Super (fe)U

Le 10/04/2009
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par Cuddle
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Thèmes / Saint-Con / 2009
Quand je vais faire mes courses, j'aime que la caissière soit bonne et ferme sa gueule. Quand je lis un texte j'aime ne pas être projetée dans un café bruyant, écoutant des lamentations anecdotiques ponctuées de gloussements et « enculé de sa race de client de merde ». Cuddle, manifestement marquée par une traumatisante expérience nous plonge dans l'univers féerique des supermarchés avec la grâce d'un guichetier aigri de la poste. Et décide de l'universalité de la connerie en cramant tout le monde.
Pendant les vacances, j’ai fait comme tout le monde, j’ai chopé un petit boulot pour me permettre de gagner un peu de tunes. Le truc, c’est qu’en bossant à la caisse, on omet certains détails, qui peuvent vite devenir casse-couille voire carrément bandant. On s’aperçoit que dans le monde du travail, on doit avoir une certaine tenue, un langage approprié pour le dialogue. On nous apprend ça dans notre petit stage de deux jours : le client a toujours raison, même si c’est un gros con.
Quand on a jamais travaillé de sa vie, on a grave la motive. Quand on a déjà travaillé, on comprend qu’on se fait enfler de tous les côtés : pour la pause qu’on nous entube, pour les heures de boulot que le boss oubli de compter, ou encore pour les heures sup’ qui sont plus payées.
A la limite, vous pourriez me dire que ce texte est dédié au patron, à tout ce qui fait que Super U est de la grosse merde mais non…il n’en ait rien. Ce texte, bordel, je le dédis à tous ces putains de clients qui me prennent pour une grosse merde, pour une tâche qui a raté ses études et qui se retrouvent là parce qu’elle sait rien foutre d’autre. Je le dédis à tous ces cons de clients qui m’exaspèrent et que j’ai envie de faire sauter à la station service…Alors, bonne Saint-Con, bande de sous-merde :
« La journée type commence à 8h. Lorsque j’arrive au magasin, il fait nuit et j’ai généralement la gueule enfariné parce que j’ai fait la bringue la veille. Mes doigts lâchent l’objet glacial et je resserre ma « polaire » (= vieille polaire rouge qui a servi depuis deux siècles). En rentrant par la porte d’entrée, tout le monde s’agite, vaque à ses occupations. Moi, j’passe devant l’accueil, badge pour signaler ma présence (pas déconner avec la badgeuse parce qu’au sinon tu te fais allumer) et fait un bref bonjour de la tête (parce qu’en général, les nanas de l’accueil, elles s’en branlent carrément). Je monte au premier et pose mes affaires dans la salle réservé aux nanas. Je redescend promptement et passe par la salle des tiroirs ou je récupère ma caisse et l’« apport » (la monnaie que j’ai commandé la veille).
Ma journée de merde peut alors commencer. Je trottine jusqu’à la caisse qui m’est affectée, pose le tiroir, rentre le code et avanti, la machine est prête à rentabiliser. Juste avant de commencer le boulot, dernières petites précautions : nettoyer la caisse - vérifier le papier pour les tickets de caisse - les sacs plastiques bon marché pour les fringues - la lumière pour signaler que je suis open et enfin, ouvrir la petite barrière. Je pose mon cul sur une chaise défoncée (juste manière de me niquer le dos un petit peu plus dans cette journée de 9h) et commence à coller mon sourire de conne pour la journée.
Ce qu’il y a de marrant quand on mate les clients, c’est de voir à quel point ils sont cons (surtout les vieux). Il y a deux types de cons dans cette catégorie :
- Ceux qui vont se précipiter sur la caisse alors que le magasin est vide ; ou ceux qui se précipitent sur la caisse et qui se foutent sur la gueule pour avoir la première place.
- Et ceux qui regardent la loupiote verte d’un air abruti et qui demande : « c’est ouvert ? » (Genre, j’suis là pour combler le décor quoi).

En début de matinée, c’est assez calme, les clients arrivent vers 10h-11h, et après, c’est la panique. Ca se bouscule, les gens s’énervent parce que c’est pas assez rapide, parce que la nana a oublié de peser ses légumes au rayon « Fruits et légumes ». Ou encore lorsqu’il y erreur de prix. Dans ce genre de situation, le client te regarde d’un air désespéré comme si t’étais responsable alors que putain, j’y suis pour rien moi, suis là pour encaisser, pas pour étiqueter les rayons. Mais généralement, le client comprend rien à la vie alors du coup, il s’excite sur toi en beuglant comme un bœuf (comme si j’étais censée lire la Pub tous les soirs avant de pieuter). Une fois qu’il t’a bien humilié, il prend ses articles « discount » et te regarde d’un air con en disant : « J’ai oublié mes sacs dans la voiture » (et oui ducon, t’avais qu’à y penser avant) et là, ça râle de nouveau. J’encaisse, le gas se casse les bras chargés parce qu’il est trop radin pour banquer…
Lors des heures de pointe, mon sourire de conne se décolle, mais je dis « bonjour » tout de même, même si aucun écho ne répond…les gens sont cons ou étranger ça dépend. Le pire, j’crois, c’est ces putains de vieilles avec leur carte U. C’est la star de ce monde de con ! Parce que ces putes de vieilles ne peuvent pas s’empêcher de pinailler : « Combien j’ai de point sur ma carte U ? » ; « Vous avez oublié de passer la carte ? ». Eh oui ma grosse, parce qu’après déjà quatre heures de boulot non stop (parce que les pauses sont décalés), je pense plus à ta putain de carte U. Ralàlà, faudrait brûler tout ça dans un gigantesque feu, les couches des vieilles serviraient de combustible. Et je leur ferais bouffer leur putain de carte U par le cul (quoi que…à cet âge là, c’est risqué d’aller y foutre les doigts).

Le truc le plus dinde qui m’est arrivé concerne un putain de vieux. Le mec passe à ma caisse rapide, avec ses deux bouteilles d’Evian, dans un pack de six éventré. Tout naturellement, je sors l’une des bouteilles de l’emprise plastique (faut mettre du style dans ce texte à la con) pour passer le code barre et fait glisser la bouteille vers le vieux. Ce dernier me regarde d’un air ahuri (genre : « tu fais quoi là ? ») et je lui demande ce qu’il y a. Voici ce me répond le vieux :
- Mais…t’as pas vu que j’avais laissé les bouteilles dans le plastique pour pouvoir les porter plus facilement. Mais ça va bien dans ta tête ?
Et là, putain, je suis restée scotchée, naturellement, vu que le vieux commençait à s’enfader tout seul, je lui réponds :
- Pardon ? (genre : « calme ta joie »)
Et là, le pépé qui commence à me traiter de dingue, limite que je suis autiste, que si je sais pas faire ce boulot j’ai qu’à en trouver un autre. J’essaie de le calmer en lui disant que si il a un problème qu’il aille se plaindre à l’accueil (même si j’avais plutôt envie de lui dire d’aller se rouler) et le vieux qui me sort : « c’est pas avec l’accueil que j’ai un problème, c’est avec toi, c’est personnel ». Et là je lui balance le plus naturellement du monde : « que je vais l’encaisser pour qu’il puisse se casser ». Le vieux se casse et je reste là, énervée durant de longue minute, les clients derrière le vieux ferment leur gueule et je les encaisse. J’aurais du les lui foutre dans la gueule ses bouteilles d’Evian…

Mais il n’y a pas que les vieux qui sont chiants. Les autres clients aussi, genre ces putains de clients qui passent à la caisse pour un article d’une valeur d’1,90 euros et qui vous donnent d’un air ravi un billet de 100 euros. Genre, sur ma gueule y’a écrit « banque ». Je me demande parfois… Ou encore l’enculé qui me paie 8 euros en pièce de 0,10 cents, voire moins, et là je déconne pas…
Enfin c’est la pause. Je déjeune, je sors sur la terrasse du magasin avec vue sur la route. J’ai 18 mn devant, 3mn par heure. Je bouffe un sandwich dégueulasse acheté sur place et en plus je donne du fric à super U. Quel putain de boulot.

Je suis affectée à une nouvelle caisse, je recommence le rituel du matin. Un client pressé se précipite à ma caisse et un bruit de casse résonne dans le magasin. Je lève les yeux au ciel. Le mec me regarde alors d’un air con et dit même pas pardon. Une odeur de poisson pourri se dégage de la caisse et je me questionne sérieusement sur ce qu’il comptait acheter…De la soupe de poisson en bouteille avec sa sauce à la rouille. Le bordel a la couleur et l’aspect de la merde et ça me fout la gerbe rien que de le regarder. J’appelle l’accueil, complètement dépitée et on me répond que la femme de ménage est absente cet après-midi. C’est à moi de nettoyer. J’encaisse le type qui se casse vite fait et me dirige vers la porte « privé » qui renferme le chariot à nettoyer. Lorsque j’arrive sur les lieux du crime, j’ai vraiment envie de dégueuler et je me demande encore comment font les gens pour bouffer cette merde dont les grumeaux semblent baigner dans des glaires. Et il n’est que 2h...j’y suis jusqu’à 20h…
Ce qui est complètement sidérant c’est de voir les mêmes clients toute la journée, voire plusieurs fois dans la semaine. Les mecs s’emmerdent tellement qu’ils passent leur temps dans le magasin à acheter des conneries. Certains viennent le matin, à midi, le soir. Ils achètent, consomment à loisir et semblent heureux de passer à ma caisse plusieurs fois. Dehors, il fait beau et je donnerais tout pour être à la plage et faire la crêpe…Mais non, tous ces cons préfèrent passer leur temps dans les magasins. Ca me dégoute, ça m’écœure, j’peux pas y faire mes courses, c’est plus fort que moi. Dès que le boulot se termine, je fuis l’endroit comme la peste…Les vieux, eux, s’y rassemblent, comme dans une clinique. Ils sont contents de claquer leur pognon pour engraisser le boss, ils ont l’impression d’avoir fait un truc dans la journée.

L’autre point intéressant à soulever sur les vieux, c’est ceux qui essaie de carotter. Et puis des merdes parfois, un journal à 2 euros, des sandales à la con ou encore un rouge-à-lèvre carrément dans le sac. Le truc qui me fait marrer silencieusement, c’est lorsque les mecs carottent des sacs à 0,40 cents et que je les vois. Je dis rien et ils sont fiers de pas s’être fait prendre, ça me fait mourir de rire. Ah putain de crise quand tu nous tiens !
Après, on s’enquille les gros loosers qui essaient de draguer et qui limite te disent : « Bin, j’t’ai dit que t’étais mignonne, tu dis pas merci ? » (Non gros con parce que j’ai autre chose à foutre qu’apprendre la vie à un attardé). Du coup, mon sourire de conne s’estompe et j’attends la fin de la journée avec impatience. Lorsqu’elle arrive enfin, les gosses braillent à mort dans le magasin parce qu’ils se sont pas pris de bouffe dans leurs gueules. Mes oreilles ne supportent plus le bruit du « bip bip » de la caisse, des gens qui disent plus « bonjour » ni « au revoir », qui te beuglent dessus parce que t’as oublié de passer la carte U, parce que t’as pas donné un petit sachet en plastique, parce que le code barre passe pas et que je suis obligée d’aller vérifier le prix.

Quand 8h arrive, j’ai vraiment envie de me barrer mais je dois encore encaisser les clients du magasin qui prennent leur temps et compter la caisse. On fait le tour, on signale aux derniers casse-couilles que le magasin ferme et qu’ils doivent se bouger le cul. On les rapatrie comme du bétail vers la sortie, comme à l’abattoir. Mais certain sont plus cons que d’autre, alors une fois à ta caisse, ils prennent bien leur temps. Ils rangent bien leurs couses parce qu’ils doivent se dire qu’ils sont les derniers et qu’ils n’y a plus besoin de se presser. Sauf que moi, j’suis plus payée après 8h, je dois encore compter la caisse et je suis pas mère Theresa. La nana en face de moi prend l’allure d’un escargot, me tend sa putain de carte U et je lui balance la douchette dans la gueule (douchette = petit accessoire permettant de biper les articles dans le caddie pour éviter de se péter le dos). Je me sers de son putain de déo comme d’un lance flamme que j’alimente avec mon briquet et lui crame la gueule. Les petites vieilles aux caisses inférieures se mettent à brailler comme de vieux boucs en rut. Je deviens dingue. Je balance tout par terre, je prends ces putains d’assiettes en porcelaine que je jette sur l’escargot avec colère qui bave de douleur.

Putain de société de consommation de merde !

Dans le magasin, on commence à s’exciter, généralement à la fermeture on se presse pour se barrer. Cette fois-ci, nada, on n’ira nulle part. Je sors le flingue de ma « polaire » et commence à shooter les derniers clients comme à la fête foraine. Le vigile n’est pas là pour surveiller, de toute manière, il bosse jamais ce gros con. Les caissières qui se la pètent prennent une balle dans les jambes, le dos et les épaules. Faudrait pas qu’elles ratent le feu de joie. Ce soir, les nanas de l’accueil sont conviées au bucher. Une énorme vielle se barre en courant dans les rayons, je marche vers elle, déterminée, et lui troue sa peau de truie sans attendre. Elle s’étale dans le rayon et emporte avec elle des boites de sardines à deux balles (Le boss aura du boulot pour l’inventaire lundi !). Je me précipite à la planque ou j’ai, au préalable tout prévu, je prends le fusil, les bidons d’essence (sur le chariot à nettoyer) et les allumettes. Je commence à faire le tour de la boutique et descend les derniers emmerdeurs. Une grosse conne fait la mariolle, me menace, et je lâche les plombs sans scrupule sur la volaille qui déchiquètent les chairs et explosent le tout dans une gerbe de plume. L’hémoglobine semble se déverser sur le sol comme de l’eau et ma haine ne fait qu’accroître. Je balance les bidons dans tout le magasin comme une démente, mon cœur s’emballe...

Enfin, je craque l’allumette et les flammes dansent aux grès des hurlements des clients, ça agonise fort là dedans mais tout brûle. Les vieux, les loosers, les gros cons, les putes, Super U tout, tout ce qui représente le monde dans lequel nous vivons : rentabilité, enculade à tout va, prix croissant, promo qui t’entube, produits à date limite de péremption, carte U qui fidélise le client pour mieux le sodomiser, boss qui t’utilise comme un vulgaire kleenex, horaires de merde, réduction du personnel, augmentation du temps de travail pour un smic à peine acceptable, société de consommation qui se fout de tout, on vend de la merde pour que tu puisses survivre, comme des porcs comme engraisse avant de bouffer, nuggets farcis à la carcasse et à la peau de poulet, surgelé en poudre, bonbons près des caisses pour initier les futurs obèses à la conso, alcool en vente libre et à bas prix pour préparer les jeunes à leurs futures vies de merde, fringue by Super U made in China pour rentabiliser, fabrication de i tech et de produits de qualité médiocre pour racheter, consommer à mort.

Gros système de merde ou tout est fait pour consommer en masse, sans culpabilité, on jette, on rachète, on supprime de l’emploi parce que c’est la « crise », on achète des caisses automatiques pour s’en foutre plein les pognes…Au feu toute cette merde !

Je trotinne sur le parking, en direction de ma caisse, quand soudain, je réalise un truc important. Putain, j'ai oublié de carroter le rouge à lèvre violine Gemey Maibelline, le n°205, que j'attends depuis trois siècles. Instant d'hésitation crutial...Peux pas partir sans. Je retourne dans le magasin, passe par la porte de derrière, tente de me frayer un passage parmis les flammes mais c'est trop tard, tout s'écroule autour de moi...

......Ahlàlà, putain de crise !