Psycho-story

Le 14/04/2002
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par nihil
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Thèmes / Débile / Parodies
Excédé par les bandes-annonces pour Loft-Story qui envahissent la télé et les radios, nihil lance sa propre émission de real-TV, dont il est le principal et le seul protagoniste. Sombre, décalé, assez drôle et violent.
Un appartement pourri de 32 m² au centre de Strasbourg

Un seul participant coupé du monde mais de multiples personnalités, enfermé pendant 84 ans

27 caméras imaginaires, dont une nouvelle à l'intérieur de la tête du héros

Aucune communication avec l'extérieur, pas de vie sociale

Elimination régulière de déjections

Pas de piscine, pas de jardin, pas de poules, plus rien à bouffer dans le frigo

Un baquet de douche en ruines

Dix minutes d'eau tièdasse tous les matins

De la poussière partout

Des guest-stars : le facteur, le voisin du dessus, le proprio

Un confessionnal pour exprimer ses pensées les plus profondes : les chiottes

Des activités organisées une fois par semaine, sous forme d'épreuves : faire la bouffe, passer l'aspirateur, s'écraser devant la télé

Des larmes, des crises de nerfs, des conflits intérieurs, de la joie simulée, du sang

Jour 1 : j'entre dans mon nouvel appartement. Je sens comme un compte à rebours qui se déclenche dans ma tête. Je claque la porte et balance les clés à la poubelle. Je ferme les volets et remplace les carreaux cassés par du carton. Le lit est pourri, des carreaux de faïence se sont cassés la gueule dans la douche, l'évier est jaune. Je vire des pigeons qui nichent dans le garde-manger. Je repère des trous dans les murs. Sans doute l'emplacement des caméras.
Dans ma valise, j'ai apporté des fringues roumaines récupérées dans les poubelles, un disque de cacophonies corses, le Sun Tzu (l'art dela guerre chinois), et mon doudou qui accomagne mes nuits depuis que j'ai trois ans : Nono le rat mort.

Jour 2 : je longe les murs pour repérer les failles éventuelles de ce petit monde fossilisé. Tout à l'air de bien se passer. J'ai faim. Déjà. Des marteau-piqueurs se rapprochent peu à peu de ma rue. Vont pas tarder à me casser la tête à mort d'ici peu.

Jour 4 : allongé sur le sol, les yeux fixés aux traces du plafond. Depuis combien d'heures suis-je allongé ici ? Je n'en sais plus rien, j'ai l'impression que mes muscles s'atrophient et que mes os se fondent dans le carrelage glacé et humide.

Jour 7 : je rentre du travail à 20h et je met du mastic dans le trou des caméras, mais ça suffira pas. On m'observe, je le sais.
A coté de mon immeuble il y a une grande villa nickel chrome, avec des tas de jeunes qui fourtent le bordel toute la nuit. Je les hait.

Jour 8 : mon voisin du dessus est passé, c'est Khalid, un black de deux mètres avec une voix fluette de petite fille, nasillarde et insupportable. Il a plissé le nez en entrant dans l'appart. Ca pue. C'est sombre. C'est mort. On a fumé du tams et je lui ai éclaté la tête avec un parpaing. Dans ma tête j'ai entendu des vagues d'applaudissements au moment où le voisin s'écroulait.

Jour 10 : je tiendrai pas, je tiendrai pas.

Jour 12 : la télé crache des flots de conneries dont je ne comprends pas le sens, Khalid pourrit peu à peu dans la cuisine et dégage une odeur douceâtre. Je vais aller me tailler un steak dans son cul.

Jour 13 : je monte à l'appart de Khalid et défonce la porte. Je trouve du fric, de la bouffe et un flingue. De drôles d'images s'allument dans ma tête.

Jour 14 : je me cogne la tête contre les murs, j'ai du sang plein la gueule, je me dévore les lèvres. Je rigole.

Jour 15 : Ca fait trois jours que je suis plus allé au boulot. Je sais plus où j'en suis, j'ai perdu la notion du temps. Les jours défilent trop vite pour moi. J'ai filé un coup de cisaille au fil de mon téléphone., j'ai tourné l'écran de ma télé contre le mur.

Jour 20 : Je suis sorti de l'appart. Ca y est, je suis éliminé. Foutu, mort pour le monde. J'ai pris mon flingue et suis allé dézinguer tous les lofteurs de la villa d'à coté, les abrutis de djeunz qui prétendent nous représenter, les putes qui se dandinent en bikini, leurs petites fêtes minables, karaokés de banlieue et disco foireuse, leurs petites histoires qui me pourrissent la vie depuis 20 jours.
C'est pas parce que je suis éliminé que je suis mort et enterré.

Jour 21 : arrêté par les flics, je saute par le vélux du quatrième étage quand on me propose la présentation d'une émission de télé. Faut pas déconner non plus.