bander. Je me suis enduit la bite de beurre, et je l’ai baisée. J’ai joui en elle. Je me sentais mieux, après. Ca faisait longtemps que je n’avais pas baisé. Je l’ai ensuite pénétrée par le cul (je me suis retrouvé avec la bite pleine de merde, à cause du relâchement post-mortem des sphincters), et puis par la bouche, sans me nettoyer. Sa bouche dépourvue de dents était douce comme une chatte. J’ai laissé des traces de merde sur ses lèvres et sur ses gencives. J’avais joui trois fois en quinze minutes.

48 : 19

Je ne suis pas retourné à l’école. Je pensais à Virginie et Florence. Surtout à Florence, comme ça serait facile de l’emmener ici. A la cave. Et de lui faire tout ce que je veux. Comme un entraînement avant la vraie chasse. Toutes ces putes, au supermarché. J’allais enfin savoir, j’allais enfin comprendre. J’allais enfin tout comprendre. J’allais être ce que je voulais. J’allais sortir de ma tête. Le monde allait devenir ma tête. Je jubilais. J’ai passé sept jours jusqu’aux vacances, à jubiler. Je ne mangeais presque pas, je ne dormais presque pas. Je ne suis sorti qu’une fois, pour me rendre au supermarché, pour choisir quelqu’un. Je ne faisais rien d’autre que me branler en pensant à Florence, et baiser ma grand-mère qui se décomposait lentement. Il faisait froid. Son cul est devenu trop étroit dès le deuxième jour. Je lubrifiais les parois de sa chatte et l’intérieur de sa bouche avec de l’huile de cuisine. Il n’y avait aucun rituel, juste une satisfaction physique et gratuite. J’engloutissais de la nourriture sans savoir ce que c’était, je dormais une heure ou deux n’importe quand. Ma dernière transformation. Voilà ce que c’était. J’abandonnais les dernières traces d’humain, je devenais le prédateur qu’il convenait que je sois. Je satisfaisais les désirs des démons, je devenais l’un des leurs. Florence, ça serait mon dernier entraînement, et aussi mon cadeau de baptême.
Au dernier jour avant les vacances, j’ai découpé ma grand-mère en morceaux, de la même manière que j’avais procédé pour le vieux, quelque temps plus tôt. J’ai emballé les morceaux dans des journaux, et j’ai enfermé le tout dans des valises et des sacs.
A la maison, la dernière nuit, je me suis senti seul. Je n’ai pas pu dormir. Mon esprit bouillonnait. Je n’avais pas été comme ça depuis longtemps. J’étais fébrile, énergique, plein de vie et de puissance. C’était un ensemble de sensations délicieuses.
Je savais ce que j’allais faire de Florence. Chaque geste était dans ma tête, précis et inexorable.