Chocolat fondu

Le 14/04/2009
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par Carc
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Thèmes / Polémique / 2009
Carc débroussaille une nouvelle piste, pas vraiment explorée jusqu'ici : la connerie moyenne, médiocre du citoyen lambda. Grâce lui soit rendue, c'est la connerie la plus pénible, au quotidien. Les vrais gros cons peuvent parfois passer pour atypiques, voire sympathiques dans le pire des cas. Le petit employé standard, inerte, lui, mérite sa crémation. Et ça court les rues. Du coup, le punir c'est pas glorieux mais ça détend. Texte efficace, sans ambitions démesurées, sympa.
Ce n’est pas que je me prends pour un membre d’un quelconque commando, mais l’idée du déguisement était intéressante. Stimulante même. Je suis donc ici, dans un espèce de body intégral noir qui me donne un petit air d’homosexuel, avec un bas sur la tête pour avoir l’air dangereux et j’attends. J’ai mes clopes pour passer le temps, mon briquet et de l’essence, je suis paré à toute éventualité. La preuve, je dois même avoir une capote quelque part dans mon porte-monnaie.
Oh non, ce n’est pas l’amour de mon prochain qui me fait sortir ce soir. Ce n’est d’ailleurs pas la haine non plus. C’est seulement une connerie d’évènement facebook, en fait, auquel j’ai eu le mauvais goût d’adhérer. Et merde, maintenant je suis obligé.
J’interromps mes pensées, le con que je vise vient de sortir de chez lui. Ou plutôt le couple de cons. Parce que autant vous offrir la pétasse qu’il traine par la main avec, tant ses gloussements hystériques me sont insupportables. Description : Le mec est un genre de cadre moyen, la quarantaine, individu inintéressant et dépourvu de colonne vertébrale. La petite merde du genre à chercher à se liquéfier devant un supérieur pour s’assurer plus convenablement de la propreté de son arrière train. En fait, Ce n’est pas pour rien qu’on appelle ces gens des cadres moyens. Moyen est en fait le mot qui les désigne le mieux : à l’école, c’était un élève moyen. Pas bon, pas mauvais, moyen. C’est devenu un étudiant moyen, du genre à avoir son diplôme en bossant. Un amant moyen doté d’un humour moyennement drôle (ce qui est donc la forme polie de « nul à chier »), moyennement talentueux, moyennement débrouillard, moyennement bien fringué, salement antipathique. Sous ses cheveux courts, légèrement décoiffés et tenus décoiffés par un demi-pot de gel par épi, il rêvasse sûrement d’une vie de star du rock, avec les débauches qui vont avec. Sauf que lui, sa définition de débauche c’est de prendre la pétasse qui l’accompagne sur le lave-linge (5 mensualités). Dans son monde, tout n’est que chiffres, traites, dettes, matériel et mobilier Ikea. Il sera très fier de vous montrer son canapé Fothult trois places (245€), son système d’étagères Ivar (112€) et sa table de chevet Noresund (19€) sur laquelle sera posée une photo de sa famille de français moyens, tenant fermement un chien de taille moyenne dans leurs bras et arborant le sourire de ceux qui n’ont jamais rien branlé de leur vie et se contentent d’un confort moyen.
Sa pétasse aussi est moyenne. D’intelligence surtout. Stéréotype de la bimbo qui se fait entretenir par un mec qui trouve ça socialement plus acceptable de ne pas être obligé de payer une pute, cette citerne de botox sur pattes glousse, comme pour montrer qu’elle trouve son mari génial en tordant du cul. Femme objet qui se complait dans son rôle de potiche à gros seins pouvant potentiellement impressionner votre directeur lors de cocktails mondains, Elle passera le plus clair de son temps à faire le ménage, aller se refaire le maillot chez l’esthéticienne pour lui raconter ses problèmes de cellulite et peau d’orange grandissants et boire du whisky en cachette pour s’évader un peu de ce morne quotidien. Quand son mari est avec elle dans la rue, elle n’a d’yeux que pour lui. Quand elle sort se renseigner sur les prix des implants mammaires, elle fait exprès de toucher, par mégarde bien entendu, la queue des jeunes hommes dans la rue. Au cas où dans el lot il y avait un détraqué prêt à lui bondir dessus et à la prendre violemment, lui cognant la tête contre une rangée de poubelles. Malheureusement elle est moche, et un peu trop vieille pour se faire remarquer par Michel Fourniret.
Voilà donc mon couple de cons qui marchent, s’éloignent de moi. Une fois qu’ils se sont un petit peu éloignés, je commence à les suivre. Je marche dans les coins sombres, me prenant tour à tour pour un James Bond de foire aux cochonnailles et pour Arsène Lupin. Je fais quand même attention à pas les perdre des yeux, ça serait bête. Ils sont allé bouffer. Ils rentrent chez eux, tout contents. Le mec parce qu’il va la sauter. La poche de silicone parce que ça change de l’habituel. Moi parce que j’ai un déguisement sympa.
Vous avez remarqué que dans un couple de cons, c’est forcément le mec qui a la clé. La clé, c’est en fait le symbole phallique par excellence. J’ai trouvé ça tout seul, Freud serait content de moi. Moi, je me contente d’attendre qu’ils gagnent leur chambre. J’entends les canalisations gémir quand le minable leur offre un étron plus imposant que son phallus. J’entends l’eau couler vers les égouts alors que le mot de gouache premier prix se libère du mortier qui lui plâtre la gueule. Et j’attends. Je suis leurs ébats à travers leur fenêtre. Le minable pousse des hurlements gutturaux de film pornographique. La pétasse ne fait même pas l’effort de simuler, se grattant lascivement des seins s’étant mutés en gants de toilettes surpressurisés. Temps pour un nouveau ravalement de façade, vieille carne. Ne t’en fais pas, tu n’en auras pas besoin. J’avais déjà disposé la chevrotine à l’avance.
J’entre discrètement par la fenêtre. J’arrive près du couple, silencieusement. La vieille, repensant à la liste de courses qu’elle aura à formuler le lendemain ne me voit pas. Le minable est de toute façon trop absorbé par le sexe de sa compagne de misère. Je pousse le vice jusqu’à dire « bonsoir » avant d’appuyer sur la détente. Ma mère m’a toujours dit qu’il fallait rester poli à tout prix.
Ce qui est marrant avec les minables, c’est que leur présence ne se remarque souvent que quand elle tâche les murs du salon. C’est ce qui s’est passé ici. Mon cadre moyen n’a plus de tête, la cervelle a éclaboussé les lèvres encore trop maquillées de sa compagne et passablement salopé le traversin. La pétasse s’était levée d’un bond, essayant (vainement) d’extirper ce qui restait de son mari d’entre ses reins. Sur sa poitrine, le sang jaillissant de la carotide désormais apparente dessine une fleur. Du moins je pense y voir une fleur en mobilisant toute mon imagination. Je l’embrasse. Elle crie, tremblant de tous ses membres. Je n’y prête pas attention, et commence à faire les cent pas dans la chambre. J’avais vu ça dans un film, j’avais bien aimé.
C’est normalement à ce moment là que le scénariste met son dialogue bidon. Ça ne loupe jamais, ce genre de trucs. On met un dialogue bidon qui fout tout le reste en l’air, et tout le texte ne s’en remet pas. D’ailleurs, je me mis à lui parler :
« Eh bien, résumons ma grande. Ton lit est tâché de sang. La bite de ton macchabée de copain est coincée dans ton vagin, et en face de toi tu as moi. Non, tu n’avais pas besoin de t’entourer dans la couverture pour que je puisse te dire que tu es dans de beaux draps ». Putain. Cette réplique, judicieusement replacée dans un film de second rang, me garantirait certainement une palme d’or. La pétasse ne répond pas. Salope. Même pour ça, elle est trop conne. Le Monologue est quand même nettement moins bien récompensé. Pour la peine, je sors un petit sécateur et lui coupe une partie du lobe gauche. Elle crie. Moi aussi. Cette pute m’a fait peur et je ne supporte pas la vue du sang. Je me demande d’ailleurs s’il ne serait pas judicieux de tourner de l’œil, mais elle le fait à ma place. Tant mieux.
Ce n’est pas tout, la violence gratuite c’est bien. Mais j’étais venu ici pour foutre le feu quand même. Je vais d’abord dans la cuisine. J’arrose la gazinière d’essence et allume le gaz. Le feu se propage vite jusqu’aux armoires. Je laisse de côté le frigo, le temps de regarder s’il n’y a pas du chocolat dedans, parce que j’aime le chocolat. Y’en a pas, j’arrose donc le frigo. Je reviens dans la chambre. La pétasse s’est réveillée, et essaye vainement de se décoincer. Je lui balance mon poing dans la gueule, comme ça pour le plaisir et parce que c’est une honte, un frigo sans chocolat. Elle détourne la tête et tente vainement de me faire du pied. J’ai une subite envie de lui pisser dans la bouche, mais en fait j’ai pas de temps à perdre. Le feu se propage déjà jusqu’au pied du lit. Alors je me contente de l’arroser d’essence et de me barrer par la fenêtre.
Il est trois heures du matin, et je regarde les pompiers arriver. J’ai faim. L’année prochaine, j’espère que mon con aura au moins du chocolat dans son frigo.