Tourments stercoraires

Le 06/03/2010
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par Chevelu
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Thèmes / Obscur / Psychopathologique
Régulièrement, la Zone sort son complément "Santé et bien-être" : des histoires que nous envoient nos lecteurs, auxquels nos plus grands spécialistes tentent d'apporter des réponses, tant sur le plan pathologique, que psychologique, que DTC,S. Dans le numéro de cette semaine, un lycéen en quête d'identité nous parle de la constipation. Ennui, ennui, ennui.
Au cours de la vie d'un être humain, une forme de routine se forme. Chaque personne a ses petites habitudes et est déboussolée lorsqu'on les lui enlève. Certaines expériences menées avec des animaux de laboratoire élevés dans un environnement précis, on montré que ces mêmes animaux dépérissaient lorsqu'on les changeait de place. Chez les humains, ce changement d'habitude n'engendre pas des conséquences aussi extrêmes mais il peut tout de même faire changer un homme du tout ou tout.
Voici mon histoire,
Étant un être humain et comme précisé précédemment j'avais mes habitudes. L'enchainement de choses mécaniques le plus flagrant chez moi se déroulait le matin. Tous les matins, et je dis bien TOUS les matins, voila comment j'occupais mon temps avant de partir au lycée, au collège ou à l'école vu que cette petite liste d'action habituelles me suivait depuis mon plus jeune age. Il m'est difficile de décrire tout cela exactement tant je faisais les choses de manières automatiques, sans même y penser. On peut dire que j'ai commencé à y penser vraiment, et même obsessionellement, ce jour-là. Le jour ou tout s'est détraqué. Mais tout d'abord, voici le déroulement d'une matinée type pour moi : Je me lève, me lave, mange quatre biscottes, bois un bol de café, me lave les dents, me vide le gros intestin puis pars travailler. C'était exactement cette enchainement précis, dans cette ordre précis, avec très précisément le même timing. Seulement voila, un jour, ça ne s'est pas passé comme prévu. j'étais en première dans un lycée miteux, j'avais des amis, dans l'ensemble je n'avais pas à me plaindre. Ce jour maudit, rien ne présageait ce qui n'allait pas tarder à se passer. C'était en Décembre ou peut-être en Aout je ne sais plus.. En tout cas, cette journée commença on ne peut plus normalement. Je me suis levé, ai ouvert mes volets, puis je suis allé, comme un automate, prendre une douche, puis mon petit-déjeuner et enfin comme un brave singe dressé, je me suis dirigé vers la salle de bain, me suis brossé les dents et sans même y penser ai posé mon arrière train sur le trône des hommes ordinaires. Pourtant, je sentais bien que quelque chose chose n'allait pas. Seul dans ma salle de bain, le regard dans le vide, assis sur la lunette, l'angoisse m'envahit peu à peu, il n'y avait rien à faire: je n'avais aucune envie de poser ma pêche. Ce n'était pas une impossibilité médicale constipative, je n'avais aucune envie de déféquer. Ce n'était pas normal, depuis ma plus tendre enfance je coulais chaque matin, un superbe bronze. Et là, sans aucune raison, je ne le pouvais pas. Mon univers s'effondrait. Je ne savais même pas quoi faire tant j'avais pensé impossible le fait qu'une telle chose puisse arriver. Après avoir passé les dix plus longues minutes de ma vie sur ces toilettes luttant et contractant du plus fort que je pu, je me suis décidé à abandonner. C'était surprenant voir même étrange qu'une telle chose puisse m'arriver.. Perdu dans mes pensées je n'avais pas vu passer l'heure de mon départ au lycée, je manquais à deux de mes habitudes primordiales. Pour une seule journée c'était déjà trop. Sur le chemin vers ce temple de la connaissance qu'on appelle lycée, une nouvelle angoisse m'envahit, si je n'avais pu faire caca le matin j'aurais forcément envie dans la journée, comment faire face à ce nouvel imprévu? Durant toute la journée, la peur d'être pris d'une envie de me vider me hanta et pourtant.. Mon rectum ne me titilla pas de toute la journée. C'était de plus en plus inquiétant.. Que faire? En soit, la chose n'avait rien de très grave, en effet, ne pas aller aux toilettes durant deux jours n'a rien d'exceptionnel chez l'homme. Mais néanmoins, c'était tellement inhabituel pour moi que je ne savais plus ou j'en étais. J'ai pensé à aller voir ma mère qui est toujours de bon conseil pour lui parler mais comment expliquer une chose pareille? J'étais totalement seul et désevré. Après des heures de cogitation je me suis décidé à attendre; les choses ne pouvaient que s'arranger. L'attente ne sera pas éprouvante et puis tout allai vite se terminer. C'était évident, d'ici demain j'aurai posé un énorme paquet fumant...
Cinq jours plus tard, les yeux injectés de sang et munis d'une paire de cernes qui pourraient sans problème faire faire pâlir un mort vivant, j'étais prostré sur le sol. Rien ne s'était arrangé, attendre n'avait rien donné, même mes plus fervents efforts étaient restés vains. J'ai même été contraint à me gaver de laxatif, toujours sans succès. Ce n'était même plus une histoire d'habitudes, plus le temps passait et plus je me rendais compte que je commençais à me heurter aux limites de la normalité pour un homme. Pendant la journée, je tentais de paraitre le plus normal possible. Malheureusement, cela se traduisait le plus souvent par un silence total. Mes amis, ma famille ne comprenaient plus, ils ne pouvaient de toute manière même pas comprendre. Pour eux, si je n'avais pas envie de chier pourquoi s'inquiéter? Pourtant, je sentais bien que quelque chose n'allait pas. Et puis même, en arrivant à la fin de ma première semaine de calvaire, je me suis rendu compte que ne pas aller aux toilettes pendant plus d'une semaines était très inquiétant.. Mais, d'après certains sites internet ou je suis allé pour trouver des réponses, seulement dans la mesure ou des symptômes se faisaient sentir, et en dehors de mon teint blafard du à la torture cérébrale à laquelle je faisais face, j'étais totalement normal. Du moins en apparence.. Mon impression que quelque chose d'étrange était derrière tout ça ne m'avait pas lachée, il fallait au plus vite que je trouve une solution. Réalisant que la capacité d'anonymat d'internet pouvait m'aider, je m'inscris sur plusieurs forums médicaux afin de raconter mon histoire. Mais ou que j'aille, personne ne prenait mon histoire au sérieux.. Je les comprenaient au fond, "Je ne peux plus chier depuis des semaines, je ne sais plus quoi faire. Aidez-moi" fait plus penser à une blague qu'à autre chose.. J'étais donc totalement seul et je voyais les jours et les semaines défiler, me renfermant de plus en plus sur moi-même. Évidemment, mes notes étaient en chute libre. Je ne parlais plus à personne ce qui eu pour effet de me faire perdre tous mes amis. Pour me consoler, je me disais parfois que si ils avaient été de vrais amis, ils auraient essayer de me comprendre.. Mes parents prirent rendez-vous avec un psychologue barbant qui me diagnostiqua un manque affectif. Comme si je ne le savais pas! Ce manque, c'était mon caca quotidien.. Au lieu de ça, mes parents achetèrent un lapin. Je le regardais faire ses petites crottes rondes avec haine, jalousie et nostalgie en même temps. Mon Dieu.. J'en étais arrivé à envier un lapin.. Je devais faire quelque chose de concret, j'ai vite abandonné l'idée du suicide, en effet, j'étais intimement persuadé qu'une solution existait. Je me suis donc décidé à fuguer. Ce n'était pas vraiment une excellente idée mais je savais qu'en ne faisant rien, j'allais devenir fou. Passant par ma fenêtre silencieusement comme un voleur tentant de cambrioler la liberté, je suis sorti dans la nuit noire. Cela faisait déjà presque trois mois que je n'avais plus entendu le doux son du colombin tombant dans la cuvette.