Tribulations d'un vieux con (1)

Le 30/12/2009
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par Ezna
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Thèmes / Obscur / Autres
Encore une histoire de misanthrope à la petite semaine, et aux actes petits bras. Avec en bonus un champ lexical aléatoire, une narration lourde et qui tortille du cul. L'intrigue, sans être fantastique, a un certain potentiel qui aurait pu rendre la chose passable; là c'est juste chiant, presque autant que de regarder un caillou s'éroder.
Yves a vécu approximativement 60 ans aujourd'hui.
Un nouveau trophée qui orne son amour-propre aux côtés des printemps archivés depuis son doctorat Lettres Classiques. Des années d'existence à bouffer des références, se gaver de savoir, enseigner le grec et chier thèses, études...
Yves sait et son savoir prédomine.
Yves n'est jamais objectif, il n'en a pas besoin puisque de toutes manières, l'objectivité c'est un outil inventé pour les cons. Quand on sait, on n'a pas besoin d'être objectif, au lieu d'être objectifs ces connards feraient bien mieux d'écouter ceux qui savent, il y gagneraient du temps et lui n'en perdrait pas non plus à leur démontrer qu'ils sont des attardés finis.
Yves est un sage, mais Yves est également cynique voire fondamentalement mauvais. Il cultive ce côté vieux con qui s'étoffe et fleurit au rythme de sa barbe d'éditorial grisonnante délibérément crasseuse.
Mais il assume, et surtout il s'en tamponne. Personne n'emmerde ni n'atteint jamais Yves.
Il est l'un des sexagénaires légendaires, templier détenteur et gardien du glorieux calice de la répartie, laquelle fut vaillamment, patiemment et parfois douloureusement acquise à force de lectures, de répliques d'Audiard fidèlement mémorisées jamais pour autant plagiées, de soirées paillardes au bon vieux pub de cambrousse du coin, de curiosité... et puis de tout ce qui fait qu'on a, en somme, vraiment vécu. Et d'humiliations. Ca et là quelques épisodes tragiques qui, ma foi, intelligemment remaniés, feraient bien marrer la compagnie sans trop inspirer la pitié.
La foutaise, c'est son truc.

Mais pas que.
Yves hait. Yves n'aime pas les gens.
Mais Yves aime traquer le petit con, poutrer le jeune branleur éberlué, humilier l'analphabète et surtout psalmodier les apocalyptiques versets de la Connerie et de son torrent d'inepties qui noie les dernières générations d'âmes naïve dans l'ignorance et répand son engeance; toute une flopée de ces petits enculés écervelés qu'il décapite à la pelle mais qui finissent toujours par le submerger, jusqu'à ce qu'il s'éveille, fiévreux.

Ceci étant, Yves ne s'aime pas non plus lui même. Du moins il essaie de s'en convaincre; c'est mieux perçu - un zeste de finesse sur son cocktail hargneux - et puis comme ça, on ne peut rien lui reprocher qu'il ne se reproche pas déjà à lui même. Et ça le fait.
Parce qu'en expert, il sait pertinemment que l'auto-flagellation sarcastique constitue son ultime recours lorsqu'un enfoiré s'immisce sournoisement au travers d'une faille de sa brillante et inépuisable défense verbale pour entailler sa fragile fierté.

60 ans de travail acharné pour enfin prétendre au titre d'intellectuel/oncle rigolo/connard accompli.

***

Son gros cul profondément enfoncé dans son fauteuil, Yves libère un pet vrombissant et forces d'ondes infrasonores amplifiées par le cuir assoupli de son fidèle moule-fion comme il aime à le qualifier.
Il en hume l'effluve, familière fragrance d'existence, "moi" rectolfactif teinté d'un peu de ses précieux cigares cubains - ô plaisir charismatique - qu'il aimait à fumer dans l'amphithéâtre sous l'œil admirativement outré de tous ces bons à rien d'étudiants.
"C'est l'heure."
Yves empoigne fermement sa panse, soulève lourdement sa masse graisseuse et atteint finalement la posture bipède.
"J'aurais finalement laissé une trace ici bas" songe-t-il en admirant la finesse du trait sur le bas relief que son cul aura finalement définitivement inculqué au cuir.
Il entreprend donc de se trainer jusqu'au commodités avec la ferme intention de couper court à son interminable gestation d'un pesant individu recto-sigmoidien.

***

"Joyeux anniversaire" hurle-t-il depuis son trône de céramique à l'instant libérateur.
Et la sonnerie retentit.
"Ah les fils de pute.."
On avait probablement délibérément tenté de lui pourrir l'un de ces moments privilégiés qui rendaient définitivement la vie digne d'être vécue.
Mû par une rage intense voilà qu'il se rue sur la porte de son cagibi avec la ferme intention de détruire toute volonté de vivre chez le débile profond qui n'avait rien trouvé de mieux pour égayer sa piètre existence que d'aller ronger les précieux instants de la sienne.

***

- Des bonbons ou des bobos !
Putain d'halloween.
Un gros gamin joufflu, 6-7 ans tout au plus, travesti en loque, le fixait d'un air de demeuré, un sac plastique à la main plein à craquer de tout un tas sucreries gélatineuses.
- Les celtes s'adonnaient peinards à leurs beuveries paillardes depuis plusieurs siècles déjà mais ces connards d'américains envoient l'un de leurs zombies juvéniles et corrompus m'emmerder le jour de ma 60ème célébration annuelle d'existence. Hein morveux ?
Le morveux, il à l'air hagard et arbore un faciès désespérément vide d'expression. Et puis son strabisme lui donne la nausée.
- Mais tes bonbons à la con c'est de la merde bordel ! Tu sais pas ça pauvre dégénéré ? J'imagine que ton abrutie de matriarche - probablement encore une de ses grognasses peroxydées dont le degré d'évolution n'excède guère le stade minéral - s'inquiète plus des résultats du PMU que de ta morphologie porcine.
Le vieux jean mal boutonné de Yves s'effondre alors dramatiquement. Yves balance violemment son torche-cul crasseux dans les profondeurs de son taudis, quelque part entre deux collines de bouquins poussiéreux.
Chemise à carreau ouverte, débraillé, l'abdomen recouvrant lamentablement son caleçon roussi, Yves contemple le gros gosse, affligé par son propre sort.
- Pourquoi t'es tout nu monsieur ? finit par articuler l'autre.
- Pour mieux culbuter ta mère. Dégage maintenant gros lard.
- ...
- Et puis non, tiens. Viens plutôt là mon cochon, si tu veux de la merde, je vais t'en filer moi.
Il empoigne alors le goret par la peau du cou et l'entraine dans son cloaque.
Voilà que l'animal se met à couiner, les yeux exorbités, et traine des jambons sur le parquet. Un tenace le salaud. Yves le calme d'une bonne trempe dans la gueule suivie d'un coup de poing dans l'abdomen gamin qui se met à onduler comme un flan.

***

Yves maintient fermement la tête du gamin qu'il plonge dans la cuvette des chiottes encore souillée, lui martelant par la même occasion le crâne contre la céramique.
"TU VOIS ? TU VOIS ? EN VOILA DES BONBONS SALE MERDEEEEE !"
Tout en gueulant, Yves constate sur la cuvette - avec une étonnante satisfaction - que quelques rayures de sang plus ou moins parallèles mêlées à sa divine ponctuation fécale évoquent une portée sur une partition immaculée.
"O MUSIQUE CÉLESTE !" braille-t-il comme un dément, en enfournant le crâne ensanglanté du pauvre abruti dans les profondeurs de ses canalisations.