Microcosme

Le 02/10/2010
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par nihil
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Thèmes / Obscur / Litanie
nihil laisse s'échapper un fragment assez digeste de son Ventre, sous la forme d'un petit monologue de prêtre-chirurgien. Stylistiquement, on sait à quoi s'attendre, thématiquement, ça se renouvelle assez peu, mais la peur de l'individualité et l'existence d'une conscience chez ce rouage de la grande machine est plutôt bien transmise. Si on met de coté les citations des prédicateurs, on dirait, par moment, un Edgar Poe cancérologue.
Je suis le Dieu de mon micro-univers. Composé de milliers de cellules organisées interagissant entre elles, je suis moi-même une cellule contribuant au bon fonctionnement de l'ordre global. Sous-système d’un sous-système d’un sous-système. Intégré dans des réseaux structurés en perpétuel mouvement, je suis un ensemble autant qu’une sous-partie. Je dépends du système auquel j’appartiens, il m'entretient tout comme je l'entretiens. On m'a spécialisé dans une tâche que j’accomplis jour après jour, pour la bonne marche de l'ensemble dont je fais partie, lui-même essentiel à la survie de l’ensemble supérieur. Mon rôle est de limiter l’extension permanente du chaos en maintenant la cohésion dans l'espace clos qui m'est assigné. Comme tout rouage d'un vaste engrenage je suis potentiellement remplaçable ou dispensable.
Je ne me demande pas où tout cela va me mener. Je ne me pose pas de questions sur ma destinée. J'ai trouvé ma place. Je chuchote de longues litanies de prières difformes à l'oreille de mes patients léthargiques. Jamais je ne suppose que je peux être amené à sortir un jour de ma bulle et cesser de m'empoisonner avec mon propre air. Je n'ai que faire de l'organisme global qui nous entoure. Mais lorsque les murs se mettent à palpiter et à remuer de vie, je me prends à rire, sans pouvoir me contrôler. Le manque d’oxygène me rend hypersensible. Et lorsque les arches se rétractent, comme mues par un tissu musculaire sous-jacent pour laisser la place à des remous de corps décharnés emmêlés, je sens ma raison vaciller. De ce charnier informe qui remue au-dessus de moi je ne distingue que reptations infâmes, ombres de bras amputés et de membres anormalement conformés qui affleurent à peine des voûtes. Et j'entends une voix venue du fond des âges couvrir les austères délibérations des prédicateurs :
… que notre voix obsessionnelle perce les murs des caveaux et atteigne les emmurés volontaires, par-delà les mille remparts qui les ceignent 60:44 vous, ESCLAVES muets, catatoniques incarcérés, enfants et serviteurs de DIEU, entendez notre supplique 57:74 levez-vous aujourd’hui et contemplez le soleil noir qui s’élève entre les plaines vides d’un ciel éteint 00:19 car votre FIN est proche, et la FIN de votre ère 69:68 et plus rien ne saurait l’empêcher 31:12
Alors je laboure sans retenue les murs de mes lames, brisant la faïence et suturant les fissures, et les dormeurs se tordent sur leur couche, leurs bras maigres tentant d'échapper au carcan des sangles. Eux aussi se sont mis à rêver, je leur ai transmis ma maladie. Ils sont comme moi.
Nous tous, morts et vivants à l'unisson, tendus vers le haut, à boire les paroles pathogènes.

... ceci est un appel à l’immobilisme, à l’isolement, à l’enfermement 87:41 l’altération d’un SYSTEME n'est rendue possible que par l’arrêt en chaîne d’une multitude de ses éléments constitutifs 09:65 le chaos et l’ordre, le chaos et l’ordre, le chaos et l’ordre 55:56 l’effondrement global n’est possible que si les sous-parties interconnectées, nécessaires au bon fonctionnement de l’ensemble, se mettent hors-service simultanément 64:23 entends-nous et désespère 64:05 c’est à ce prix que l’équilibre BASCULERA et que le système se mettra à genoux 54:00