Shining Project - L'Alien ou l'Altérité

Le 08/02/2016
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par HaiKulysse
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Rubriques / Shining Project
Le Shining Project d'HaiKulysse revient sur nos écrans pour un nouvel épisode. Que reste-t-il du projet originel sinon un psychopathe à la dérive et la promesse d'une grande apocalypse lors de la Saint COn 2016 qui nous le savons à présent aura lieu (rien n'était moins sûr au lancement de cette rubrique). Lourdes Phalanges nous a averti qu'HaiKulysse s'amusait à extraire des bouts de phrases décontextualisés d'autres bouquins dans cet exercice de collage mais là j'avoue avoir du mal à deviner qu'elles sont les œuvres d'origine. Et puisqu'il n'y a plus plagiat lorsqu'on s'inscrit dans une démarche d'artiste de collage je conclurai donc modestement ma présentation. Nous sommes transportés dans une autre dimension, une dimension faite non seulement de paysages et de sons, mais aussi d’esprits. Un voyage dans une contrée sans fin dont les frontières sont notre imagination : un voyage au bout de ténèbres où il n’y a qu’une destination : La dimension zéro. Ce n'est pas une défaillance de votre téléviseur. N'essayez donc pas de régler l'image. Nous maîtrisons à présent toutes retransmissions. Nous contrôlons les horizontales... et les verticales. Nous pouvons vous noyer sous un millier de chaînes, ou dilater une simple image, jusqu'à lui donner la clarté du cristal, et même... au-delà. Nous pouvons modeler votre vision et lui fournir tout ce que votre imagination peut concevoir. Pendant l'heure qui vient, nous contrôlons tout ce que vous allez voir et entendre. Nous partagerons les angoisses et les mystères, qui gisent dans les plus profonds abysses... "Au-delà du Shining Project". »
Le cerveau n'est pas à nous
Le cerveau est un alien
Le cerveau cherche à nous contrôler

Comment expliquer ça ? Peut-être par le commencement tout simplement.
9h36
Marcello se dandine, soudain mal à l'aise dans son fauteuil club. Passe d'une fesse sur l'autre (et vice versa) sans parvenir à trouver la position idéale. Il vient d'expliquer à Livia Cétose, sa psychiatre, qu'il Le sent toujours là, même après sa sortie de l'asile psychiatrique.

10h06
Peu après l'entretien, se creuse dans les tréfonds de l'Alien, une possibilité de fuir à toute vitesse sur l'autoroute.
A 23h 03, Marcello reprend conscience en trouvant le truc : un adolescent étendu sur l'herbe, comme embaumé dans les ténèbres ; non loin, le logo d'une station Totale électrise la nuit. Très activement, il enfouit le corps meurtris et la hache qui a servi, toujours en pestant contre l'Alien. Ce cortex qui a prémédité ce crime odieux, couvé depuis des années maintenant. Cet enfoiré dont il espère encore renverser le système établi. Mais il y a sans doute des solutions d'habitation ailleurs que dans sa boite crânienne, cette lancinante intuition il la martèle à chaque fois que l'Autre, harassant et bien trop irresponsable, l'ouvre un peu trop.

01h06
La chambre d'hôtel est petite et la guérison ne viendra pas, il en est maintenant convaincu. Un cercle métallique lui enserre le crâne : il voudrait pousser un cri de douleur face à ce lendemain disloqué qui l'attend au tournant. Et qui ressemble à un problème de math impossible à résoudre. Il fixe le plafond, les yeux brûlés par de nouvelles visions. Il pense aux faïences bleues au fond des yeux de sa première femme.
Son trench-coat coupé dans une étoffe précieuse est déchiré, il doit s'en débarrasser.
Vers 02h35, il redémarre sa voiture garée sur le parking de l'hôtel, en direction de la maison de retraite où il y a son grand-père sénile. La route est longue mais il arrive au petit matin, vers 06h30 ; on le fait asseoir dans la salle d'attente en attendant l'heure des visites ; il reste ainsi absorbé, pendant deux heures, par un vieux tableau représentant des plantes alpestres défraichies très kitsch. En peignant cette immonde croûte, le peintre, selon lui, veut l'aider à ranimer toute la mélancolie de son adolescence, à cette époque où il fumait déjà du crack et inhalait les vapeurs des stupéfiants les plus toxiques.
A la fin, il a l'impression que ce peintre du dix-neuvième siècle, dans son maillot de lin serré, ressuscite pour lui tendre la main et lui montrer la chambre 6 où gît son grand-père mais ce n'est que l'infirmière. Il prend soin de fermer la porte une fois l'infirmière éclipsée.
A 9h 17, la Peugeot repart de plus belle, en arrachant au sol des tourbillons de poussière ; les gens à l'arrêt de bus d'à côté voient l'effroyable drôle filer et prendre de nouveau l'autoroute. Son grand-père qui a travaillé dans les milieux du pétrole a drainé beaucoup d'argent ; Marcello vient d'arracher une dent en or à son dentier, ce qui donne au grand-père un sourire encore plus vicieux.

Plus tard, il revendra cash cette dent pour s'offrir un nouveau réfrigérateur étant donné que sa nouvelle femme et leurs deux enfants prennent toute la place à l'intérieur de l'ancien.
En fin de soirée, très tard, il finit par s'endormir devant la télé en marche, les fenêtres ouvertes malgré l'hiver et la pluie qui s'installe ; se remémorant toutes les tueries réalisées, l'envie de dormir le berce jusqu'au sommeil, apercevant, avant le black-out, la gueule puante d'un vieillard qui hurle de douleurs.

Cependant, alors qu'il dort à présent, nerveusement, une ombre marche sur les planches de bois qui mène à l'entrée de sa maison, cette histoire qui commence pourrait bien l'emporter encore plus loin dans la démence : aux pays des malades mentaux, le Cerveau, cette Altérité, est roi.