Lieu commun n°11 : Faut ce qu'il faut

Le 13/03/2016
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par Mill
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Rubriques / Lieux communs
Lieu commun officiel N°11 de la rubrique de Mill : Faut ce qu'il faut. Difficile de présenter ce texte, comme l'impression d'assister à un MOOC de développement personnel, mais non, on a tort c'est pas ça ! Fort heureusement ce n'est pas un de ces trucs horribles dérivés des méthodes d'endoctrinement pentecôtistes, ces lavages de cerveau de gourous en costards, qui te font peur, douter, te répètent en boucle que tu ne vaux rien, que tu sais très bien ce qu'ils entendent par là, qu'au fond de toi, tu comprends ce qu'ils sous-entendent, puis une fois qu'ils t'ont bien diagnostiqué comme étant une pure merde humaine, une fois qu'ils t'ont persuadé de la chose, te répètent en boucle qu'ils savent ce qu'est ton problème : ton problème c'est que tu doutes, que tu n'as pas confiance en toi, que tu manques d'assurance. Ensuite ils t'achèvent en te faisant croire que t'es bordélique, qu'il faut que tu structures ta vie mais que tu manques de rigueur, de discipline, alors c'est là qu'ils te proposent "la" méthodologie que tu n'as pas et qu'ils te demandent de raquer pour suivre des cours, distribuer des prospectus, puis t'embarquent dans un système pyramidal avec toute une hiérarchie de larbins et de chefaillons. Ensuite tu deviens toi-même prescripteur et tu reçois une commission en fonction du nombre de personnes que tu recrutes, que tu cooptes, que tu démolis psychologiquement pour en faire de la matière organique malléable et ductile, prête à tous les emplois, prête à tous les sacrifices, la chair à canon universelle des plus absurdes des causes. Non, heureusement ce texte n'est pas un pitch de prédicateur en développement personnel. Juste un strike dans les quilles du jeu de bowling de tes convictions intimes.
Trime, grince, couine, jette-toi à l'eau, la gorge ouverte et les doigts en suspens. Renâcle, miaule, aboie, refuse tant que tu peux, tant que tu oses, tant que tu veux, mais vas-y, fonce, démarre, botte en touche et mets-y le feu, brûle-toi et cours, toujours plus vite, toujours plus fort, essouffle-toi et crache, si ça t'élance, c'est normal, prends-en ton parti, jouis de la douleur, accepte-la, transforme-la en huile pour le moteur interne de ta vie branlante d'humain bancal, sois beau, tais-toi, sois laid aussi, ne parle pas davantage, te plains jamais, c'est comme ça, tu n'auras rien sans rien, t'auras que tes yeux pour pleurer, et si pleurer, ça soulage, n'oublie pas, vieille charrue, que ça ne sert à rien d'autre, que t'es quand même obligé de t'interrompre pour sécher tes larmes.
    Peu importe, au fond, que tes pieds avancent, que tes chaussures s'usent, que tes genoux se disloquent. Peu te chaut, pas vrai, que tes vêtements s'agitent autour de ta peau mièvre, de tes articulations mal huilées, de tes os encore durs. Tu l'as intégré, on te l'a fourré dans les gênes, dans ta programmation initiale, dans les modes d'emploi tutélaires de tes traditions épiques. On te l'a gravé sur l'envers de la peau, on te l'a tatoué sur les synapses, on te l'a imprimé sur la rétine, sur la boîte noire que tu gardes dans la hanche, on te l'a volé pour que tu souhaites à tout prix le récupérer, pour que tu te battes, pour que tu lui coures après, encore, oui, cours, essouffle-toi, elle est là, la vie, du cardio sans tapis roulant, à l'ancienne, la langue sèche, flottant dans le vent, pour quoi, pour qui, pour rien, joie de l'absurde et de l'insensé, la fin justifie les moyens, je me gausse parce que c'est faux et qu'il faut s'appeler Vladimir pour y croire - quel verbe idiot - c'est le chemin qui te définit, pas l'aire d'autoroute où l'a syncope t'emporte, le bras bien raide et un magnifique pied-de-nez à l'attention de ton karma.
    Tu es une intention, tu n'es pas un objectif.
    Tu es un verbe et non un nom.
    Tu es une litote, pas une explication.
    Et dans le creux de tes désirs enfouis se rompent les vannes et se noient les chagrins. Je m'étonne que tu ne l'aies pas encore assimilé.
    Il ne faut rien. Le besoin n'existe que pour pallier la frustration qui jugule nos envies. Je veux vouloir sans nécessité et devoir sans être obligé.
    Pareil pour toi.
    Que tu le saches ou non n'a strictement aucune espèce d'importance.