lieu commun numéro 0: "ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort"

Le 07/02/2016
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par pascal dandois
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Rubriques / Lieux communs
Après CTRL X, c'est au tour de Pascal Dandois d'être très inspiré par ce qui devait être au départ une rubrique de Mill, des billets d'humeur sur les lieux communs, les expressions toutes faites. On découvre petit à petit que les proverbes et dictons, ne sont pas remplis de bon sens, que ceux qui les connaissent par cœur comme Amélie Poulain ne sont pas des gens bien mais des missionnaires inquisiteurs à œillères de la connerie collective, cette entité tellement plus grande que l'intelligence collective qu'elle supère et écrase au point d'en faire un mythe auquel on essaie de se raccrocher pour se dire que l'Humanité a un sens, une logique d'expansion bienveillante, alors qu'in fine la connerie collective omniprésente au quotidien nous démontre à chaque instant que rien n'a de logique, que la raison est une construction de l'esprit qui n'existe pas dans la nature, que la quête de sens est vouée d'avance à l'échec, que l'absurdité régule non seulement le devenir de l'Homme mais bien plus basiquement l'évolution de l'univers à tel point que si Dieu existe c'est probablement un débile profond d'une connerie insondable. Pascal Dandois grille ici la politesse à l'instigateur de ce qui devient un dossier, par le plus grand des hasards, il choisit le même lieu commun que Mill allait traiter dans son N°2 à paraitre prochainement. Le résultat est sublime et c'est le texte de Pascal Dandois le plus limpide le moins esthétisant que j'aie pu lire. On se prend une grande claque dans la tronche et ça donne envie de foutre tous nos antidépresseurs à la poubelle, d'aller cramer une pharmacie et pendre un psy sur la place centrale. Ce texte devrait être d'utilité publique, affiché en 4 par 3 dans le métro et les abris bus, sponsorisé par une grande campagne du ministère de la santé. Rien ne sert de fuir la vie, de tenter d'échapper au règles du jeu aussi crétines soient-elles.
CE QUI NE VOUS TU PAS…

A un moment, y’en a marre de cette merde, cette imagination pléthorique se faisant irrépressiblement cauchemar d’angoisse. Dans un moment de lucidité folle vous vous foutez par la fenêtre pour y mettre une fin finale, à ce calvaire psychique. Vous hésitez quand même un peu, vous grimpez sur le rebord de la fenêtre, vous redescendez, vous y remontez…oh, et puis merde, faut que ça cesse. Comment se défenestrer correctement ? La tête en avant, c’est plus sûr le plongeon ? Ou, se laisser choir de tout son corps, bras en croix. Finalement, vous faites une grosse erreur, ou l’inverse, c’est selon, avec ce pas dans le vide, comme si vous descendiez une marche de cinq étages…VOOOOOFFFF !
Vous vous réveillez en bas, par terre, entouré de pompiers, et vous dites, pour faire votre intéressant, votre comique « auto-cynique », vous dites « même pas mort ! », mais ça fait mal quand même, un drôle de mal, il est des douleurs inexprimables. Celle d’une claque dans la gueule, celle là, vous la reconnaissez quand la pompière vous met cette tarte, pour ne pas que vous sombriez dans un sommeil fatal, c’est con, mais cette claque dans la gueule, elle vous fait marrer, vous vous mettez à vous bidonner alors que des os cassés vous ressortent de vos jambes, qu’on vous empêche de regarder, parce que : pas le droit de bouger ! Faut pas que ça empire, si jamais c’est possible… Et puis voila que c’est dur, de respirer… et pourtant parfois, vous crevez pas.

Et puis on vous bricole la bidoche, on vous « wolverine » un peu avec du matériel, vous manquerez peut-être encore de crever par-ci par- là, par exemple on vous drainera vos poumons s’étant remplis de morve, ensuite, on vous la rafistolera cette escarre, vous aurez les fesses défigurées, mais faut pas chipoter.

La plupart du temps ou presque, les paraplégiques ne sentent rien ou si peu quand on leur manipule leurs gambettes inertes, mais pour vous, c’est un peu la séance de torture, vous avez assez de paraplégie pour ne pas marcher, mais pas assez pour ne pas souffrir. Et cette magnifique stagiaire kinée, qui regarde ailleurs, qui pense à autre chose, qui s’en fout, quoi, en vous mobilisant vos ersatz de membres inférieurs, alors que vous êtes à deux doigts de hurler de douleur, et pourtant, étrangement, vous parvenez à fermer votre gueule…

Vous imaginez une suite à ce cliché, ce dessin sur l’évolutionnisme darwinien, où le singe mène à l’homme, vous imaginez qu’après la bipédie, on ajoute l’homo-fauteuil-roulant qui précède le corbillard définitif de l’homo-mortibus... Mais contre toutes attentes, vous avez beau vous chier , vous pisser dessus, vous être fait non pas « doigter » (ça c’est sexuel) mais vous être fait faire des « doigtiers », c'est-à-dire, vous être fait retirer la merde du cul par des infirmières (mais bon, c’est vrai que vous le sentez plus autant que ça votre cul), ainsi que vous être fait enfiler des tuyaux dans la bite pour vos mictions, attention, vous allez redevenir celui que vous n’avez jamais été, ceci avec un peu de rage, et malgré les inepties douloureuses que vous subirez dans d’autres circonstances. Malgré, grâce et avec de la folie, vous vous retrouverez debout sur deux cannes, avec lesquelles vous serez prêt à en découdre avec Satan (et advienne que pourri), vous serez paré pour bretter, cannes anglaises contre faux, avec la Mort, si jamais cette fois-ci, elle osait montrer le bout de son absence de nez, ainsi que contre Dieu, ou n’importe quels autres connards auxquels il serait venu l’idée saugrenue d’exister.

Vous abandonnez votre fauteuil roulant pour poser vos deux cannes sur les marches de ce putain d’escalator en marche, pendant que ça monte et malgré votre équilibre précaire, vous vous racontez, vous vous jouez, la musique de « Rocky », quand dans le film, il se le grimpe, son escalier, jusqu’en haut. Mais faut faire gaffe quand même de pas se casser la gueule en arrivant au sommet, va falloir accompagner le mouvement, gare au freinage brusque.