Ré-ingurgiter

Le 30/07/2010
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par Zonah
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Thèmes / Obscur / Psychopathologique
On ne sait qui est Zonah et d'où elle sort, mais voici un sympathique premier texte bien frappé, pas du tout de saison mais incontestablement zonard. Sous vos applaudissements.
Le monde est froid, le monde est con.
C'est ce qu'a dit Nico, un jour, en revenant de l'anpe.
On me ressert un café. Brûlant. Mais cette connasse de serveuse se penche à chaque fois, m'offrant la vue de son décolleté. Elle aime ça. Marc adorerait être à ma place. Tiens, je lui raconterais, la prochaine fois
Mon ventre se contracte, j'ai la gerbe. Encore dû trop boire. Je me lève pour aller aux chiottes. J'entre dans une pièce microscopique qui pue la merde et la pisse d'inconnus et retire ma jupe. Elle est mouillée. MERDE! Je me tire rapidement. Je marche vite, ça réchauffe un peu. Putain qu'il fait froid! Je vais à l'appart de Marc, frappe. Il répond pas, la porte est fermée à clef. Fait chier, ma clef doit être au fin fond de mon sac! Chiotte!
Je m'écroule comme une grosse merde contre la porte. Ça pue la pisse et la gerbe.
Il faut que je bouge. Je vais au parc, sous des buissons. Je m' en rappelle, c'est ici que Marc m'a sautée, la première fois. Je pose mon sac dans la neige, je peux plus avancer.
J'ai mal ! J'ai mal ! Je devrais p'têtre aller à l'hosto, c'est ce qu'on fait normalement... Seulement j'ai pas un rond...
Je m'assois le cul dans la neige. J'écarte les jambes, enlève ma culotte. Ça vient, putain! Je touche ma chatte. Rien. Je le sens, pourtant! Mon ventre se serre, respirer. J'ai vu ça dans les films. J'ai l'impression qu'on m'écrase le ventre. Respirer.
J'entends un bruit humide. Je touche. Du liquide, rien que du putain de liquide. J'ai froid... Dans la neige, avec juste mon petit débardeur, ma jupe et mes bottes, je grelotte! Je chiale comme une conne, ça réchauffe un peu. J'écarte encore mes jambes, m'allonge.
J'ai le cul tout trempé. Je sens que ça viens, j'ai mal! Dans ma courte vie, j'ai souffert, entre les bastons, les bads trips, les clients violents, mais là, c'est pire... Ça vient! J'ai mal! Oh, cette douleur! Ça m'arrache un cri de douleur, vite tu.
Mais quelle conne, mais quelle conne! J'aurais dû faire gaffe! Pourquoi Marc était pas chez lui? P'têtre qu'il sait. Si ça se trouve, il voudra plus me voir. Merde... Comment j'vais faire? Rentrer chez mes parents? Ils voudront plus de moi. Ça fait combien de temps que je suis partie? Deux, quatre ans? Quel âge j'ai? Quatorze, vingts?
J'sais pas.
Je suis juste sûre de ma douleur.
Je dois pas faire de bruit, il est huit ou neuf heures, les gens partent au boulot.
Encore un bruit humide et une sensation de déchirement. Je touche, ça vient.
Respirer.
Je pousse à en avoir mal au crâne et le tête qui tourne? Ça vient .
Je soulève ma jupe. MON DIEU! Je vois la tête! Je regarde ailleurs, mais l'image de la tête minuscule et velue reste en moi. Oh j'ai mal, j'ai si mal!
Marc voudra plus de moi.
Je pousse, pousse si fort. Des bruits humides me foutent la trouille. Je regarde ou pas? Je pousse. Je crois qu'il y en a encore en moi.
Je regarde?
Putain, c'est dégueulasse ! Il reste les pieds à sortir. Je rassemble mon courage, tire dessus pour le faire sortir.
Ça cri, je plaque ma main dessus, prends une pierre sur le sol et frappe dessus plusieurs fois, plus de bruit.
Respirer.
Je l'observe vite. Il est couvert de sang [mon sang ?], boursouflé. Je fouille dans mon grand sac, sors des serviettes piquées au café. Je l'essuie. C'est moche. Un nez minuscule, des paupières gonflées, une petite bouche?
Avec la pierre, je coupe le lien qui m'a liée à ce monstre.
Tu me piqueras plus mon sang, parasite!
Je l'observe jusqu'à gerber. Je remets ma culotte après m'être nettoyée avec de la neige fondue et les serviettes. Le cordon a fini par sortir tout seul. Putain que j'ai mal! Je me mets à quatre pattes. Je le mets avec le cordon dans mon sac, enroulé de serviettes. La neige est couverte de sang. Je la remue, me relève en chancelant. Je trouve les clés dans mon sac, je vais à l'appart en frôlant les murs.
J'ouvre, entre, personne.
Cuisine. J'ouvre tous les placards.
Un plat.
Je mets de l'eau dedans, et je l'enlève de la serviette et le mets dans le plat.
J'allume le four thermostat 3.
Une douche.
Je mets une heure, à peu près, à me frotter jusqu'à ce que ma peau s'irrite. Je sors le plat du four, il est un peu cramé. Je prends un couteau, découpe une cuisse. Ça a un goût de brûlé. Il doit retourner dans mon corps. Je cale un peu sur la tête, mais un verre de whisky et le fait de n'avoir rien avalé depuis plusieurs jours m'aident. Je fais la vaisselle, range tout et me couche sur le sol.
A un moment, la porte s'ouvre. Marc entre, je dégueule sur le balcon, il me gifle, nous sert un whisky. Me prend dans ses bras.
-Je t'aime, bébé.
Mon estomac se vide en quelques secondes.