Les aventures de Thrash Boy - 3e volet

Le 25/05/2009
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par Mill
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Thèmes / Débile / Disjoncte
Mill a flairé l'engouement du lectorat pour le second épisode de Trash Boy (à juste titre), alors comme tous les bons commerçants, il en remet une couche pour fidéliser le client. La recette est simple : un super-zombie écharpe un commando de marines. De la série Z ornée de tripes répandues et rehaussée d'action comics-style. Sauf que là, non seulement ça avance pas d'un poil depuis l'épisode précédent, mais en plus Mill s'amuse à nous décrire le background de chaque soldat, dont on se fout éperdument, puisqu'ils ne sont là que pour servir de victimes. 'Epic fail', comme disait ma grand-mère.
Le soldat Gabriel Mood fut le premier à expirer alors qu’il tentait de se relever. Le sergent Parker l’avait naturellement désigné comme le volontaire idéal pour approcher Thrash Boy à la tête du commando, en vertu des critères de sang-froid et de vivacité d’esprit qu’impliquait la manœuvre.
En bon petit Texan, Mood avait appris à manier un fusil une bonne quinzaine d’années avant son enrôlement dans les marines et s’était retrouvé partie prenante dans maintes chasses-aux-nègres et ratonnades avant sa majorité légale - abaissée à 16 ans dans l’Etat du Texas avec les décrets de 2019. Son expérience du terrain s’était épanouie lors du conflit opposant les Etats-Unis à la Chine, au cours duquel il avait redoublé d’astuce et de discrétion pour surprendre les troupes NEOCOM dans les méandres de la jungle amazonienne. Son absence de culture politique et son incapacité patente à percevoir les enjeux sous-jacents au conflit ne l’avaient guère gêné dans ses missions, toujours menées à bien avec grand succès, mais il n’avait jamais compris pourquoi cette « putain d’guerre » s’était déroulée au Brésil.
    « Libérer le Brésil, oui. Du communisme, d’accord. Mais que viennent foutre ces putains de Niakoués là-dedans ? »
    Il avait lâché cette énormité deux ou trois jours plus tôt, lors d’une conversation éthylique, imprégnée de nostalgie, avec ses compagnons d’armes. Les autres avaient rebondi sur ce fin mot d’esprit et Mood avait fini par conclure :
    « On saura jamais. »
    Rires avinés.
    N’empêche que personne ne prendrait plus jamais la peine de lui expliquer : on ne parle pas à un cadavre.
    Mood n’eut jamais le temps de se redresser. Thrash Boy fut sur lui avant qu’un souffle n’eût franchi ses lèvres, quelques dixièmes de seconde seulement après les cinq détonations.
    Mood ne sentit pas les longs doigts de Thrash Boy pénétrer ses orbites, crevant ses yeux bleu-gris, et s’insinuer d’un geste sec jusqu’aux méandres de sa cervelle. A deux pas de lui, Brett Murphy semblait carrément choqué, paralysé par l’incompréhension. A ses yeux hallucinés, Thrash Boy venait d’apparaître comme par magie juste au-dessus de Gabe Mood - qu’il surnommait parfois Moody Mood Pecker à cause de son rire de cartoon - sa main osseuse comme branchée dans le système oculaire de ce dernier. Lorsque ses réflexes de marine surentraîné l’emportèrent enfin sur le blocage intempestif de ses fonctions motrices, Thrash Boy lui avait déjà flanqué dans la mâchoire un coup de sa Ranger gauche, le propulsant avec pertes et fracas sur un autre soldat, quelques mètres plus loin. Gabe Mood gisait dans une mare de sang, deux pas en arrière.
    « Reculez, bordel ! Reculez-tous et dégomez-le ! »
    Les snipers situés à l’étage n’avaient pas attendu les vociférations de Parker, qui n’en continua pas moins de hurler des ordres de plus en plus dérisoires. La plupart des projectiles achevèrent leur course sur la dépouille pare-balles qu’arborait sauvagement le mutant, mais trois ou quatre d’entre elles s’enfoncèrent tendrement dans l’un ou l’autre de ses bras.
    « Okay, suffit d’être patient. Il va s’endormir. Là, tout de suite. Il va s’endormir. Faut juste qu’on tienne jusque là. »
    Telles étaient les pensées du lieutenant, qui venait toutefois d’empoigner un pistolet-mitrailleur à visée infrarouge. Son front dégoulinait de sueur et ses jumelles tremblaient. Si ce monstre venait à bout de l’escouade, Gomez-Stern n’hésiterait pas à tirer à balles réelles.
    « Il va s’endormir, piquer du nez, s’assoupir et pioncer. »
    Des réflexions pleines d’un vain espoir que partageaient toutes les personnes présentes, hormis sans doute le principal intéressé, qui s’était contenté de balayer d’un revers de main les rares fléchettes implantées dans ses avant-bras. Puis il avait léché le sang sur ses doigts. Le sang de Gabriel Mood.
    Tandis qu’on continuait de canarder Thrash Boy, enfin immobile, les soldats Ralph Li-King, Bob Kay et Steve Petitbois reculèrent sur plusieurs mètres. Kay s’inclina auprès de Murphy, encore sonné, et aida le marine à se remettre sur pied. Cette pause lui fut fatale.
    Kay, à la différence de Mood, s’était engagé à contrecœur. Issu de la bourgeoisie new yorkaise, il était parvenu à s’affranchir de l’étau familial à travers de longues études de droit et de sciences politiques. Tous deux fonctionnaires, ses parents - qu’ils n’avaient d’ailleurs jamais appelés autrement que par leur numéro de matricule - le destinaient à une carrière de diplomate. Mais son esprit frondeur, aventureux, pour ne pas dire écorché, l’avait tout naturellement poussé à intégrer les services d’intelligence de l’armée. A la différence de ses compagnons, Bob Kay comprenait et employait volontiers des mots à quatre syllabes, lisait régulièrement des traités de géopolitique et préférait la compagnie d’un Steinbeck ou d’un Faulkner au bon vieux Play Boy de derrière les fagots. Il avait voulu fuir le plastique froid et le terne métal de cette New York dont avait accouché la révolution urbaniste des années 30, recherchant dans l’action et la bourlingue un palliatif à la fureur qu’il semblait couver en permanence.
    Après s’être fait remarqué par les plus hautes autorités de Langley en Europe balkanique, et notamment dans l’enfer de l’ex-Union soviétique, Bob Kay avait pris part à chacun des conflits des vingt dernières années. D’innombrables décorations avaient maintes fois orné son uniforme de simple soldat. Le sergent Parker lui-même lui vouait ce respect craintif que les vétérans réservent aux héros de guerre lorsqu’il leur manque une case. Seule son indiscipline, toujours justifiée par une victoire au combat, lui avait valu de ne pas passer officier. Bob Kay avait survécu au Tibet et à l’Amérique latine. La plupart de ses membres comportait des prothèses cybernétiques et son intelligence , si rare chez les trouffions, n’avait rien à envier à celle du lieutenant. Thrash Boy, pourtant, n’en fit qu’une bouchée. Kay n’eut même pas le temps de le voir arriver. En réalité, sa rétine n’imprima pas le mouvement du monstre, qui, d’une rapidité vertigineuse, s’était déjà jeté, les incisives en avant, sur le visage du soldat. Un œil averti, c’est-à-dire robotique ou surhumain, aurait constaté chez le sinistre prédateur une sorte d’élasticité soudaine au niveau des mandibules.
    Derrière ses jumelles, Gomez-Stern se sentait vaciller :
    « Apple and Gates ! On dirait qu’il lui dévore la moitié du visage ! »
    Les dents effilées de Thrash Boy s’étaient en effet accrochées à Bob Kay comme l’eut fait un piège à loup dans lequel le soldat se serait vautré la gueule en avant : du creux flasque sous son menton à la jointure de son nez, juste entre ses yeux fous.
    « Tirez, mais tirez donc ! hurlait le sergent Parker. »
    Les seringues n’y changeaient rien. Thrash Boy les ôtait de sa peau trop vite pour qu’elles ne pussent se vider de leur fluide. Il arracha le nez, la bouche, les joues, la langue de Bob Kay et, sans en recracher une miette, repoussa son cadavre du bout des orteils.
    Puis ce fut le tour de Brett Murphy, 21 ans, engagé volontaire. Un idiot congénital sur lequel la propagande d’Etat avait fait des ravages. Sans doute les exactions commises au nom de l’Oncle Sam justifiaient-elles sa mort subite, sans doute les nombreux viols qu’il avait perpétrés au Brésil méritaient-ils qu’on le fît souffrir un peu plus que ses camarades, mais chacun de ceux-ci détourna le regard lorsque Thrash Boy, allez savoir comment, le découpa littéralement en deux. Le corps s’affaissa sur lui-même, chaque moitié glissant à son rythme. Les entrailles ainsi libérées se répandirent d’un seul coup sur le sol en une magnifique gerbe de sang. Thrash Boy piétinait désormais des poumons, des intestins, de la merde.
    Les trois marines restants se regardèrent un très bref instant avant de ravaler leur salive et de prendre leurs jambes à leur cou. Une réaction logique et jusqu’ici inédite, mais l’exemple de Tox aurait dû leur mettre la puce à l’oreille.
    Ralph Li-King, dernier rejeton d’une famille d’immigrants chinois du XIXe, fut rattrapé le premier. Thrash Boy lui arracha la tête et la fit tournoyer comme des bolas de gaucho en le tenant par la sangle du casque. Le lieutenant Gomez-Stern, qui venait de mouiller son treillis, se souvint de l’arrivée dans l’escouade de l’Américain à la peau jaune et aux yeux bridés. Il avait toujours su que Li-King avait une revanche à prendre sur les fachos du genre de Mood ou Murphy. Il avait confié un jour au lieutenant qu’il s’était enrôlé pour affirmer son patriotisme à une époque où la guerre avec la Chine avait achevé d'accroître les tensions entre la communauté sino-américaine et le reste de la population.
    « Et il fallait que tu viennes canner dans une banlieue européenne en essayant de capturer cette putain d'arme X… »
    Le lieutenant ne savait plus où donner de la tête. Ces hommes tombaient l’un après l’autre, trop vite pour qu’il pût élaborer la moindre parade. Les snipers postés aux fenêtres continuaient de canarder et le sergent Parker de vomir des ordres inutiles dans la radio. Simplement, il n’y avait rien d’autre à faire qu’attendre que la créature s’endorme enfin. Voyant Steve Petitbois succomber à son tour, le lieutenant resserra son étreinte sur son pistolet-mitrailleur, en ôta les charges soporifiques, qu’il troqua pour un chargeur à balles réelles.
    « Mon Lieutenant, ici Parker.
    - J’écoute, sergent.
    - Petitbois est mort, mon Lieutenant.
    - Je sais, j’ai vu. Je vous rappelle que je vois tout d’ici. »
    Silence. Sous les yeux de Gomez-Stern, D.S. Washington se fit écrabouiller à son tour. Nouvelle intervention du sergent :
    « Je suis désolé, mon Lieutenant.
    - Merci, sergent Parker. On verra ça plus tard. Commencez par sauver votre peau. »