Fête du slip

Le 25/09/2009
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par F.
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Thèmes / Obscur / Autres
Je suis pas sur de tout bien capter. Est-ce que ce texte, avec ses danseurs qui pataugent et baisent dans le pus et la merde, relève du fantasme, de la fable, de l'absurde le plus complet ? Je suis pas bien sûr. Peut-être qu'on s'en fout, peut-être que la vision est amusante. Peut-être que c'est l'équivalent du sarariman excédé qui descend ses collègues et son boss au shotgun. En attendant il manque un truc. Et puis c'est trop poli, tout ça, trop nuancé. On ressent autant de dégoût et de rage rentrée que dans un tutorial de tricot en apnée (je cède cette métaphore au plus offrant).
Et dire que j'ai encore banqué vingt euros pour ça...
Regardez la lumière blafarde que nous envoient ces flashes stroboscopiques, la marée des danseurs en fausse transe. Respirez l’odeur âcre et étouffante des suées qu’ils exaltent, alors même qu’ils tentent de les camoufler, ainsi que le reste de leur être, sous des flots de déodorant, parfum, crèmes et tout ce qui s’en suit.
Ils se pavanent tous en même temps dans ce rituel nocturne, tous conscients de la force des instincts qui les ont menés ici, sachant très bien dans quel but ; mais il leur faut se préserver de la réalité de leurs viscères, glandes, os, rots, pets, furoncles, sang, de leur véritable anatomie, pour se sentir vrais.
Alors qu’ils se frottent plus ou moins volontairement, s’astiquent mutuellement sur les basses qui stimulent leur flux sanguin, laissant les drogues et alcools agir plus vite, je m’imagine soudain qu’il y a, cachée dans le plafond qui les dissimule aux yeux du monde d’où ils viennent, une énorme piscine grotesque remplie à ras bord de morve aux divers coloris, de sang de toutes origines, de défections pourrissantes, de sperme rance, des masses visqueuses des menstruations, de pus. La piscine n’attend que mon signal pour déverser son contenu, d’un seul flot, dense, sur ces porcs.

Le plafond s'ouvre, sans crier gare. Etonnamment, rien ne change, cela semble suivre une logique attendue, comme une soirée mousse, ou quelque chose du genre. Ils ne comprennent probablement même pas ce dans quoi ils se remuent maintenant.
A aucun moment je n'ai lu l'horreur ou la stupéfaction sur leurs visages et pourtant l'odeur est devenue insupportable. Les flashes répétés leur ont permis de comprendre, ils voient les couleurs, sentent la consistance, le goût même, parfois. Pourtant, aucun rejet.
Les vêtements tombent, ne servant plus qu'à donner une consistance à la masse liquide des sécrétions dans laquelle leurs pieds baignent.
Les corps sont nus, lavés de tout artifice, mais lissés et épurés par l'immonde mélange visqueux.
Les langues lèchent, les sexes se dressent, se mouillent. Ils se frottent, portés par leur transe devenue sincère. Ils se serrent les uns aux autres, fuient l’air désormais trop frais en comparaison d’une telle chaleur humaine. Chacun devient partenaire de tous.
Ce qu'on appelle perversion et qu'on enrobe de syllabes trop nombreuses, comme uro ou scatophile, devient norme, base, fondement. (La perversion sans nom suit bientôt.)
Les orgasmes sont multiples, intenses, ne sont plus limités par le temps ou la décence, l'urine coule à flot, noie le sperme, des gaz sont respirés à pleins poumons, narines distendues.
Les basses donnent leur cohérence à l'ensemble, font vibrer chaque cellule des corps. Le plaisir semble ne plus devoir finir, on se plait à vouloir mourir noyé dans le flot incontrôlé de la pulsion commune. Ils jouissent.

Je rallume la lumière, aussitôt la musique se tait. Le froid porté par un courant d'air improbable les ramène à eux et tout semble sécher d'un coup.

Putain, c’est le malaise là quand même.

La honte, l'absurdité. Cela les protégera, personne n'en parlera jamais.