Détermination/rupture/rhododendron

Le 31/01/2015
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par Seymour Glass
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Thèmes / Débile / Absurde
Seymour Glass, un petit nouveau, se lance dans la politique de type rhododendrons et la romance de type Marguerite avec ce drame en trois actes à l'ambiance gentiment absurde et décalée, qui ne casse pas trois pattes à un canard mais se laisse lire sans difficulté et sans donner envie d'envahir la Mongolie.
Le soleil de mi-septembre était trop écrasant pour une rentrée scolaire. Les gens n’y croyaient plus. Le citoyen lambda oubliait de faire grève, d’acheter ses crayons de couleur ou de se suicider en masse. Au contraire, nos compatriotes se présentaient à leur poste chaussés d’espadrilles multicolores. Les claviers d’ordinateur suintaient le monoï marque repère. La productivité du pays évoquait les statistiques de certaines tribus primitives sub-sahariennes. Un nouveau gouvernement avait été mis en place. Détermination, rupture et rhododendron étaient les maitres mots. Les ministres déchus avaient rejoint le musée de cire le plus proche, au milieu duquel ils fondaient lentement, sous cet implacable été indien.

Jean Philippe Pasquier, secrétaire d’état, se tenait face à l’urinoir. Muet d’embarras. Un type de l’informatique avait fait irruption et s’était posté à côté de lui, éclaboussant déjà le marbre d’un jet mélodieux et puissant. Jean Philippe essaya de se détendre en songeant à l’inondation de Grenoble, en 1219. Mais il ne parvint pas à se laisser aller. Le type de l’informatique se reboutonnait déjà. S’était-il rendu compte que Jean Philippe n’avait rien pissé du tout ? En parlerait-il à quelqu’un avant la fin de la journée ? Avait-il louché sur sa bite malade? Réprimé un fou rire ? Car enfin oui : Jean Philippe était affublé d’un micro-pénis. Au prix d’un effort chevaleresque, et moyennant un taux d’humidité supérieur à 60 %, son fusible pouvait atteindre les dix centimètres au terme de sa plus tonitruante érection. Par conséquent, Jean Philippe était incapable de se soulager en collectivité.

Il évita de croiser son propre regard tandis qu’il se lavait les mains. Frottant avec rigueur entre les doigts, il se fit la promesse de parvenir à s’accepter un jour prochain. Un jeudi soir, par exemple, juste après ses exercices de course à pied. Puis il se sécha et raccourcit son nœud de cravate sans y prêter attention. La réunion commençait dans quelques minutes.

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Le nouveau ministre de la chanson douce et des files d’attente, Marguerite Rannou, monopolisait la parole depuis un quart d’heure. Jean Philippe se dit qu’elle était largement envisageable d’un point de vue logistique, bien qu’elle porta un paréo, ce qui laissait présager de trop grandes oreilles.

- Dans ma circonscription, tonnait-elle, les gens ne sont pas dupes ! Je ne cesse de marteler rhododendrons, mais rien n’y fait : ils continuent à se déplacer en slip, jouent constamment à la pétanque et refusent de lire la presse nationale. Si cette foutue canicule se poursuit, nous aurons bientôt un nouveau problème sur les bras…
- Une dérive inflationniste ? tenta le ministre des plantes aromatiques et des parkings souterrains.
- Bien pire. Ce que je redoute par-dessus tout, c’est l’émergence d’un nouveau tube de l’été.
- Nous aurions alors DEUX tubes de l’été ??
- Par saison ? ajouta le ministre des portes ouvertes.
- Parfaitement. Tout est ma faute.

Marguerite Rannou se gifla trois fois, s’excusa encore, explosa en sanglot, sectionna son index d’un coup de dent et quitta dignement la tribune, sous les acclamations de la majorité en place.

Le porte-parole du gouvernement, Emmanuel Meyer-Philipson, prit d’assaut l’estrade d’un bond élégant, confirmant une nouvelle fois son statut de mâle alpha. « N’a-t-elle pas un joli cul ? » lança-t-il dans le micro en regardant Marguerite reprendre sa place parmi nous. « De grandes oreilles et un cul remarquable, Madame la Ministre. Nous sommes très heureux de vous avoir parmi nous ». Emmanuel Meyer-Philison ménagea un temps mort au cours duquel chacun put nager avec les dauphins et reprendre du cake salé. « Voilà, fit-il. Reprenons si vous le voulez bien, avec les mesures concernant le cheval d’arçon. Il est très important que nous parlions d’une même voix à propos du cheval d’arçon et, plus généralement, des toutes les disciplines que comporte la gymnastique artistique masculine. Jean Philippe ? Où est-il, ce brave garçon ? Jean Philippe… Vous voilà. Rappliquez vite fait et éclairez-nous à ce sujet. N’oubliez pas que vous êtes en CDD. Ah ah. Par ailleurs, je me suis laissé dire par un collaborateur du service informatique que vous possédez un pénis de la taille d’un ongle » Le porte-parole exhiba son plus franc sourire et l’ongle de son pouce à l’assemblée, avant de poursuivre : « Jeanfi, Mesdames et Messieurs ! Secrétaire d’état aux sports impopulaires qui exigent une tenue moulante. Jean Philippe Pasquier et son centimètre de bite. Je vous en prie, jeune homme : c’est à vous… »

Le jeune secrétaire prit position devant le pupitre en se demandant s’il avait rêvé ou si le porte-parole venait d’évoquer sans compromis la situation en cours dans son entrejambe. Troublé, il lui fallut un certain temps pour étaler devant lui la feuille pliée en quatre qui abritait ses notes. « Secoue-toi, pine d’oursin ! » lui lança-t-on.
« De tous les agrès d’appui, chacun s’accorde à dire que le cheval d’arçon est celui que redoutent le plus les gymnastes masculins à travers le monde… » articula JeanPhilippe, pleurant en lui-même.

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« Vous devriez vous raser » suggéra Marguerite Rannou, tandis qu’allongée nue auprès du jeune homme, elle dérangeait son minuscule appendice endormi, d’une pichenette de l’index. Un ventilateur était braqué sur eux, depuis un coin de la chambre à coucher. Ils avaient fait l’amour avec une telle rage qu’il serait délicat de faire jouer la garantie pour la literie et le caméscope Panasonic. « Je me suis rasé ce matin… » murmura Jean François, depuis son nirvana domestique.

- Je parlais de vos poils pubiens.
- Mes … ?
- De cette manière, elle paraitrait plus grande.
- C’est pas idiot.
- Mais à votre place, je n’en ferais rien.
- Non ?
- Non. A votre place, je me féliciterais chaque jour d’être un aussi bon amant. Je n’avais pas joui comme ça depuis ma confirmation.
- Merci Monique. Ca me touche. Vraiment. Comme je suis complexé, je visionne beaucoup de films pornos.
- …
- Regardez par la fenêtre. Vous voyez ?
- Le ciel s’obscurcit.
- Et vous sentez ce courant d’air ?
- Glacial.
- Je vais éteindre le ventilateur et faire bouillir de l’eau.
- Ca y est, les vacances se terminent…
- Tout va redevenir normal, au ministère.
- Rhododendrons, soupira Marguerite.
- …
- Rhododendrons…