Pour Hélène

Le 14/11/2008
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par Lembaumeur
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Thèmes / Débile / Vie quotidienne
Bravo pour l'introduction à base de calembours en bois de cèdre, c'est vraiment su-u-uper. Ca donne envie, tiens. Surtout quand ça enquille sur des histoires de cul bienheureuses, porno mais pas glauques. Heureusement, ça se délite à mesure que notre couple s'enfonce dans la routine. Ca devient même franchement drôle dans la déchéance et l'amertume. Ca ressemble à du Traffic qui écrirait comme un être humain, c'est nerveux et marrant et ça compense le début.
Avec Hélène, tout a tourné à la haine. Le problème, avec les histoires de cul, c’est qu’elles s’affaissent en même temps que la fesse. On a niqué tant qu’on pouvait, jusqu’à s’en faire mal. La prostate enflammée, le vagin défoncé, le clitoris ressemblant à une minuscule bite, tellement il était chauffé au rouge. On n’a pas idée, de baiser à ce point là, du matin au soir, du soir au matin. Des jours, on ne bouffait même plus autre chose que nos muqueuses gonflées. Les nuits, ah ! les nuits, c’est là que ça se réveillait vraiment, mes aïeux ! On ne savait même bien plus si la bête avait deux dos. Des membres, ils y en avaient qui sortaient un peu de partout, de temps en temps. Du foutre, comme si l’en pleuvait, des fontaines de chatte, de la merde et de la pisse, quand on n’arrivait même plus à contrôler nos sphincters. On n’était jamais repu, on s’arrêtait toujours rompus, obligés de s’éloigner l’un de l’autre d’au moins vingt mètres, ne serait-ce que pour récupérer un peu. On s’en serait fait péter les artères.
On s’est rencontré à vingt ans, l’âge animal après l’âge bête, et avant la péremption. Notre première entrevue avait été hormonale, expérience non philatélique au possible. On ne savait même pas nos prénoms qu’on était déjà en train de se frotti-frotter. Magnétisme absolu de deux corps devenus des machines à baiser. On était tous deux à une réception de campagne chez un ambassadeur du mauvais goût. La soirée avait une tête de requiem, qu’on avait tous les deux envie de transformer en orgie satanique. Bref, après frotti-frotta, tralala, turlutte, tête bêche, levrette, tagada tsoin tsoin dans un tas de foin qu’était pas loin. C’est la paille dans le nez, le visage collé à sa fesse, que j’ai appris qu’elle s’appelait Hélène. « Hélène ? Mais c’est un prénom de bouchère de village, ça ? » Vlan, une baffe dans la tronche, la tronche dans la paille, début de nos trips sado-maso du dimanche, jour du Seigneur, alléluia.

De ce moment-là, on n’avait pas décidé de ne plus s’arrêter. Mère Nature, Mère Maquerelle, Reine du Bordel, nous forçait une cadence tambour battant, tympans battus par un rythme cardiaque suicidaire. Nous avons réalisé une vie entière de rapports sexuels en l’espace d’un mois ou deux. On a baisé en ville, à la campagne, dehors et dedans, dans tous les trous (on en aurait bien inventé en plus des trous), dans tous les sens. On a baisé sur l’autel de l’église, dans la bouse fraîche et sur l’étal du boucher. On faisait nos courses engodés de partout en gémissant comme des veaux, avant de se percuter dans la voiture aux vitres non teintées, se dégodant, se regodant de conserve, etc.

Au bout de quelques mois, je ne connaissais toujours rien d’elle, hormis son point G, qu’elle préférait le martinet au ceinturon, qu’elle s’activait toujours de la langue quand elle suçait, qu’elle aimait par-dessus tout la double pénétration, et que, sensible des poignets, les menottes la laissaient de marbre. Elle savourait toujours les petits plaisirs postliminaires du nettoyage buccoanal réciproque, l’échange des baisers devenus forts en gueule, et la remise conséquente du couvert. Remettre le couvert. On ne débarrassait même plus la table, plus le temps, plus l’énergie, plus l’espoir de faire autre chose de sa vie.

Quand, par la force des choses, on a ralenti la cadence, parce que fallait quand même trouver pitance entre deux pénétrations complexes, alors on s’est mariés, vite fait, vite fait l’abbé, abrège monsieur le maire, magne tes fesses, il y a urgence. En ce temps-là, on jouait encore aux rois de la baise. Ni sa belle robe, ni mon costume n’étaient sortis indemnes de cette mémorable noce à goût de stupre. Pourtant, on avait bien commencé à freiner le rythme. On a réussi à tenir au moins une heure, l’un à côté de l’autre, sans gode, sans bite au cul, sans doigt dans la chatte, sans rien. C’était pénible. Ça, c’était pénible. Mais supportable. Les hormones avaient commencé à nous lâcher, putain de sa mère.

La débandade en un temps record. On est passé, presque d’un coup, de « passe-moi le vibro » à « passe-moi le sel ». Sans vraiment de transition, ça la fout mal. On a rapidement découvert qu’on n’avait rien à partager, rien à se dire, foutrement rien à se dire. On se regardait avec des yeux confits dans le saindoux. Parfois, j’avais un sursaut de bandaison, quand je la voyais traîner une cuisse dénudée en descendant l’escalier… qui se transformait en gelée anglaise dès que nos regards se croisaient, échange à vide de rien du tout. Nos gadgets prenaient la poussière. Et ça colle, la poussière, sur un sex toy. Avant le mariage, on ne s’était jamais vraiment, regardés, les yeux dans les yeux, cherchant un contact d’humain à humain. Après, et bien, c’était après. On sait qu’on va vieillir, que la verge se ramollit en même temps que le cuissot, que ça va commencer à devenir pénible, de sortir l’artillerie et de tirer sa grenaille. Peau douce contre peau douce devient râpe à fromage contre jonc de mer. Alors s’il n’y a pas de compensation, du genre discuter ficus ou cinéma asiatique, on sait qu’on est foutu, à terme. On ne va pas au casse-pipe avec le sourire aux lèvres, ça non.

Avec Hélène, on commençait à se douter qu’il n’y aurait plus RIEN entre nous. Que le vide à se mettre sous la dent. Et après les muqueuses pleines de jus, il y a de quoi flipper. Alors, Hélène a commencé à faire du gras et moi à picoler comme un cochon, cochon frustré que j’étais. On baisait encore un peu, de temps en temps, pour faire illusion ou pour faire passer le dimanche. Mais, au bout d’un moment, il faut avoir beaucoup d’imagination, pour avoir la gaulle. Quand on ne sait plus ce qu’on a dans la main, un sein ? Un repli de graisse abdominale ? Un goitre ? alors, on n’y arrive plus. Toute cette chair molle, ce début d’odeur de naphtaline, l’apathie manifeste de la grosse vache qu’on tringle. Trop c’est trop.

Au bout de quelques années, j’ai réussi à me foutre le foie en compote de coing. J’avais le blaze qu’avait doublé de volume, et pas harmonieusement, l’œil rouge et humide et les pruneaux desséchés. Elle ! Elle n’en finissait plus de s’alourdir, de se recouvrir partout de cellulite, des pieds au menton. L’œil s’affadissait, lui aussi, à mesure qu’il disparaissait sous des paupières devenues tombantes. Elle n’avait, pas plus que moi, le regard vif ni intelligent, ce qui est bien utile, quand on devient laid, désespérément hideux. On a fini par se séparer, sans même se gueuler dessus, tellement on était lessivés. Je sentais que mon foie devenait énorme et pourri. J’étais cuit, je le sentais bien. Alors, j’en ai remis une couche pour accélérer la décadence. Je voulais crever ferme avant l’âge du Christ, rien que pour baiser la gueule à Dieu. Et là, j’ai vu…

J’ai vu Hélène retrouver sa beauté. Au début c’était par bribes. Elle avait un peu minci, son triple menton qui devenait double. Je la croisais de temps en temps, et chaque fois, le changement se faisait plus spectaculaire. Sans être aussi fraîche, c’était bien Hélène, mon Hélène au clitoris radieux, à l’anus gourmand, à la chatte insatiable et à la gorge profonde. Le regard du branleur se tournait vers son entrejambe qu’on pouvait à nouveau deviner. Elle était belle et moi, comme un con, je m’étais suicidé à l’éthanol, incapable de bander, et même plus foutu de séduire une grenouille de bénitier. J’ai compris que tout était de ma faute. Je la traitais comme une truie, elle est devenue une truie, une vraie. C’est moi, qui lui avais foutu le lipide au cul, à force de lui lapider le con. Chacun de mes regards concupiscents avait collé une couche supplémentaire de gras sur son ventre. Une femme ça a besoin d’autre chose pour rester belle. Mais quoi, bordel ? Je n’étais qu’une bite et n’avait que mon foutre à donner. Et elle, elle trémoussait ses fesses de rechange au marché couvert, alors que moi, je n’en avais pas, de foie de rechange. Le combat était devenu inégal. Pour elle, la vie, pour moi, la mort avinée.

Pas question, Hélène, pas question que j’aille crever tout seul pendant que t’iras éreinter un autre pauvre mec. Pas une justice, ça, ma vieille. Je sais, je te parle, même si tu ne m’entends plus, Hélène, dans tes sacs poubelles, ceux de jardin, les verts, c’est du costaud, pas de problème pour les lester avec de bonnes vieilles briques. Tiennent le coup ces sacs, pas de la merde. Au fait, merci pour la perte de poids, c’est plus facile à transporter… Hélène.