07. La formation #SaintCon2016

Le 11/04/2016
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par Madelicea
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Thèmes / Saint-Con / 2016
Texte en compétition dans le cadre de la #SaintCon2016. Cette année, l'auteur des textes demeure anonyme jusqu'au verdict des votes pour ne pas les influencer. Voici un texte pour les puristes des règles du concours qui lui reprocheront peut-être le choix d'un con lambda pas vraiment incarné. Ils se réjouiront tout du moins du fait que l'auteur ait pris le temps de lire le règlement au lieu de nous bricoler un vieux texte pour plus ou moins coller à la thématique et se raviront d'une crémation non symbolique. Personnellement, je dirais que ça sent le vécu voire l'anecdote personnelle qui ne fait pas vraiment avancer le schmilblick. Sachez qu'il vous est toujours possible de poster avant le 17 avril une ou plusieurs contributions pour briguer le titre de Grand Inquisiteur de l'Ordre de Saint-Con.
On est douze prisonniers, dans une petite salle qui commence à sentir fort les aisselles. Douze prisonniers pour huit heures. Une petite journée de formation sur le « mieux se connaître soi-même pour mieux interagir avec les autres ». Conneries en boîte.
Tout le monde y a mis du sien, sauf une. Évidemment. C’est dans les statistiques, on ne pouvait pas y couper. La pénible de service. Celle qui est venue pour expliquer à quel point elle se trouve exceptionnelle et qui nous démontre le contraire heure après heure. C’est très long. C’est très pénible. Mes dents commencent à crisser, tellement je les serre fort pour ne pas lui crier de fermer sa gueule.
La formatrice est en train de craquer, ce qui me fait hurler de rire intérieurement. Les mots au tableau qui devaient éclairer notre journée sont écrits en grandes lettres rouges : écoute, confidentialité, bienveillance. Morte de rire. L’intervenante nous a expliqué que 70% de notre communication était non verbale. Alors, que faut-il en penser quand elle serre les lèvres, les poings, lorsqu’elle prend de grandes inspirations chaque fois que l’autre conne prend la parole, sans l’avoir demandé, ni s’excuser d’ailleurs ?
Je n’en peux plus de cette grande saucisse. Elle doit bien faire dans le mètre quatre-vingt, dont un bon mètre vingt de jambes. Genre Adriana Karembeu. Elle porte un mini short sur des collants. Elle a une grosse bouche. Oui, je sais : moi aussi, au début de la journée, je l’ai trouvé sexy. Mais elle a une tronche bizarre, un peu déformée, et surtout, surtout, surtout, il ne faut pas qu’elle ouvre le bec. Si elle parle, on a très vite envie de la frapper.
Les heures passent et l’envie de la frapper disparaît progressivement, remplacé par le désir irrésistible de lui cogner violemment la tête contre le mur. Puis, très vite, ça ne suffit plus. Un bain d’acide ? Non plus. Une balle dans le cerveau ? Pas sûr qu’elle en ait un, elle est capable de continuer à nous soûler. Foutre le feu à ses cheveux filasses ? Ah, ça commence à prendre forme dans ma tête. Un grand bûcher, façon Jeanne D’Arc. Elle, attachée à un tableau de présentation, toutes les feuilles du photocopieur roulées en boule à ses pieds. Nous onze tout autour, avec, dans une main, un briquet et dans l’autre, un feutre marqueur rouge. La formatrice, grande prêtresse de la cérémonie de l’expiation de la connerie, dirait d’une voix forte :
—    Tu as pêché, sorcière ! Reconnais-tu tes torts ? Avoue que tu as été très conne et tu seras peut-être pardonnée dans l’au-delà ! Ici, sur Terre, ce n’est plus possible, mais va savoir avec les deux barbus, celui tout en blanc et celui tout en noir ….
Et elle, elle répondrait :
—    Mais je n’ai pas fini de vous raconter mon histoire de travail ….
Et nous, on la couperait tous en chœur en criant :
—    Ta gueule, connasse !
Tout à tour, on lui barbouillerait de marqueur rouge la tronche et enfin, sur un signe de notre grande prêtresse et dans un ensemble parfait, nous allumerions les briquets. Un grand feu de joie s’élèverait enfin dans l’entreprise. La chaleur du feu rédempteur purifierait l’atmosphère du lieu. Le DRH se dépêcherait de quitter le bâtiment par l’escalier de service, au cas où il nous prendrait l’idée saugrenue de poursuivre notre combat contre la Connerie.
Mes fantasmes m’ont fait perdre le fil de la formation. Mais je continue à me poser la question : s’il est connu qu’on est toujours le con de quelqu’un, est-ce qu’on peut être la conne de tous ?