Jour de fête

Le 15/04/2012
-
par Koax-Koax
-
Thèmes / Saint-Con / 2012
Comme le titre de ce texte le rappelle, la Saint Con est avant tout une fête. Voici donc une plongée dans un monde où l'amusement populaire d'avril est davantage de brûler un con que de lui coller un poisson dans le dos. A saines valeurs, texte sain. Le choix du con est imparable et fédérateur, la lecture facile. On regrettera cependant des enchaînements de scènes abracadabrantesques, la nonchalance agréable du début de texte dérivant peu à peu en flemme assumée.
09 Avril

Nous sommes le neuf Avril Deux-mille douze, et, comme tous les neuf Avril depuis maintenant dix ans, les étals sont pleins; les rues : bondées, suantes, érectiles, fébriles, intenables; les panneaux publicitaires hurlent à la masse que « le con est à la patrie ce que le pain est à votre table, le ferment d’une journée équilibrée et saine ! La Saint-Con, pensez-y, ou nous, nous penserons à vous ! »
C’est un avant jour de Saint-Con comme les autres, après tout. Le gouvernement a bien insisté pour que cette année les choses soient faites en grand. L’eau, le seul ennemi avoué d’une Saint-Con réussie, a été rationnée, et seules les personnes âgées et les enfants en bas âge auront droit demain à une gorgée ou deux de l'hérétique substance. De même qu’il me sera impossible de prendre une douche, d’aller aux toilettes, ou tout simplement d’acheter une bouteille d’Evian au supermarché du coin.

Du coup, j’ai acheté de la litière au cas où j’aurai un besoin pressant, puis de l’anti-moustique; la chaleur des combustions fait toujours revenir ces saloperies dans mon appartement, un peu comme reviennent tout les ans à cette époque les VRP qui me tendent de leurs bras nerveux des cons de moindre qualité, en m’argumentant avec conviction que « cette année le hypster sera LE CON à la mode et il faut surtout pas passer à côté de ça Denis, en plus Denis, si vous me prenez ce con aujourd’hui, et bien Denis laissez moi vous dire que je vous ajoute en plus ce magnifique masque de Konhart, le père fondateur de notre fête ! Et ça c’est parce que vous m’êtes sympathique, Denis, et qu’en insistant bien sur votre prénom peut être que vous succomberez, Denis ! Je suis désespéré et mon patron m’oblige à lui frotter les fesses avec du savon d’Alep et à lui percer les pustules qu’il collectionne depuis l’âge ingrat, je vous en supplie Denis, prenez moi ce con !»

Tout le monde veut son con cette année, un mieux que celui des autres, un qui fera la joie des enfants et la jalousie des voisins, un con du feu de Dieu ; le marketing marche fort, et la génétique aidant, il est même possible de s’octroyer un con qui brulera d’une couleur rose, fluo, verte, en dégageant des senteurs encore inédites ; aussi, l’an dernier le con à la Framboise fut un franc succès.

Tout ce business me dégoûte, je me rappelle du temps où le con n’était pas si fréquent, où il fallait vraiment se lever tôt le matin pour espérer cramer son con le soir ; il y’en a même un qui avait fait très fort en réussissant à cramer cet âne de Chateaubriand ! Et encore un autre, un certain Lucien Bodart, qui avait fait tellement de zèle à cette date qu’on lui attribua une statue au milieu de l’avenue Bosnie-Herzégovine ! Bien d’autres, encore, des tarés, des malades, et qui se sont eux-mêmes fait cramer la tronche ! L’un d’entre eux, avec l’aide de Guy Roux, de Nicolas Hulot, de tout un fatras de personnes annexes, s’était offert une sacrée combustion ; les radoteuses du coin en discutent encore de temps à autre. Même le Pape y est passé !

Autant dire qu’avec tous ces types surentraînés prêts à faire du premier chaland venu un monticule de cendres, le choix d’un con de qualité est devenu un véritable sacerdoce. Pis encore, tout le monde s’y est mit ! Parfois avec plus ou moins de succès, parfois avec plus ou moins de convictions. C’est ainsi que même les plus fervents adeptes de l’inquisiteur originel, tels que moi, se retrouvent parfois dans des situations déplorables.
Il y a deux ans, le chat qui rentre avec la main d’un type à demi-carbonisée dans sa petite mouille de chat-tout-ronron-tout-calin-gnugnugnu oh le mignon chaton tout roux ! C’était déjà moyen, comme plan.

L’année d’après, c’est Mamie qu’on faisait cramer en bas de chez moi. Ah, pauvre Mamie ! Elle qui ne demandait jamais rien à personne, pourquoi avais-je donc volontairement résolu de la laisser en bas, dans la rue, avec toutes ces chaînes en métal inoxydable dans les roues de son fauteuil d’éclopée, en sachant que tout les types du coin allaient lui sauter sur la gueule ? Ah ! Mamie !



10 Avril

Aujourd’hui, c’est la Saint-Con. Et c’est devenu le foutoir dans les rues. Un beau bordel de cris suraigus mélangés à des rires surexcités, mélangés, du reste, à tout les bruits confondus de craquements, de crépitations paresseuses, de nerfs brisés qui claquent aux quatre vent, de morceaux de gens qui choquent contre les stores des avenues, de viscères qui s’envolent à travers les nuages de fumées noires, et demain, le silence. Le silence et les cendres et l’odeur de rouille pisseuse, de cendrier froid, l’odeur de la sueur et celle des autres liquides, parfois moins avouables.
Mais ça, ce sera demain. Aujourd’hui, il me faut trouver un con, un beau, un VRAI con, la perle cachée entre tous ces futurs gigots en sursis. Autant dire qu’un miracle serait le bienvenu.

Alors je me suis roulé dans mon parterre de pétunias, c’est un peu idiot, je n’ai pas de parterre de pétunias. Faudra que je pense a en acheter un, tiens. Puis je suis passé faire un tour dans ma litière, ai chié et pissé et enterré ça en grattant énergiquement les petits cailloux. Du coup j’ai les mains pleines de poudre blanche et de caca, c’est pas très cool alors je fume une clope, dont le goût s’en ressent, puis me dirige nonchalamment dans la rue, en prenant bien soin de fermer ma porte blindée à double tour. Bon.


Une fois arrivé sur l’avenue Pikachu, Je croise un T-Rex qui fait de grands moulinets avec ses petits bras rigolos - que pourrait il bien faire d’autre ? - en clamant d’une voie pleine d’assurance : « les vertus de Louloumalin, le pétrole qui sent presque rien ! ». Je l’évite avec quelques inquiétudes dans les pensées. Qu’est donc devenue ma fête préférée ?

-    HEY LISTEN§ JE SUIS LINK? LE H2ROS DU TEMPS§ SUIS MOI ? ON VA CRAMER DE LA VERSAILLAISE EN CORSET§

L’espèce de petit elfe vert me fait de grands signes et m’invite à le rejoindre dans les abîmes du passé. Un con n’est qu’un con, pensais-je, et tant que l’os termine suie ou charbon, peu m’en chaut. Mais le coup du voyage vers le passé, ce serait du déjà-vu, ça ne va pas du tout.
‘Font chier, tout ces connards de précurseurs.
‘Font chier, tout ces types, là, partout, à gauche, à droite, devant et derrière moi, qui s’attèlent déjà à préparer les bûchers. Les premiers cons de la matinées fument gentiment sur le bitume, d’autres partent comme des fusées jusqu’au ciel encore mal réveillé, d’autres encore brûlent, tout simplement, en faisant des vocalises désespérées. Zut, la Saint-Con est bel et bien commencée, me dis-je.
On peut même croiser quelques célébrités en train de s’agiter, les bras en flammes et les gonades fondues. Tiens, Claude Guéant ! Oh, Gérard Depardieu, Doc Gyneco, et là, le mec de la pub Carglass ! Bon sang, je serai jamais au niveau. Je retourne chez moi, merde. Pour de bon. Je tiendrai pas, ni moi ni mon orgueuil ne supporteront ce jour, je rentre chez moi. Et il s’avère qu’en plus j’ai complètement oublié de coller du jambon à mes fenêtres. Une excuse suffisante pour rentrer, bien à l’abri du vice de cette journée décidemment trop longue, pour ce qu’elle commence à peine.

Coller du jambon à mes fenêtres, voilà une idée formidable. La chaleur montante des rues, la fumée abondante, et ce petit goût d’os brûlé à l’arrivée font de mon jambon un véritable délice gustatif, parfaitement cuit, à l’étouffée, sans aucune mauvaise graisse malvenue pour défier la rigueur d’un palais bien entretenu. C’est un rituel que j’ai mis en place il y a trois ans, quand la fête devint vraiment populaire. Et j’en tire un profit satisfaisant pour recommencer depuis lors tout les ans. Moi aussi, j’avais décidé d’utiliser la Saint-Con à des fins pécunières, il n’y avait plus de raison de s’en acquitter.

Putain, y’a déjà une tonne de moustiques, dans la baraque. je m’empare de ma dizaine d’aérosols et asperge tout ça, tout ce bordel bourdonnant, j’allume le gaz pour leur donner le coup de grâce et puis je m’assoie, je m’entretien de l’état de l’économie de l’Uruguay avec ma lampe à huile, elle me fait « fiiiiiiz », du coup, gonflé, meurtri dans mon âme, je lui balance un coup de pied dans le ventre, elle s’échappe au loin et tout devient noir autour d’elle. Maman. La vapeur des aérosols se durcit dans l’air, se mêlant au gaz que j’éteins derechef, retombant sur le sol et pénétrant la lampe à huile crevée. Je pète.
Yannick Noah prend forme dans tout ce fouillis gazeux. Yannick Noah en porte-jarretelles, Yannick Noah en t-shirt moulant rose, Yannick Noah qui se met à faire des claquettes devant moi, Yannick Noah qui caquette comme une poule-écrevisse, Yannick Noah qui se demande ce que ça peut bien être, une poule-écrevisse, je lui dis que je n’en sais foutre rien et il s’arrête de danser et de caqueter.
Yannick Noah se tient désormais devant moi. Il attend.

- Et qu’est-ce que tu fous là, je peux savoir ?
- J4AI ENTENDUUUU ? J4AI ENTENDUUUU ? J4AI ENTENDUUU LA VOIX DES SAGES§
- Ah oui, oui oui oui. D’accord, mais sinon, qu’est-ce que tu fous là et surtout, comment tu fous là ? Je savais que ma question n’avais pas vraiment de sens, mais il est 16h56 et j’ai encore plein de trucs à faire comme glander sur internet et découvrir la fission nucléaire, si je réussi, j’achète tout de suite un chat. J’aime bien les chats, si j’en ai un un jour, je l’appellerai Batman, ou peut être Docteur Doom, c’est classe, ça en jette, t’es jaloux sale petit ours en peluche tout doux plein de poils dans les oreilles.
- Et bien tu n’es pas sans savoir que je suis Yannick Noah, et que j’apparais dès que quelqu’un utilise avec outrance une dizaine d’aérosols de la marque Ushuaia en les combinant à du gaz de ville et un manque d’inspiration flagrant que tes lecteurs ne manqueront pas de noter. C’est pour ça.

Sa réponse me déplu, et il ne faisait plus de doute qu’il allait y passer, j’aurai au moins de quoi écrire un compte-rendu de Saint-Con en bonne - quoique ça reste démontrable - et due forme.

Il voit le vice naître dans mon regard, et tente une sortie vers la gauche, je l’intercepte, le balance contre l’évier, saute sur ma fenêtre, en biais, et attrape une tranche de jambon fumante pour la lui coller sur la poire. Il crie, chute, se relève, entame une étrange danse puis prend une position saugrenue. Il est maintenant debout, les deux bras vers le ciel. Bon Dieu, c’est le, c’est le, OOOOH NON§ C4EST LE GENKIDAMA§§§ IMPOSSIBLE§ Je file vers le salon, ouvre ma table basse - celle-ci, non sans vulgarité, me fait « faut pas se gêner ducon.» - et prend mon détecteur de puissance. Je l’installe sur mon oreille et visualise Yannick Noah. Bordel, C4EST AU DEL0 DE 9000§§§

D’accord, très bien, tu l’auras voulu connard.

M’emparant d’un rouleau de chatterton, je saute sur le gêneur qui perd toute sa concentration. La boule d’énergie s’échappe par la fenêtre pour aller s’exploser contre la tour Montparnasse. Eric et Ramzy retombent sur le sol en une doucereuse pluie de cendres, ONE SHOT ? TWO KILL§ NOUVEAU SUCC7S D2BLOQU2§ Je coince la tête de Yannick sous mon bras gauche, quant au droit, je m’en sers pour le saucissonner avec le scotch, ce qui n’est pas spécialement évident à faire. J’y parviens tout de même et le voici maintenant incapable de bouger ne serait-ce qu’un bout de dreadlock. Parfait. Je le compacte en sautant dessus à de multiples reprises, puis le met au four, thermostat à 220°, pendant une bonne heure. Au bout de vingt minutes, y'a comme une odeur de souffre, et moi, ça me rend ouf !

On ne louera jamais tant les qualités combustibles de la Dreadlocks. Même à l’oreille, c’est un pur délice ! Crépitement-petite accalmie-recrépitement-gros brasier quand ça touche un nœud, ah ! Oui, décidemment, le dreadeux est une cible exemplaire entre milles.

- Et là, tu la sens l’ambiance de la brousse, connard ? J’espère bien, parce que voici les secousses. Ahah, je t’envoie « destination ailleurs », c’est drôle non ? Ahah !
    
Je secoue le four dans tout les sens, de la fumée couleur arc-en-ciel s’échappe de tout ses orifices, le coquin. Je l’ouvre pour éviter un désastre ; voilà, c’est terminé. Un gigot noirâtre se laisse retomber lourdement sur le carrelage, quelques petites flammes courent encore sur ce qui avait été un dos, une tête, je suis content, cette journée ne fut pas si mauvaise, j’ai peut être encore le temps de trouver d’autres victimes.

Avant de balancer l’ancien champion de Tennis par la fenêtre et de repartir au dehors poussé par une joie sans limites, je pars me soulager dans la litière une dernière fois.