Canop-ner(d)

Le 10/11/2008
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par Glaüx-le-Chouette
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Thèmes / Débile / Idiot
Quand Glaüx se décontracte un peu des sphincters littéraires, on le sent passer. Un el33t-geek qui se débite à l'épluche-légumes parce qu'il a mal compris un calembour, c'est pas le summum de la rigueur narrative, mais c'est pas grave. En fait l'histoire est d'une navrante stupidité, mais moins que le héros quand même. Un grand n'importe quoi, un fourre-tout d'inspirations variées, instantées, avec de la classe en plus.
Avant, j’étais un branleur.
Aujourd’hui, j’aurais bien du mal. Il me manque l’essentiel ; si tant est que je puisse encore dire qu’il « me » manque.
Toute ma jeunesse s’est passée devant des écrans. Mon enfance même, et je ne sais pas même à partir de quel âge. J’ai su employer un 1337sp34k translucide de pureté avant de connaître l’existence d’une grammaire française, peut-être même avant de marcher. Le jour où la maîtresse a parlé d’« orthographe », je lui ai roflolé au visage en la traitant de l4m3r b14tcH. Elle a pleuré longuement et mes parents m’ont retiré de l’école.
J’aurais très envie de citer une référence qui jadis fut mienne, quoique pour m’en moquer (à ceci près d’amusant que je n’avais aucune référence positive, seulement des références dont je me gaussais noblement), et de jeter à la face du monde que tout ce que je sais, c’est pas l’école qui me l’a appris. Ce que je savais, du moins. Wikipedia, les forums spécialisés, les g33k experts en tel ou tel domaine, voilà mes maîtres du temps jadis. Les maîtres g33k étant plus rares sur, par exemple, la poésie contemporaine ou le bon usage de la conversation courante, que sur la vie de Luke Skywalker ou les performances de l’Enterprise, il est certain que ma culture avait une gueule un brin formatée. Mais diantre, j’étais cultivé, néanmoins.
Pourtant parfois, je me posais de grandes questions.

Et ce sont ces putain de cons de vases canopes qui sont la cause de tout.

Un beau jour, ou peut-être une nuit, près d’un arbre, sur WoW je m’étais endormi, toutes fenêtres et tous programmes ouverts, en digérant tant bien que mal ma troisième pizza, quand soudain surgit un BILILIP altier au creux de mon moelleux tympan. La première fenêtre qui m’apparait, lorsque je me relève en sursaut : celle du chan #fr33fùCkch4n_4_l33tb0YzZ#. Et le premier mot : « chanop ». Et c’est le drame.
Mon esprit embrumé et avide de trucs à faire pour justifier la vie de mon gros corps inerte et couvert de taches de pizza s’est jeté sur le mot « chanop » pour tenter d’en deviner le sens. Ou non, pas le sens ; le sens, je le connaissais très bien. J’étais chanop de quatre chan, je savais ce que c’était. Mais ça m’évoquait autant de choses, à cette époque, que par exemple « Robert » ou « carotte ». C’est vrai quoi. Pourquoi on dit carotte pour parler des carottes. Et pas Robert, par exemple. Des Robert en salade. Des Robert râpés. Se coller un Robert dans le cul. Chanop, pour moi, ça n’avait pas de sens expliquable, pas d’étymologie, pas de racines. C’était un mot a priori.
Alors j’ai lancé google. J’ai un peu roté, aussi, parce que décidément, les anchois passaient mal. Google images, tant qu’à faire. Mais mes gros doigts, ainsi qu’une miette de muffin mal placée sous la touche H, m’ont mené vers une page de vases étranges, nettement phalliques, et blancs. Source intéressante. J’ai cliqué. Et
Et j’ai vomi, lorsque l’image de tripes séchées en paquet d’un kilo, avec les organes internes bien rangées, et un tout petit cerveau rabougri dans un coin, est apparue sur l’écran. Ou plutôt, j’ai régurgité les trois pizzas, mais sans desserrer les dents ; d’où une assez désagréable sensation de surpression buccale, et une course frénétique jusqu’à l’évier, suivi d’une expulsion réelle. Et j’aurais dû faire la vaisselle, me suis-je dit tout en dégobillant à foison.
Je venais donc d’apprendre que les vases canopes servaient à ces tarés d’Egyptiens à ranger des bouts de corps, pour mieux voyager jusqu’au monde des morts. Je venais de l’apprendre et ce savoir se gravait en moi tandis que je remplissais mes bols de céréales vides et mes verres de gerbe pizzaïolique. La psychologie du trauma étant ce qu’elle est, mon existence s’en vit bouleversée.

Depuis lors, je m’évade de mon corps, peu à peu. Livre de chair par livre de chair. J’ai ressorti ma collection de boîtes de thon, qui faisait ma fierté jusqu’à ce que l’adolescence me fasse découvrir de nouveaux, vrais, centres d’intérêt (comme les figurines Action Man). Je les ai toutes vidées, lavées, séchées. Et j’ai commencé à remplir mes vases canopes à moi.
J’ai commencé par la langue ; depuis mon dernier chat vidéo de dragouillage, approximativement en 1995, qui s’était soldé comme tous les précédents par un éclat de rire de la demoiselle et un bloquage immédiat, de toute façon, elle me sert seulement à lécher les fonds de pots de Nutella. Car je l’ai fort longue. Et puis la langue offrait l’avantage de baigner dans la salive, antiseptique naturel, et il m’a suffi de traîner un tout petit peu plus que mes trois heures quotidiennes sur divers sites de jeunes filles asiatiques en uniforme et de tuning d’unités centrales pour assurer une production salivaire suffisante.
Ensuite, les auriculaires. Aucun intérêt, je tape à huit doigts.
Puis les cheveux et le système pileux en son entier ; je renouvelle l’évasion régulièrement, et je brûle le résidu. J’ai un canope cinéraire de poils. Ah. Ca pose, ça, hein. Je dois être le seul individu humain à posséder son propre canope funéraire pileux. Les archéologues seront fous quand ils trouveront ça.
Ensuite, les caractères euh, le système, euh, ben, la teub et les burnes. En trois fois. Le gland, puis en constatant que non, j’étais pas mort, le reste de la verge, puis les couilles. J’ai eu un peu mal. J’ai un peu saigné. J’en ai profité pour faire un canope de boudin.
A la suite de cela, j’ai fait plusieurs canopes de sang. Je recommence régulièrement.
J’ai fait un canope de nez ; un canope d’oreilles ; un canope de tétons. Un canope de dents.
Je continue au fur et à mesure. Je m’évade de mon corps, je me débarasse de mon gros sac de tripes et de gras, je m’éthérise, je me virtualise, je me l33t33Z3 tas de nOOb rotflololol. Je me fous en l’air au bistouri, avec des couvercles de boîte de thon pour scalpel.

Et ce soir, je me fais l’œil gauche.