e - milie

Le 11/02/2010
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par Crash
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Thèmes / Obscur / Fantastique
Wééééé un texte de super héros, ça faisait longtemps ! Ah, c'est pas une parodie ? Une gentille amnésique contre des méchants, autant de suspens qu'un sapin de Noël, des mains bioniques kinder surprise et quelques jeux de mots foireux. Super nul.
Dans un futur proche, une jeune fille s'éveille, à moitié nue, entre deux bennes à ordures, au fin fond d'une ruelle dans une banlieue parisienne défavorisée.
Vêtue de haillons et apparemment amnésique, elle ne possède que deux choses. Des facultés physiques hors du commun, et un nom dont elle est persuadée qu'il lui appartient: Emilie.
CHAPITRE I: e -Veil

La première chose que j'ai ressenti, c'est la souffrance. La douleur, vive et lancinante. Brutale. Juste avant, le néant; et tout de suite après, l'horreur, absolue.
Puis plus rien.
Alors, pour fuir le vide qui menaçait de m'engloutir, j'ai ouvert les yeux.

Je n'ai pas tout de suite compris ce que je voyais: deux immenses masses grisées encadraient mon champ de vision et seul un petit rectangle flou et vaguement bleu se détachait au loin. Sans trop savoir comment, je finis par me retrouver debout. Je me tenais donc quelques secondes plus tôt allongée dans une ruelle crasseuse, à même le sol, entre deux poubelles. Super. Non, vraiment. Je me surpris à espérer que je ne partageais pas désormais la même odeur, mais bon, cette idée avait germé en moi comme toutes les autres depuis mon réveil, telle une bulle remontant les brumes de ma mémoire et venant éclater à la surface de ma conscience.
En levant la tête, je réalisais que les deux masses grisâtres étaient en fait les façades des deux bloc d'immeuble encadrant la venelle où je venais de piquer un somme. Quant au rectangle bleu et flou, il s'agissait en réalité d'un petit bout de ciel que l'on apercevait tout la-haut.
J'en étais là de mes réflexions lorsqu'une voix incisive et somme toute peu agréable se fit entendre:

-Ben alors fillette? T'essayes de gober les mouches?

Je me retournai, mollement, pour faire face à un gros bonhomme, un géant en fait, adipeux, l'air sûr de lui; comme s'il était le maître du monde. Dans l'immédiat, se rendre maître de la ruelle en bouchant la seule voie de sortie possible semblait bien lui convenir aussi.

-On peut pt'être lui faire gober aut'chose...

Cette dernière réplique avait été lancée par son acolyte, jusqu'à lors dissimulé derrière les bourrelets de son gros compagnon. Il était black, petit, pas imposant du tout mais il semblait toutefois assez vif.
Le gros avait un bras mécanique, du type de ceux que remboursait la sécu du temps où elle prenait en charge ce type d'intervention. Du temps où elle existait encore.
Le petit avait lui, en revanche, une main bionique, la droite. Tout deux semblaient pourvu de tout un tas d'autre greffes cybernétiques, certaines d'une inquiétante vétusté, d'autre beaucoup trop chères pour que deux petits lascars des bas-fonds comme eux puissent se les payer. Pas légalement en tout cas. Ce qui donnait une assez claire indication quant à leur passe-temps.
Le plus petit me contourna et vint se placer derrière moi.

-Qu'est-ce que tu fais là? T'es pas un peu jeune pour dormir à la belle ordure?
-Pt'être qu'c'est une pute?

Le noir sembla envisager très sincèrement cette hypothèse.

-Alors, me demanda-t-il, c'est ça? Tu dormais dans les poubelles, catin?

Tout en le suivant du regard, je lui répondis:

-Noeun. Je sooOuuUis pas Oune caÂatin...

Ma voix! Quelles sons étranges, je ne l'avait jamais... Entendu comme cela auparavant. Ma gorge me chatouillait, comme une baffle parasitée par des fritures avant un réglage acoustique.
Le black me jeta un regard soupçonneux et continua de me jauger, s'attardant sur mes jambes nues.
Tandis que je m'apprêtais à leur demander où nous nous trouvions, je me senti soulevée du sol: le premier gaillard m'avait saisi de ses grosses paluches et me maintenait serrée contre lui, m'enfonçant mes propres coudes dans les côtes.
Tandis que je me débattais vainement, le black s'approcha de moi, me gratifiant d'un sourire éloquent, quoique plus édenté que carnassier. Mais le regard concupiscent qui s'y ajoutait et dans lequel venait de s'enflammer un brasier de convoitise rendait la suite des événements assez évidente.

-Sûr qu'elle porte pas d'culotte sous ses chiffons, la coquine...

Le gros parti d'un rire gras, en ajoutant:

-Vas-y, files-lui ton os à ronger!

Je tentais toujours de me dégager, mais l'ours en rut qui me tenait était beaucoup trop fort. Et pourtant, je sentais, au fond de moi, que sa force était estimable et, d'une certaine manière, dérisoire, mais sans parvenir à l'expliquer.
Un mouvement plus violent que les précédents n'eut pour conséquence que de faire atterrir mon pied nu dans l'œil du petit, qui jura copieusement avant de me retourner une gifle bien sentie. Encore qu'il lui fallut se dresser sur la pointe des pieds pour pouvoir m'atteindre étant donné que son ami me maintenait à un mètre et demi du sol.
Le temps que je retrouve le haut et le bas, le petit black fit jaillir une lame du creux de sa main bionique: un cran d'arrêt.

-Tu vas t'calmer de suite, pétasse, ou j'te rectifie façon scarface, sale pute!

Tandis qu'il s'approchait, cran d'arrêt en main droite, la gauche s'avançant dangereusement
de ma poitrine, je sentis soudain quelque chose de dur appuyer contre mes fesses. Comprenant de quoi il s'agissait, ce fut comme un déclic, la prise de conscience qu'un point de rupture venait d'être atteint et même de très loin dépassé.
Brusquement, tout ce qui m'environnait alors tourna au ralenti: les gestes de mes assaillants, leurs voix, les nuages dans le ciel, le journal qui s'envolait quelques mètres plus loin... Tout. Et tout devint subitement plus clair. Sans que j'eusse le temps ne serait-ce que de réaliser que j'avais bougé, mon corps s'était mis en mouvement: mon pied droit fendit les airs accrochant au passage le nez du black, suivit dans la foulée par le gauche qui vint percuter l'excroissance cybernétique pour la rabattre sur mon adversaire. Celui-ci tenant toujours sa lame, cette dernière vint s'enfoncer profondément dans sa gorge aussi aisément que s'il s'était agit d'un flan au caramel. La gerbe de sang qui jaillit de sa jugulaire sectionnée explosa en l'air en une multitude d'arabesques harmonieuses, comme si une nuée de colibris venaient soudainement d'imploser en plein vol.
Tandis que le petit nerveux tombait à genoux en tentant d'ôter la lame qui lui traversait le cou, je senti la prise du molosse se relâcher sous l'effet de la surprise; la giclée d'hémoglobine fort seyante qui lui barrait le visage y était sûrement aussi pour beaucoup.
Je décidai de mettre ce laps de temps à profit pour rabattre vivement mes deux jambes, de sorte que mes talons vinrent aplanir la masse flasque de ses testicules, aisément repérable en raison de l'érection que j'avais senti pointer alors que son ami était encore en vie. Une fois ceux-ci implosés et réduit au stade d'omelette, le bouledogue me lâcha très subitement dans un couinement suraiguë auquel je ne me serais pas attendu de la part d'un tel géant.
Je me réceptionnait souplement sur le bitume, accroupie.
Du coin de l'œil je vis ce salopard tomber à genoux à son tour, ses deux grosses mains crispées sur ses coquilles de noix désormais vidée de leur substance. Au moment où il leva vers moi des yeux emplit tout à la fois d'un subtil mélange de haine, de reproches et de souffrance pure, je sus qu'il allait se mettre à hurler dès qu'il serait en mesure de la faire. A peine cette idée m'avait-elle traversé l'esprit que je senti une décharge fuser le long de mon bras gauche, qui s'élança en arrière à pleine puissance, accompagné d'une légère rotation du buste. Mon coude vint cueillir sa pomme d'Adam, qui s'enfonça à l'impact en même temps que sa trachée. Son cri se mua en un murmure qui mourut dans sa gorge pulvérisée. Je suivis du regard ses yeux exorbités jusqu'à ce qu'il s'affale définitivement sur le trottoir.
Je voulu prendre le temps de me calmer mais, étrangement, je réalisai que je n'en ressentais en fait pas le besoin. Je me redressai, dominant froidement la scène du carnage. Je venais de tuer deux hommes. Deux salauds s'apprêtant à violer une fille, mais je l'avait fait de mes mains. Ces deux meurtres me laissaient une impression vaguement familière, presque naturelle; pourtant, j'étais persuadée que jamais je n'avais tuée auparavant. J'en était certaine.
En réalisant que je ne portais qu'une épaisse mais néanmoins courte tunique de toile grossière, dépenaillée de partout et ressemblant vaguement à un sac de pommes de terre, je décidai de me couvrir un peu. Je pris le manteau de petit black qui n'en aurait désormais plus l'usage, le pauvre. Les quelques goutes de sang ne se voyaient pas trop, l'essentiel des fluides qui s'étaient répandus hors de lui avaient fort heureusement fini dans le caniveau. Sa veste m'allait parfaitement, toute en cuir brun, un peu comme ces vieux perfectos, elle était épaisse et tenait chaud. Ça suffirait pour le moment. Après avoir récupéré quelques babioles sur les deux cadavres, j'entrepris de les dissimuler, histoire de me laisser un peu de temps avant que la police ne les trouves. Quant au caméras qui pouvaient éventuellement avoir été placées aux abords de la ruelle, et bien...
Je levai les yeux vers le toit d'un des bâtiment gris, souriant en suivant du regard le tracé d'une épaisse gouttière.
Pour les caméras, il suffirai de passer hors de leur champs de vision.
Sur les toits...