Jugement dernier

Le 30/12/2008
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par Dourak Smerdiakov
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Thèmes / Divers / Poèmes de merde
Trois d'un coup, Dourak s'est déchainé ce coup-ci. Tous aux abris, rien ne peut l'arrêter ! Trois ballades sans rapport apparent entre elles, qui vont de l'anodin au valable sans vraiment provoquer de hurlements de joie. Et on garde l'impression générale que Dourak continue sur sa lancée contre vents et marées, zone ou pas zone. Qu'il est un peu extérieur à tout ça. En attendant, cette série mérite à peine une demi-molle.
I. As-Tu vu la vache ?

Comme un vol d'enfants de putains
S'abattant sur ma vie entière,
Les flic sont passés ce matin
Avec de drôles de manières.
J'ai déversé ma cafetière
Sur la gueule du plus heureux.
Leurs questions sont particulières :
As-tu vu la vache aux yeux bleus ?
Les temps étaient pourtant lointains
Des actes révolutionnaires.
Je m'étais rangé. Le destin
Rattrape ses permissionnaires.
Ils recherchent quelque rombière
Kidnappée par deux, trois morveux
Au nom de la classe ouvrière :
As-tu vu la vache aux yeux bleus ?

Ces feux sont toujours mal éteints
Qui vous ont fait brûler naguère.
Ils m'ont ravivé, ces crétins,
Par excès d'ardeur policière.
Détonateur en bandoulière,
Dans le tas, j'ai ouvert le feu.
J'ai choisi la sortie altière.
As-tu vu la vache aux yeux bleus ?

Seigneur, ma dernière prière
Souffle ces beaux poulets nerveux,
Vers Ta Grâce dans l'atmosphère.
As-Tu vu la vache aux yeux bleus ?



II. Travail de bureau.

Sur le bureau du proviseur,
Les mouches s'enculaient, lubriques.
Dans sa mémoire, après dix heures,
L'alcool puisait des Philippiques.
Il parlait de Caton d'Utique,
À ses chimères plus qu'à moi.
La question planait, fatidique :
Quand je me suis battu, pour quoi ?

Sur le bureau de l'inspecteur,
Les blattes fuyaient la musique
Jouée crânement, sans fureur,
Par le bottin téléphonique.
Un peu distrait par la rythmique,
Longtemps, je ruminais la Loi
Et cette question juridique :
Quand je me suis battu, pour quoi ?

Sur le bureau du procureur,
Des rats soulagaient leur colique
Et ces rapports accusateurs,
Il les dévorait, méthodique.
Ce fourbe cherchait la tactique,
Pour contourner mon quant-à-soi.
La question gênait, politique :
Quand je me suis battu, pour quoi ?

On sauve ou non la République...
On se rallie... On se tient coi...
La question reviendra, mystique :
Quand je me suis battu, pour quoi ?



III. Jugement dernier.

Ils sont venus, enfin. Les rats.
C'est une belle matinée.
Il fait chaud. Le soleil boira
Le sang frais sur mes azalées.
Ce sont les Légions embusquées,
Tireurs d'élite, artificiers,
Et c'est la retraite coupée,
Le jour du Jugement dernier.

Une belle mort, au combat,
Dieu merci, m'était destinée ;
Je dégoise mon ça ira
Jusqu'au seuil des champs Élysées.
Toutes les pièces sont piégées,
Ce sera comme un chant guerrier
Qui retombe dans la fumée,
Le jour du Jugement dernier.

La porte qui vole en éclats,
La déflagration dans l'entrée.
J'entends depuis mille ans leurs pas
Feutrés remonter dans l'allée.
Des salves d'ordres sont lancées.
Ça court de la cave au grenier.
J'attendais depuis tant d'années
Le jour du Jugement dernier.

De mes actes, de mes idées,
Je n'ai pas grand chose à renier ;
Pour l'âme, elle sera pesée,
Le jour du Jugement dernier.