Narvalo #TDM2014

Le 15/06/2014
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par Lapinchien
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Thèmes / Semaines Textes De Merde / Semaine 'textes de merde' 07
Monologue pathétique et tout pourri d'un banquier en face d'un porteur de projet de startup. L'innovation c'est avant tout créer de nouveaux produits financiers. Histoire courte et incompréhensible d'un discours rodé qui tourne en boucle, de réponses muettes à inventer dans sa tête et de points de suspension entre parenthèses.
De Nerval, hein ? (...) Non. Ça va pas être possible. Votre nom de startup est vraiment tout pourri. Trop démesuré. Trop maison mère internationale. Trop. Je vous suggère un machin plus djeunz, auto-dérisoire, calembour à deux balles. Vous voyez ? Dans l'air du temps. (...) Attendez. Attendez. C'est mon truc, ça, les noms de startup. Les "weestities", les "coconutz", les "R2rien", les "restausecours" et les "minutepavillon.com" (...) C'est décidé. Ce sera Narvalo. (...) Ouais, ça claque. C'est gratuit. C'est un échantillon d'idée gratuit. Vous me remercierez plus tard. Déposez vite le nom de domaine ou je vous le prends demain. (...)
Bon. Présentez-nous un peu votre projet. (...) Ah ? Ouais mais non en fait... Un bureau d'étude poétique, ça ne me parle pas vraiment. Vous pouvez préciser ? (...) Des audits sur l'impact poétique de projets sur le quotidien des gens ? Ah, ok. Du marketing, de la publicité donc... (...) Hu hu hu... L'opposé ? Ah ! Des slogans débiles ? Je ne vois pas, désolé... (...) Sublimer les projets de vos clients ? Les convertir en œuvres d'art ? (...) Du spéculatif donc. Ça me plait, le spéculatif, vous avez tout compris, on touche le cœur de l'innovation là. Vous proposez donc à vos clients de monétiser leurs projets en plus des gains traditionnels, rajouter une dimension financière, un apport pécuniaire sur la variation de quottes sur le marché de l'art ? (...) Ah ? Pas du tout ? Tant pis c'était pourtant une excellente idée... Elle aurait plu aux capital risqueurs et aux business angels, d'ailleurs j'en parlerai à des potes de mon cluster... (...) Ah, non ne vous inquiétez pas, ce n'est pas de votre projet dont je vais leur parler. Ce ne serait pas très déontologique. Vous savez les clusters, ce ne sont pas des trusts monopolistiques qui choppent les idées des jeunes talents et contournent les lois de la libre concurrence (...) Non, ne vous inquiétez pas. On est là pour aider les petites pousses prometteuses, les faire bénéficier de nos réseaux d'investisseurs à des fins purement philanthropiques. Continuez, je vous prie. (...) Une analyse artistique des projets ? Une mise en relation avec des artistes pour leur donner une touche unique ? Je ne vois plus trop bien où vous voulez en venir. Quel est votre business model ? (...) Oh vous savez les progrès sociétaux, humains et scientifiques, ça n'était rentable qu'avant l'explosion du bloc communiste. On ne cherche pas à améliorer la vie des gens. On ne regarde plus vers l'espace et les étoiles mais vers leur nombril. Ce sont les lois du marché. Avant ils voulaient des idéologies, aujourd'hui les consommateurs veulent d'autres produits. Oh ! Tout aussi inutiles, je vous l'accorde, des gadgets, des services, de l'Entertainment. Des bidules qui tournent autour de leur nombril et de leurs verbiages stériles, voila...(...) Non, non, non. On s'en fout de l'économie réelle, des emplois, du capital humain. C'est cyclique, ça reviendra peut-être à la mode et dès qu'il y aura de la demande, on avisera. Non, nous notre truc c'est l'économie spéculative, tant qu'elle se porte bien, on peut faire beaucoup plus d'argent, c'est 100 à 1000 fois plus gros. (...) Les gens, c'est un peu has-been. Et puis ça a toujours été sur-quotté comme matière première. (...) Non, au progrès préférez le terme d'innovation. D'ailleurs on entend ça partout, toutes les deux pubs à la TV... (...) Comment ça, tout ce qui est nouveau n'est pas forcément bon pour le devenir de notre société sur le plan éthique, moral, au niveau responsabilité pour les générations futures ? (...) Mais vous rigolez ? Tant que ça fait de l'argent... (...) Nous notre truc c'est d'entrer dans le capital des startups pour faire un max de blé avec l'argent des autres. En tant qu'investisseurs financiers, on ne va pas risquer notre argent quand même... (...) Non, les gens nous le donnent, ce sont des fonds à l'innovation, les gens investissent là-dedans mais des fois ils ne le savent pas. (...) Nous on achète des obligations, pas des actions. (...) Oui. On prête l'argent d'autres gens. Plein de petites sommes, ça fait un tas d'argent qu'on peut investir. On touche des commissions sur les obligations chaque année que la startup fasse des bénéfices ou pas. Et puis surtout on prend le pouvoir. (...) Ah non ! On ne prête pas l'argent des gens sans prendre le pouvoir dans une société. Les porteurs de projet n'y connaissent rien en finance. On ne va pas leur laisser la barre... (...) Voilà. Retravaillez votre business model et revenez nous voir pour les fonds d'amorçage. (...) On parlera de labels à l'innovation, d'accès aux zones franches et de crédits d'impôt ensuite. (...) Bienvenue dans un monde de nihilistes cyniques. A la revoyure ! (...) Agathe, faites entrer le connard suivant, je vous prie.