Heraklès Navet et la normalisation du storytelling (6ème partie)

Le 26/02/2016
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par Lapinchien
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Dossiers / Herakles Navet
Les nouvelles aventures d'Heraklès Navet se poursuivent avec ce 6eme épisode. Longue agonie de la licence autrefois glorieuse, un peu comme la dixième saison de X-Files mais en moins pathétique tout de même, agonie de l'oeuvre accompagnant celle inexorable et irréversible de l'auteur. Lapinchien, pitoyable merde humaine, n'est plus que l'ombre de ce qu'il aspirait un jour à devenir et en plus il s'autolapide dans ses propres présentations de texte. Vivement qu'il crève. Vœux pieux ou apitoiement par sadisme ? Peu importe, qu'il crève, qu'il crève vite et bien, pour la joie des petits, des grands et indubitablement pour la sienne en premier lieu. Vivement le reboot de licence par quelqu'un d'autre ! 2700eme texte de la Zone ? Encore une belle occasion manquée ! Sortez les confettis et les cotillons qu'on célèbre l'autocrémation du lagomorphe.
Résumé des épisodes précédents : Le détective Heraklès Navet et le captain Waterloo, mènent l'enquête sur l'assassinat mystérieux de la narration. Alors qu'on découvre une accroche trucidée au tractopelle dans un des couloirs de l'immense manoir de l'île de Tristan da Cunha, Heraklès Navet pense tenir le mode opératoire du tueur. Au beau milieu d' un colloque d'experts médico-légaux ayant dégénéré en stage de survie aléatoire et en beuverie orgiaque, alors qu'un terrible ouragan coupe l'île du reste du monde, un des protagoniste serait déterminé à anéantir l'ensemble des étapes classiques qui ponctuent le déroulement d'une histoire.
Alors que le détective belge raccompagnait la duchesse épeurée vers la bibliothèque, il avait demandé à son ami et acolyte de toujours, le captain Waterloo, d'empêcher tout débordement lors de l'analyse de la scène de crime de l'accroche. Ce dernier arrivait malheureusement déjà trop tard, les experts médico-légaux pris dans une sorte de zèle paroxystique avaient complètement bâclé l'autopsie, réalisée sur les lieux mêmes de l'assassinat. La scène de crime était corrompue, contaminée, inexploitable, Heraklès Navet n'en pourrait rien tirer de concluant.

Tout l'intestin grêle de la victime, tressé en scoubidou avait été détricoté et étendu le long d'une corde à linge, clampé par plusieurs pinces. Mais ce n'était pas le moindre mal. La plupart des organes avaient été retirés de la dépouille puis plongés dans des bocaux de formol. Il y avait le raccordement de la cheville au genou, un improbable élastique. La clé à la cheville, un outil de bricolage à moitié rouillé. Les côtes de rire, d'appétissants T bone steaks dont jamais on ne saurait si la moelle contenait du prion. Comment écarter la piste d'une fulgurante maladie de Croswell Jakob alors ? Une imposante tranche de brioche transformée en pot de saindoux, comme si la liposuccion avait le moindre intérêt lors d'une autopsie. Un cœur brisé pratiquement fendu en deux, inexploitable même si l'opération avait rapporté 350 points au spécialiste. Le papillon chatouilleur baignait aussi dans le formol : retiré à la va-vite de l'estomac par un de ces amateurs.

Un de ces abrutis d'experts médico-légaux se mit alors à rire très fort puis il cria : "Tournée générale de novocaïne, chers collègues !" alors ils trinquèrent tous avec ces petits verres à rincer la bouche que l'on trouve chez les dentistes. "Sombres crétins !", pensa le captain Waterloo alors qu'il continuait à recenser les bocaux et énumérer les fautes professionnelles de tous ces experts ivres et drogués.

Il s'attarda sur un bocal contenant un de ces petits os de poulet en forme de "Y" que plus jamais personne ne pourrait utiliser pour formuler, lors d'un pari avec un ami, le moindre vœu que ce soit. Un bien beau gâchis ! Une sorte de seau cabossé, la rotule du genou, qui n'apporterait plus le moindre indice à l'enquête en cours. Un fer à cheval déposé sur une paillasse improvisée indiquait tout de même que la victime avait souffert d'une forte fièvre. Juste à coté, un crayon, cet organe désigné par le terme technique de crampe de l'écrivain. Puis, éberlué, Waterloo découvrit qu'un des bocaux contenait une pomme d'Adam. "Oh My God !", murmura-t-il avec un fort accent anglais puis il se dit qu'après tout la petite accroche pouvait très bien être un shemale subtilement grimé et cela ne semblait plus le choquer du tout. C'est alors que son regard d'investigateur aguerri se stoppa net sur l'os rigolo.

C'était bien pire qu'il ne pouvait l'imaginer. Saouls, drogués, anesthésiés, les experts médico-légaux avaient totalement bâclé le travail en s'adonnant à une partie grandeur nature de Docteur Maboul sur la dépouille de la victime.