Severance

Le 30/05/2011
-
par nihil
-
Thèmes / Obscur / Psychopathologique
On est pas à une inversion près : ici c'est le texte qui illustre l'image, une photo de l'artiste norvégienne Daria Endresen (www.dariaendresen.com). Ca vole pas trop haut et c'est pas bien méchant, ça aurait eu sa place sur la Zone du début des années 2000 (celle d'Arkanya et consorts), mais ça fait perdre quelques minutes de temps précieux : toujours ça de pris.
J’émerge peu à peu d’une boue de confusion, et les images du cauchemar se délitent une à une. Une seconde, j’ai cru qu’elle était là. Mais non. Je suis seule, à nouveau, seule dans mon lit. Entravée dans mes draps noués, je ne peux pas bouger. Des scènes absurdes s’effilochent progressivement, se vident de substance, se perdent aux coins obscurs de mon champ de vision. Eux tous, qui habitent derrière mes yeux, sous ma peau, dans mes veines gonflées, eux tous se taisent et s’éteignent à mesure que je m’éveille.
Je veux bouger les mains, desserrer la prise, mais quelque chose m’en empêche. J’essaye à nouveau, rien n’y fait : c’est comme un filet qui me retient captive. J’ouvre les yeux : des fils noirs courent sur moi, m’étranglant et sciant ma peau à mesure que je tire. Une chape d’angoisse blanche vient s’abattre sur moi, et je suffoque. Qu’est-ce que... Les fines cordes strient mes côtes, mon ventre, entravent mes bras. Je me débats, mais ça me serre, me retient, ça m’empêche de…
Je lève les yeux et elle est là, à nouveau. Face à moi, son regard planté dans mon âme. Moi, mon image, mon reflet. Les fils nous relient l’une à l’autre. Chacun de ses gestes paniqués resserre nos attaches et nous rapprochent. Je ne peux plus respirer, ça s’insinue… en moi… Les cordes nouent mes doigts, m’empêchent de labourer la nasse de mes ongles. M’échapper, fuir, m’affranchir d’elle. Rompre les sutures, les déchirer comme des fibres nerveuses, qu’elles fouettent l’air en sifflant… Ne plus la voir, nous séparer, couper les liens. Et qu’elle disparaisse ! Les fils percent ma peau comme autant d’aiguilles courbes. Je ne peux pas, je ne peux plus, il faut que ça cesse. Elle a mes yeux et ma bouche, ses cheveux ondoient lentement autour d’elle comme les miens. Elle entrera en moi, me contaminera de son âme tumorale et fera de moi son double imaginaire. Elle, la captive de toute éternité, elle qui geint sans cesse dès que je ferme les yeux au monde. Moi moi moi, moi qui hurle, moi qui gémit et pleure sur mon âme perdue. Elle la malade, moi l’agonisante.
Je panique, tout palpite et je serre les dents en feulant d’angoisse.
Que tout s’éteigne, que le monde disparaisse. Je veux fuir, je veux partir, m’échapper. Mais la morsure des cordes qui entrent en moi ne ment pas et ne me laisse pas oublier. Comme une boule brûlante dans mon ventre.

Je ferme les yeux et tout s’arrête enfin. Au delà des frontières noires de mon champ de vision, après l’horizon bouché de cendre, il n’y a plus rien, rien qui vive, rien qui respire ou qui hurle. Personne ne pleure plus. Ni moi, ni personne. Mon âme est vide, inerte. Je suis seule, seule, encore seule.

J’émerge (…) confusion, (…) cauchemar, (…) j’ai cru qu’elle était là (…) non (…) non (…) non (……….)