Les carnets de Monsieur Maurice

Le 17/12/2010
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par Jean-Claude Porcin
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Thèmes / Débile / Sarcastique
Du cul, du prof de fac aigri, une ZX, et une presque crémation finale, brulant un peu au passage les poètes maudits et autres branleurs à mèches tenants de la subversion en boîte, voilà qui s'avère être un programme plutôt intéressant pour ce nouvel auteur. Tu vois, ça coûte pas plus cher de lire la ligne éditoriale du site.
L’automne est toujours difficile sur le campus, la foule tire la tronche, l’état de grâce de la rentrée s’est achevé depuis bien longtemps, les bâtiments insalubres prennent déjà la flotte de tous les côtés, les débardeurs disparaissent au profit de la tente Quechua et, même si les conditions climatiques offrent d’intéressantes opportunités de réguler la population de cyclistes à coups de portière de ZX, il faut bien le reconnaitre, on s’emmerde ferme.     
    C’est là aussi que je ressens le coup de vieux, que je prends en pleine courge le poids des années, le contrecoup des excès et la lassitude du quotidien. Les articulations grincent, l’esprit divague mollement et mon organisme sécrète chaque nuit des substances un peu plus dégueulasses. La vieillesse, cette longue et inexorable gueule de bois, me donne des envies d’obscurité et de silence. Il parait bien loin le temps béni où j’arrivais encore à serrer de la belle conne en déclamant du Verlaine :

Calmes dans le demi-jour
Que les branches hautes font,
Pénétrons bien notre amour
De ce silence profond.


“Ooooh monsieur Maurice, que c’est beau ! C’est de vous ?
- Bien entendu mon petit...
- M. Maurice, vous êtes si sensible, je vous en prie, apprenez-moi à faire l’amour !”
    
Pauvre gamine, qui rêvait d’offrir sa fleur à un prof de philo quadragénaire bien conservé pour finir dans les papattes velues d’un sordide manar alcoolique. Misère...

“M. Maurice c’était merveilleux !
- Ok mais demain je me lève tôt donc si tu pouvais te barrer...”
    
Et je bénis la défaillante éducation nationale de m’avoir fourni, par TER entiers, des cargaisons de rurales incultes, impressionnables, élevées aux “envoie LoveLove au 3622 et reçois un poème pour ton chéri !”, aux “ton père a volé les plus belles étoiles” et autres formules décadentes, expédiées par leurs géniteurs à la ville, tout juste formées à la conquête du marché du travail en général et du monde merveilleux de l’ingénierie en particulier.

“Ma fille tu seras ingénieur !
- Mais papa, j’aime la flûte traversière et les poneys !
- Ingénieur, j’ai dit”
    
    Et même si mes standards baissent avec ma vue, il faut bien reconnaître que je ne suis plus vraiment à la hauteur. Déjà, j’ai la nette impression que le mythe du vieux beau s’estompe progressivement au profit de la “milf”. Finies les tempes grisonnantes et les fossettes, place aux loches pendouillantes et à l’expérience de la vie. Tu as 18 ans, tu es fraiche et ferme ? Pas de bol, tes p’tits copains pensent à ta maman en s’endormant. Et puis, surtout, je subis plus que jamais la concurrence des artistes maudits, ces merdeux effrontés en sweet à capuche avec quatre écharpes et une fleur dans les cheveux. Ils salopent le boulot. Les mômes tombent comme des mouches, leurs âmes de rêveuses, qui se dessèchent en cours de mécanique, s’enflamment au moindre tambour, au premier jongleur poliomyélite... J’ai beau faire courir le bruit que sucer un chauve porte bonheur, je ne tiens pas la comparaison. Et puis, moi, j’ai mon éthique, sorti de ma parade prénuptiale, je sais me tenir, je suis tout en retenue question culture. J’assume pleinement ma passion pour les barbecues et le porno allemand du début des années 90. Pas comme tous ces petits merdeux, electrosnobs marginaux ou roots éclairés. Oh que je te hais, toi, jeune merdeux, roi des trous de balle, entouré de ta petite cour jean-foutresque prête à une pipe contre un peu de culture. Rayonne donc sur moi, chiure d’esthète érudit, et parle-moi encore de l’œuvre du Corbu. Je t’en prie tague quelque chose, fais de mon corps ton chevalet et, je t’en supplie, surtout, apprends moi ce qui est beau. Je suis ta chose, façonne- moi, chante-moi du TTC ! Même si tu n’as pas ouvert un bouquin depuis le bac de français, s’il-te-plaît, disserte encore un tout petit peu sur la littérature sud- américaine, je t’en conjure, susurre tendrement à mon oreille que, là-bas, au moins, la vision artistique n’est pas pervertie par le matérialisme occidental...
    
    Mais qu’on la pende par les pouces, cette aspirante élite, cette vermine confite dans ses nanoscopiques certitudes dont la seule réalisation artistique sera de réussir, un jour, à me faire voter UMP. Je vous chie dessus bande d’incultes, amis de la culture, prétentieux de mes couilles et je vais de ce pas brûler un musée en votre honneur. J’espère qu’il y aura de l’art premier parce que ça prend bien.     
Mais je m’énerve, je m’emporte, mon praticien me le déconseille si je veux revoir un printemps.