Conte ancien

Le 12/07/2010
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par nihil
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Rubriques / Néo-Inquisition
Ce conte peut se lire comme une histoire des Insomniaques du Ventre, mais il se suffit à lui même comme bizarrerie apocalyptique. Très bon texte, à retenir parce qu'on y retrouve un chouette megamix de motifs littéraires qui s'emboitent comme Papa dans Maman. C'est dans ce genre de forme que l'écriture de nihil est la mieux appropriée. Le texte apparaitra peut-être comme un peu conventionnel, mais le dernier paragraphe est particulièrement kewl et plein d'ampleur, CMB.
Alors que l'Enterode, que d'autres nomment Saint-Arkxi, n'était encore qu'un enfant muet, replié sur lui-même dans sa cellule souterraine, son père, qui était un homme sage, vint s'adresser à lui.
Lui caressant doucement la tête, et un regard aimant dans les yeux, il lui dit ce qui suit :
- Fils, j'ai ensemencé la terre elle-même, la grande terre aveugle et inerte pour qu'elle te porte en son sein. Fils, je t'ai nommé l'arche vivante et je t'ai greffé une âme synthétique. N'est-ce pas là le plus beau cadeau que je pouvais offrir au monde ?
Et l'Enterode se tenait muet et ne le regardait pas. Il suturait d'un geste lent une plaie qu'il avait au ventre, par laquelle son père avait implanté des organes amoureusement manufacturés. Alors son père poursuivit :
- Fils, je t'ai élevé seul et contre l'avis des autres hommes, te soustrayant toujours à leurs regards réprobateurs. Je t'ai caché dans les flancs de la terre, pour que tu n'ais jamais à connaître la terreur du Jour Blanc.
Et l'Enterode se tenait muet et ne le regardait pas. Il nettoyait l'incision fraîchement refermée avec sa salive, diluant minutieusement le liquide qui perlait entre les points de suture. Alors son père poursuivit :
- Fils, les hommes s'entretuent et ils auront besoin de toi pour les protéger. La civilisation telle que nous la connaissons est sur le point de disparaître. Le Jour Blanc est proche. Bientôt plus rien ne vivra à la Surface, et c'est ici, avec toi pour les guider, que les hommes s'épanouiront.
Et l'Enterode se tenait muet et ne le regardait pas. Il avait apposé ses deux mains sur la plaie et se balançait d'avant en arrière. Alors son père poursuivit :
- Fils, je suis en train de mourir. Le cancer s'est emparé de moi depuis tant d'années déjà, au point qu'il a fini par infecter ma personnalité elle-même, et mon âme est devenue tumorale. C'est à toi que l'avenir appartient.
Et l'Enterode leva les yeux et le regarda. Il joignit les mains et sur son ventre, la plaie avait disparu. Il dit :
- JE SUIS.
Alors son père hocha la tête, avec un sourire, puis s'allongea pour mourir.
Et l'Enterode, qui par ce long regard mutuel chargé d'amour avait contracté le mal qui avait tué son père, se mit à se lamenter et ses larmes se changèrent en peau qui recouvrit le sol. Alors l'Enterode, que d'autres nomment Saint-Arkxi, commença à grossir, et bientôt sa cellule fut trop étroite pour lui et il commença à dévorer les flancs de la terre.