Shining Project - Genèse et Jeunesse

Le 13/02/2016
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par HaiKulysse
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Rubriques / Shining Project
« En allumant de grands brasiers à l'occasion des fêtes religieuses, les Celtes affirmaient la place du feu comme pendant du soleil sur la terre. Comme l'astre solaire, le feu avait le pouvoir d'entretenir ou de détruire la vie... » La webserie "Shining Project" d'HaiKulysse se poursuit avec cette formidable phrase d'introduction qui fait enfin le lien entre les vagabondages de plusieurs psychotiques depuis le début de la saga et la Saint-Con 2016 qui rappelons-le est l'objectif ultime du "Shining Projet", l'espace-temps où se produira son apocalypse. En attendant dans ce nouvel opus, des préparatifs purificateurs se mettent en place dans une atmosphère malsaine mêlant ostracisme, dreadlocks, marginalisation et cocktails médicamenteux, non pas tant à usage récréatif mais à visée shamanique, massivement ingérés afin de préparer l'esprit et le mental des guerriers à la bataille à venir. Des ZADistes sortant d'une longue hibernation ?
« En allumant de grands brasiers à l'occasion des fêtes religieuses, les Celtes affirmaient la place du feu comme pendant du soleil sur la terre. Comme l'astre solaire, le feu avait le pouvoir d'entretenir ou de détruire la vie... »

Mais on n'en était pas là pour l'instant : de la drogue, il lui fallait davantage de drogues pour son projet ; il décida de sortir de l'amphithéâtre au lieu d'écouter ce conférencier aux cheveux gris. Ces derniers temps les zones réflexes de son système nerveux étaient si douloureusement crispés qu'il lui fallait une « réponse » suffisamment stimulante et libératrice : c'était même la Réponse architecturale de tout son ADN.
Dans les toilettes de la fac, il jeta un regard inquiet sur les cristaux noirs qui palpitaient au fond du sachet supplémentaire. En lui promettant le grand déchirement limpide entre le corps et l'esprit dans un espace en expansion constante, le gars qui lui en avait procuré l'avait mis en garde cependant :
« Avec l'Alien faut y aller mollo. »
Depuis quelques temps, il s'était fixé comme objectif ambitieux de vivre avec ses potes une nuit entière dans une tour d'ivoire kaléidoscopique. Et l'organisme n'avait qu'à suivre servilement pour se confronter au plus beau des supplices, au plus savant des désordres mentaux.
Quand il revint dans l'appartement où il créchait à l'époque, pour ne pas perturber le fonctionnement archaïque de sa mère, il enleva ses chaussures et planqua au fond de l'armoire de sa chambre les fameux cristaux.

Ainsi, en sommeillant comme les oeufs visqueux du monstre cinématographique, les cristaux étaient restés cachés dans l'obscurité de l'armoire fermée à clé, jusqu'au week-end.
Le samedi matin, avec un pressentiment nauséeux tout de même, il laissa sa daronne l'assassiner froidement du regard et dévala l'escalier jusqu'en bas de l'immeuble où une deudeuche l'attendait.
Marcello et Oscar étaient maintenant comme deux frères siamois ; quand ils s'étaient connu au collège, ils se filaient mutuellement des raclées, mais à présent quelque chose réunissait fraternellement les deux dreadeux : la drogue sous toutes ses coutures. Quand l'un traînait sa carcasse famélique dans les couloirs de l'université, l'autre n'était jamais très loin.

Ils se tapaient des délires préliminaires en imaginant que la bagnole poussive n'était autre que le Nostromo, le remorqueur interstellaire du film de Ridley Scott.
Comme tous les jeunes adultes bâtards de génération en génération, ils étaient convaincu que les utopies et leurs sbires disparaissaient toujours dans un essaim de mouches à merde ; ils emmerdaient les idéaux et les idéalistes, sacrés ou occultes, de cette société de consommation. Leur seul but les avait conduit jusqu'à cette drogue qu'ils n'avaient jamais entendu parler : les reflets des cristaux noirs de l'Alien luisaient comme des promesses étincelantes de terres nouvelles à conquérir et ces conquistadors d'un nouveau genre comptaient bien commencer à décoller dès ce soir, autour du feu.

Le rituel était en place : les deux junkies avaient rendez-vous sous la lune avec des amis de la campagne, ils s'étaient débrouillé pour trouver l'emplacement d'un bivouac dans un endroit désert et suffisamment isolé pour ne pas être dérangé pendant deux jours... ça allait déchirer sa race.


23h44.
Tout bouge et baigne dans le vertige le plus immonde : les tentes autour du feu, les bouteilles vides d'alcool éparpillées ici et là, les lampes de poches allumées qui s'agitent frénétiquement dans l'obscurité profonde. Les réceptacles de la conscience s'ouvrent comme des brèches malveillantes dans un système informatique. L'harassant système que Marcello, blasé, voulait quitter sans mesurer les conséquences, l'Alien le connait trop bien : d'abord se faufiler douloureusement entre les synapses à feu et à sang, en laissant perler puis couler la sueur le long de ses tempes creuses.
Marcello regarde ses amis qui disparaissent épouvantés, ces mêmes amis qui admiraient son courage quelques minutes avant l'inhalation. Il se raidit, le coriace, en dégueulant ses liens de sang avec l'Alien : ce pacte à jamais scellé entre le consommateur imprudent et la drogue qui agit, le possède entièrement.

De mémoire, ses amis déplacent des objets : ils doivent enlever la bâche qui couvre la deudeuche. Il croit... Mais les dérivés chimiques -notamment la substance X enfermée dans les cristaux- peuvent lui faire croire n'importe quoi ; il se redresse pour à nouveau s'accroupir : cette fois, non seulement il vomit un flot ininterrompu de sang et de bile mêlé à la bouillie des aliments mais il défèque aussi dans son froc et sa merde acide brûle le peu d'herbe qu'il y avait autour du brasier.
D'une horrible et apocalyptique austérité, l'Ange de la Mort avec sa trompette impure martèle dans tous les angles de son cortex qu'il va crever : la voilà « ta damnation éternelle. »

Un saut dans le temps s'impose parmi ses hurlements de détresse -il haït tellement ce ralentissement temporel- et malheureusement il sait pertinemment qu'il entre seulement dans la Seconde Phase : les puissants pouvoirs des cristaux, lorsqu'on a la folle intention de les combattre, éloignent toujours davantage de l'évanouissement, ou mieux encore du coma anesthésiant, pourtant tant souhaité !



23h54
Il fait encore nuit. Il est seul près du feu. Dix minutes seulement ont passé et pourtant il a l'impression que des pléthores de millénaires lui sont passé dessus : après toute cette violence, il se rend compte qu'il a commis le sacrilège irréversible de vouloir tutoyer les dieux.
Son encéphale qui a littéralement disjoncté dans la dernière minute, comme effrayé à l'avance et n'en pouvant plus d'endurer tous ces sévices, s'est rempli d'une énergie psychique aussi macabre que machiavélique : tous ces cons qui l'ont lâchement abandonné vont, il le jure sur sa propre tombe, payer chèrement...
Mais comment ?

Dans le vague, il regarde une brindille solitaire qui tente de s'échapper du feu de camp, qui va bientôt griller... et le ramène ici et maintenant : ça y est, il a enfin trouvé.