La dernière goutte

Le 27/11/2008
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par Lionrobe
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Thèmes / Obscur / Anticipation
On a longuement hésité avant de publier ce texte, non pas qu'il soit mauvais (il est très fignolé, après ça dépendra des goûts de chacun), non pas qu'il ne soit pas zonard (c'est pas rentre-dedans, mais c'est un genre de pornographie biomécanique, alors ça va). C'est surtout qu'il est d'une incroyable lourdeur, entre la minutie accordée à chaque micro-détail et la lenteur de l'action. De la grosse SF obscure, dense, maitrisée. Pas super accessible.
Le Rozg m’attend. Il a revêtu le kimono de cérémonie, aux feuilles d’or sur lit de safran.
Le bourdonnement de mes oreilles filtre les murmures des librecitoyens. Pour décompresser mes tympans, je tourne vivement la tête vers les puits de lumière. Les immenses baies translucides de l’Europa sont encore ouvertes. Notre vaisseau fuit le trou noir depuis cinq siècles, mais les étoiles semblent n’avoir jamais changé de position.

Ralentis, mon cœur, fermes soient mes jambes, que sèche la buée sur mes cils. C’est un grand jour. Je compte les étoiles de la petite Ourse en avançant lentement.
Le palan a décollé le Rozg de son trône. Il a levé la main, et je sais que dans le ventre de notre univers, les afrosclaves ont commencé de gémir sous le fouet. Leurs dos d’ébène se convulsent, voûtés sur les palans de la grande machinerie. Les cuisses tremblent, les bras sont cisaillés par les lianes, les plaintes couvrent les ordres des p’reîtres.
Jason interprète les poussées et les efforts, traduit et convertit en équations complexes le travail de nos animaux. Le grand ordinateur central est la seule unité que nos réserves d’énergie nucléaire puissent alimenter.
J’avance fièrement, je n’ai plus peur maintenant, et je me dévêts en marchant. Ma toge glisse sur mes épaules et mes fesses. Je suis belle, belle pour toi, Mon Seigneur. Mon ventre est presque plat maintenant, j’ai pu très vite faire tous les exercices que les matriarches m’ont indiqué.
Maintenant, je vois se dessiner peu à peu le décor que le Rozg a choisi pour moi. Je reconnais les images…non, ce ne sont pas ces vieilles pellicules de celluloïd, c’est autre chose…Les patriarches disent que ce sont des tableaux. Les panneaux de titane ont presque fini d’occulter les baies. Les colonnes sculptées d’un immense temple grec se dressent autour de nous. Les librecitoyens se sont avancé en tournant la tête pour mieux les admirer. Merci, ô Seigneur, d’honorer ainsi ta servante.
Au-dessus de nous, le palan déplace le Rozg comme si l’apesanteur était rétablie. Je sais que c’est une illusion. Pas un jour comme aujourd’hui, bien sûr.
J’ai peur, j’ai menti, je suis fière, j’ai peur. J’ai découvert derrière moi l’autel du dernier jour.
Enfant, j’en riais et en riais tant avec Nenla : “ Si tu t’accouples avec ce beau librecitoyen, tu goûteras au Rozg ! ! ”.
C’est hier. Penchées sur la coursive intérieure au-dessus des cultures hydroponiques, nous nous disons adieu. Nous, femmes et librecitoyennes, avons choisi de donner la vie. Nenla va enfanter dans trois mois. Bator est né depuis vingt neuf jours. J’ai pu l’allaiter pendant la Seinte semaine, puis la préparation a commencé.
Un p’reître me guide doucement par le bras. Deux autres moines-soldats sont déjà sur l’estrade. Ils vérifient les derniers réglages, car ils connaissent parfaitement mes mensurations. Je redresse orgueilleusement mes seins en passant devant les matriarches. Vivez les années fanées qui vous restent, sans avoir jamais donné la vie ni reçu la lumière. Haissez moi parce que j’ai osé et que je suis belle et désirable.
Le trente-huitième Rozg descend lentement du plafond sodiumisé. Les anciens chuchotent qu’avant les Rozgs, les afrosclaves étaient des librecitoyens, et les librecitoyens ne devaient pas obéir aux p’reîtres. Mais ils ne savent pas expliquer comment les Rozgs dirigent un vaisseau spatial sans propulsion nucléaire.
Des écrans sont apparus entre les colonnes du temple grec qui ceignent notre salle circulaire. Lorsque je gravis les marches de l’autel du dernier jour, je reconnais l’hologramme familier qui se projette sur les murs. Les caméras tridimensionnelles violent mon corps, livrent en pâture à l’assemblée des librecitoyens les détails les plus crus de mon intimité. Mon utérus semble déjà gonflé de vie, et je pose instinctivement la main sur mes mamelles dont les canaux lactifères semblent toujours gorgés de lait. Mes mains se sont qu’une ombre qui les effleure, trop lascivement peut-être aux yeux des matriarches. Ma profonde toison pubienne est un lichen qui ondule sur une vague à forme humaine.
Le Rozg est descendu assez bas pour que je puisse lire son regard. Je ne vois rien. Je ne comprends pas. Même si les matriarches m’avaient dit que seule la dernière goutte m’apporterait tout, la compréhension et la renaissance.
Nenla m’a dit qu’elle me reverrait. Elle est sûre qu’après avoir fertilisé de nos restes les champs hydroponiques de biosoja, nous serons ensemencées par le Rozg pendant le reste du voyage.
Nous, librecitoyennes, savons toutes que nous finirons devant le Rozg.
Nous savons toutes que les mères qui ne font pas jouir deux fois le Rozg disparaissent sous l’autel du dernier jour.
Pourtant, nous nous arrêtons toutes en haut de la dernière marche.
Le siège en fer est creux. L’étau en fer est plein. Les sangles et la muselière en plastique sont transparentes.
J’ai peur, je suis fière. Pourquoi le Rozg est-il un homme ?
Le palan grince encore avant de se stabiliser. Certains Rozgs ont dépassé les huit cent livres, mais pas celui-ci.
Il a plissé ses petits yeux, et ses grosses bajoues ont frémi sous l’effort. Il porte une longue moustache qui se mêle à sa barbe sous le menton. Elle sont réunies en une grande tresse qui ballotte sur sa large poitrine molle de mongolhun. Son kimono baille et dévoile ses poils et un bout de sein. Je voudrais enfouir ma tête dans cette toison et narguer les matriarches.
Je ne les ai pas cru lorsqu’elles m’ont dit qu’il était énorme. Il a fini de délier sa ceinture, et il se renverse légèrement en arrière pour écarter de son glorieux phallus les replis de son ventre qui cascadent.
Je regarde distraitement l’hologramme projeté sur les murs, je voudrais pouvoir entrer moi-même dans la chair de ce sexe géant qui envahit les écrans. Je ne vois rien de plus que la colonne turgide pointée sur moi. Le sexe que je vais délivrer de ma bouche est chaste depuis la naissance de Bator, car tel est le rite.
Je n’ai pas senti la pression des mains des p’reîtres sur mes épaules tandis qu’ils m’asseyaient sur le bienheureux siège de la connaissance. Je vais recevoir la semence divine et je ne pense plus qu’à cet instant, tant je suis persuadée de réussir là où toutes ont échoué avant moi.
Je ne sens pas l’acier glacé sous mes fesses et sur mes seins emprisonnés. La muselière me fait à peine saliver.
Je fixe intensément les yeux noirs du Rozg tandis qu’il guide lui-même l’ultime avancée du palan jusqu’au bord de ma poitrine.
Je retarde le début de la cérémonie pour en jouir le plus longtemps possible, mais j’ai entendu monter le pal et le temps m’est compté maintenant.
Je me suis vaillamment entraîné, comme les autres, comme Nenla le fera. J’ai sucé tous les sexes que les librecitoyens voulaient m’offrir depuis trois semaines, sexes racornis ou juste pubères, de toutes les couleurs et les senteurs et même celui d’un afrosclave au fond des soutes, je ne l’ai pas avoué à Nenla.
L’étau s’est refermé sur ma forte poitrine. Non, ne donne pas du plaisir aux ovaires desséchés des matriarches. Tu remporteras l’épreuve et siégeras avec Bator à côté du Rozg à tout jamais.
Très loin sous moi, le feu purificateur vient d’être allumé sous la base du pal de cuivre.
Dans ma bouche transparente, loin devant moi, palpite sur l’écran le long sexe du Rozg.
Le boudha s’est lentement renversé en arrière. Je sais qu’il va venir très vite, mais je suis prête à recevoir le long jet qui semble traverser ma gorge et buter sur une paroi invisible. Les filets de son sperme semblent dégouliner interminablement sur l’écran. Il presse comme un fruit son membre, surveillant lui-même que la dernière goutte descende dans mon estomac.
Ce n’est pas la dernière goutte.
Le Rozg nettoie lentement la pointe de son gland jusqu’à ce qu’il brille autant que les colonnes dorées à l’or fin.
Les matriarches se sont rapproché, déployant le pourpre de leurs capes pour former le cercle de la protection, et je sais qu’un afrosclave fait monter le pal sous mon vagin. La première pression sur mes seins n’est pas insupportable, c’est la mise en place rituelle pour donner aux patriarches le plaisir de voir les deux barres comprimer mes mamelles dures et violettes avant de les pétrir comme entre deux rouleaux à pâtisserie.
Le Rozg a souri. Je suis sûre qu’il m’a souri et veut me voir gagner l’épreuve. Je sais qu’il est prêt à me donner ce qu’il y a de plus précieux en lui.
Bien avant lui, c’est le premier Rozg qui a instauré l’équilibre de notre population par la sélection naturelle. Toute nouvelle mère doit affronter le Rozg sur l’autel du dernier jour dans les trente lunes qui suivent la délivrance.
Les matriarches disent que la dernière goutte n’a pas le goût de la semence, c’est une perle d’or, la saveur de tous les savoirs qui se répand sur la langue lorsque l’on est devenu à tout jamais la compagne du Rozg. Comment peuvent-elles bien le savoir, ces vieilles poules caquetantes qui ont eu peur de subir l’épreuve ?
Le ressac de leurs gémissements ne m’indispose plus, maintenant qu’est venue l’heure de vérité.
Dans le calice sculpté dans l'étau par son aïeul, le Rozg a déposé son membre encore secoué de spasmes. Je sais que je dispose de cinq cent secondes, une par année depuis le début du grand voyage.
Car après, la douleur sera trop forte, les lésions irréversibles de mon corps seront trop graves.
Le temps m'est compté, mais je n'engloutis pas voracement le gland pourpre. C'est une erreur qu'une fellatrice maladroite commettrait aisément, mais je sais que l'oiseau ne peut reprendre son vol sans avoir été longuement encouragé.
Quand je restais des heures après l'école sous le dôme triangulaire, le nez pointé vers les grandes limbes de feu dessinées par Orion, je surprenais souvent les contes érotiques que lisaient les matriarches aux futures mères.
J'écoutais aussi avec moins d'intérêt les histoires racontées par les derniers vieilleux, les pères des anciens.
La légende dit que l'élue drainera la vie du Rozg avec la dernière goutte. Ils disent aussi que quand l'Europa a quitté la terre après la onzième plaie, les afrosclaves, les circoncasiens et les mongolhuns étaient tous librecitoyens et qu'il n'y avait pas de matriarches. Qui croire ?
Je voudrais bien qu'il n'y ait jamais eu de matriarche pour me prendre Bator...
Le bout de ma langue est parti doucement en reconnaissance. L'odeur fraîche du sperme de notre guide n'est pas encore dissipée. Je la pose tendrement sur la fente minuscule qui s'ouvre à nouveau pour moi.
“ AHHHHHHH.... ”.
L'étau s'est rappelé à moi le premier. Le p’reître qui célèbre mon supplice vient de se placer à mes côtés. Sa main s'est posée doucement sur mon épaule. Je n'avais pas senti la pression. Je ne peux pas perdre du temps à le regarder, car ma langue polit alternativement le filet et le méat de l'énorme bubon du mongolhun.
Je relève très vite les yeux au-dessus des épaules du Rozg pour apercevoir le père de Bator tourner lentement la manivelle.
Conformément au rite immuable -punition ou récompense- il va m'accompagner sur le chemin de la connaissance, jusqu'à ce que j'ai rencontré la divine semence.
Son visage à demi-masqué par un pierroblanc est sévère, comme il sied à un p’reître qui a fauté et doit expier le péché de chair en torturant sa complice.
Je n'ai pas le temps de lui témoigner ma reconnaissance pour son soutien, car j'ai senti la première dilatation reprendre au bout de mon patient labeur. Le géant endormi s'éveille peu à peu, gluant de ma salive respectueuse. Le prépuce s'est rabattu complètement, et ma langue peut travailler aisément la collerette encore timidement dégagée.
"OOOOOOOOHHHHHH". J'entends les bruissements sourds des anciens se mêler aux pépiements atterrés des matriarches, car le pal iridescent est venu frotter contre mes grandes lèvres. Comme sa chaleur est bonne, pour l'instant. Déjà une minute, m'indique douloureusement le cadran de Sirius.
Quand je gardais les bufflons avec Nenla, nous nous enfoncions nos piques de bouviers dans nos fentes glabres, mais jamais je n'aurais pensé que mon sexe s'ouvrirait au pieu brûlant de l'autel du dernier jour.
L'auguste membre a déployé toute sa vigueur sous mon nez. Il est temps de l'honorer. L'heure du grand savoir est venue.
La foule des librecitoyens s'est concentrée près des panneaux, pour mieux voir, car ils sont plus loin que les pa/marches. Ce qu'ils contemplent et apprécient, j'espère, c'est une vessie translucide qui gonfle et se dégonfle le long de Sa Virilité.
"MMMMMGHHHHH". Le bâillon de chair a étouffé mon premier vrai hurlement. Le père de Bator a donné un quart de tour arrière à la barre inférieure de l'étau, et mes seins capturés sont projetés en avant par le tapis adhésif. Les matriarches poussent de petits rires étouffés au spectacle des mamelles grotesquement étirées comme des pis.
Les anciens au col vert veulent-ils la vie du Rozg ou la mienne ? Je ne sais plus pour qui je lutte.
Ma langue est maintenant une vipère qui s'enroule aux pieds de la tour royale pour faire monter la sève dont la délivrance abrégera mon supplice. Je veux la dernière goutte, la vie, ma renaissance;
L'hologramme ne tremble pas, c'est ma bouche qui est secouée de frissons tétaniques, je pompe, je bois, j'aspire frénétiquement, mais le Rozg ne se rend pas.
La chaleur du pal vit en moi comme celle du sexe de l'affreux sclave- elle me fait toujours rire, celle là, même en ce moment. Je sens qu'elle sera insupportable sous peu, aussi je pense un peu à moi en ralentissant ma succion. Je ferme les yeux pour laisser un orgasme puissant m'envahir lorsque l'une des plumes d'autruche qui enchâssent la tête du pal effleure mon bourgeon dardé.
Maintenant, je suis un volcan prêt à cracher sa lave sur l'épée de chair qui le défie.
Les matriarches psalmodient les secondes qui s'écoulent, maintenant. Je sucerais mieux si je souffrais moins de mes seins, mais je respire de plus en plus difficilement, je les vois dans l'holo, affreusement aplatis, guère plus épais que mes longs mamelons. Le père de Bator ne me regarde plus, que lui ai-je fait ? J'ai trop mal, maintenant, je voudrais arrêter tout cela. Mes pensées divaguent, il faut que la dernière goutte me sauve. Le nectar du savoir, la connaissance suprême, le souffle de vie. La mienne ou celle du Rozg ? Qui croire ?
Le Rozg a encore grossi dans ma bouche, je respire par lui et pour lui.
ROZG, nourris-moi !!!!
La chaleur dans mes entrailles est un brasier qui a transpercé ma matrice. Mon cri a perforé la fréquence de l'hologramme, et personne ne suit plus la danse de mort qu'interprète désespérément ma langue autour du gland du Rozg.
L'écran noir envahit ma vue tandis que perle la dernière goutte...