Road-Z-movie

Le 14/01/2009
-
par Glaüx-le-Chouette
-
Thèmes / Débile / Parodies
J'aime bien quand Glaüx fait le débile. Il le fait bien, ça pourrait passer pour naturel. Son surlittérarisme forcené (ce n'est pas une maladie, sauf dans son cas) passe pour parodique. Sur ce texte pondu en moins d'une heure, les figures de style s'effacent au profit de gros gags cartoonesques en bois et d'une ambiance loufoque à la Brain Dead.
Les zombies nécrophages s’étaient trompés de chemin. Le maître avait dit « prenez à droite après la supérette ». Le maître a toujours raison. Il faut écouter le maître. Voilà ce que répétait Karl, à la place du mort. MAAAAASTAAAAAA, opinait Kurt, à l’arrière, en s’inclinant frénétiquement. Quant à Knut, il conduisait, il fermait sa gueule et ses oreilles. On fait pas deux choses à la fois, bordel.
Trois heures qu’ils roulaient dans la Supercinq rouge du maître, et l’inquiétude croissait en Knut, sourde et insidieuse comme la dalle qui croissait tout autant. Trois heures pour aller de l’église de Saint Frusquin au cimetière de Saint Frusquin, c’est beaucoup. Passer par l’autoroute, voilà qui semble excessif. Voire « Paris 53 » sur un panneau kilométrique, c’est un brin inquiétant, quand on doit dîner dans la Nièvre à minuit et qu’il est minuit moins dix.

C’est alors que Knut, Kurt et Karl décidèrent de s’arrêter sur une aire et d’aviser. A la lumière de la pleine lune, parce que les phares de l’automobile étaient en panne, ils trouvèrent l’entrée de la plus proches et se garèrent près des chiottes.

Un individu errait là. Un vivant. Karl frémit. Un vivant. Baaah. Il s’approcha.

-    B’soir les gars. Fait froid par ici la nuit. Un peu de chaleur dans mon camion, ça vous tente ?
-    .
-    Eh bah, vous êtes pas bavards, haha. Et ces gueules d’enterrées, bordel, on dirait des cierges. D’ailleurs ça m’excite, je te l’avoue. Surtout toi, à l’arrière. Y a pas de la place pour un routier loin de chez lui, sur ta banquette ?
-    .
-    Oh ?
-    Il nous zemple gue nous zafons un bedit proplème de gompréhenzion. Nous zommes zeulement pertus, mon ami. Et zessez de respirer ainzi près de moi, z’est rébugnant.
-    Proplème de gompréhenzion, moi je veux bien, bonhomme. Mais pour ce qui est des problèmes, t’aurais surtout tes phares qui sont morts, pour l’instant, et pour ça je peux t’aider, si tu sors de l’auto et que t’ouvres le capot.
-    Ach. Nous bouffons faire zela. Buis fous nous indiguerez la logalizadzion te Saint Vrusguin.
-    Ouais ouais. Ouvre le capot et regarde avec moi. Penche-toi là.
-    Zoit.
-    Mouahaha.

Karl ne comprit que trop tard ce qui se tramait vers l’extrémité de son intestin. Le routier avait la lame rapide, son pantalon de toile usée par les années de non-vie céda comme du papier, et son rectum de même. Il cherchait encore quoi voir là où le routier avait tendu le doigt, qu’il se faisait matraquer le crâne en rythme contre l’intérieur du capot et les hanches sur le pare-choc.

C’est alors que Kurt s’énerva. CERVEAUUUUUUUUUUUUUUUU, beugla-t-il sans une once d’accent, ce qui fit sourire Knut d’un air approbateur. Il en réfèrerait au maître. « Servo, mais que dalle, ta gueule, rien à voir avec les servomoteurs, ducon, c’est un problème de fusibles, et laisse-moi finir ton pote d’abord », répondit le routier tout en faisant rebondir la carcasse de Karl sur le radiateur, Karl qui tentait de ne pas se brûler les mains en s’appuyant ici, ou là, ou ailleurs, et de tenir le choc néanmoins, avec des « ach » et des « herr got » contrariés. CERVEAUUUUUUUUUUUUUUUUU répéta Kurt, car il était sûr de lui, et il s’approcha du capot, une raclette à dégivrer à la main. Alors le routier quitta l’anus de Karl, et se tourna vers lui, furibond.

-    MAIS PUISQUE JE TE DIS QUE RIEN À VOIR, DUCON !
-    CERVEAUUUUUUUU
-    MA BITE DANS TON CUL OUAIS
-    CERVEAUUUUUUUUUUUUU
-    PUTE !, brailla-t-il posément, avant d’envoyer son poing dans la gueule bancale de Kurt, dans un magnifique uppercut.

Mais il n’avait pas pensé à Knut. Il avait contourné la Supercinq, et s’était armé du triangle orange de signalisation du maître. Le maître pense toujours à tout ; c’est grâce au maître que tout va bien. Il faut écouter le maître. Le routier fit un bruit curieux lorsque l’une des pointes du triangle vint le frapper de plein fouet à la base du crâne, par derrière ; un bruit de craquement humide. Puis il tomba, mou comme une pièce de viande.

Knut contempla le corps de Kurt, et sa nuque pliée en angle droit, puis celui du routier. Karl soufflait sur ses mains et les aspergeait de l’eau des pissotières, à côté. Knut songea au cimetière de Saint Frusquin, aux indications trompeuses du maître. Il songea au cadavre décharné de la vieille tout juste enterrée qu’ils visaient, à se partager à quatre, et aux vers des tombes. Il regarda à nouveau les deux viandes, en comparaison, celle de Kurt, sèche et goûteuse, à mâchonner longtemps et à garder dans une poche par lambeaux, pour la route, puis celle du routier, riche, grasse, tendre, encore tiède et saignante, pleine de bonnes vitamines. Tout ça pour Karl et lui. MAAAASTAAAAAAAA, gueula Knut avec émotion. Le maître, il a toujours raison. Si le maître te perd sur l’autoroute, c’est que le maître a ses raisons. Il faut toujours écouter le maître. C’est un chic type. Knut sourit du coin du rictus, et sortit la scie du coffre.