18. Un titre alléchant #SaintCon2016

Le 18/04/2016
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par Oliver Rych
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Thèmes / Saint-Con / 2016
Texte en compétition dans le cadre de la #SaintCon2016. Ce brûlot, par ailleurs très bien écrit, est énervant à plus d'un titre. Il mène une sorte d'introspection. Le narrateur semble être le texte qui s'interroge sur les raisons de son existence, la manière dont le lecteur va régir à sa lecture, et qui essaie même de l'anticiper ou de le mettre en garde. C'est forcément un effet comique mais il en résulte comme une volonté d'occuper de l'espace, de s'étaler, faire vrombir le moteur avant de démarrer à un feu rouge, prendre de l'élan avant de s'élancer pour faire le grand saut. Cela dit, les règles de la Saint Con sont respectées à la lettre même si j'y vois un petit coté militant qui à nouveau m'agace. Le suspens par ailleurs à du mal à tenir le lecteur en haleine mais c'est voulu, c'est annoncé dès le départ, comme quand Julien Lepers invite les gens chez eux à lire l'indice qui s'affiche sous l'écran dans l'émission Question pour un Champion. Cette année, l'auteur des textes demeure anonyme jusqu'au verdict des votes pour ne pas les influencer.
En exergue, une citation où l’auteur n’est plus qu’un anonyme parmi d’autres parce que son nom n’est signalé que par de simples initiales : CR. Des thèses s’écriront plus tard pour démontrer par A + B qui pouvait bien être ce mystérieux CR et comment son évocation a une si grande importance pour la compréhension globale du texte. Peut-être un simple compte rendu, sans tiret. La vengeance d’un nouveau Robinson. La phrase citée est longue, en partie philosophique, en partie poétique. L’auteur masqué y file benoîtement une métaphore de l’universalité atemporelle de l’être, inclus dans la nature-même de l’être en soi. Suffisamment inabordable. Suffisamment inexplicable. Une simple allusion.
La première partie du texte s’attache d’abord à développer un style. Elle installe le lecteur dans un lieu qu’il n’avait encore jamais traversé. Se forment alors, tour à tour, une subtile résistance, une forme de rejet et un premier jugement. « Je m’ennuie. C’est banal et ça n’a rien à voir avec ce que je suis venu chercher. Je n’ai pas envie d’être surpris. It’s a trap. Je veux trouver ce que j’aime et ce pour quoi on a stylé my life ».

Le lecteur s’énerve déjà et s’insurge. « C’est hors jeu, c’est hors système. Il y a des règles à respecter ». Il refuse d’en lire une seule ligne de plus et court à la fin du texte pour voir s’il y a bien quelque part le nom d’un con brûlant.

Nous y sommes. L’allusion salace. L’origine du monde à portée de main. Le désir de puissance comme seule justification pour maintenir l’art de soumettre.

Bureau Révolutionnaire des Ultimatums Légitimes de l’Essonne (BRULE).
10 avril 2016.

Attendu que :
- vous n’avez pas respecté les règles élémentaires de la démocratie.
- vous avez lâché les chiens de garde aux trousses de quelques opposants pacifistes.
- vous avez développé des sites ringards pour y déposer des vidéos truquées montrant votre soi-disant popularité.
- vous continuez de faire honte à l’intelligence en vous présentant dans toutes les émissions de télé-virtualité pour assener des phrases qui ne sont citées que pour faire rire dans une soirée lorsque tout le monde commence à ne plus rien avoir à se dire.
- vous informez la population du monde entier de votre merveilleux avenir, brandissant comme un succès votre misérable score aux deux dernières élections présidentielles avec des coups de gueule ni Marine ni Sarko, mais un peu facho quand-même.
- depuis que les Guignols vous ont fait une marionnette, vous y voyez une consécration, prémisse d’une proche réincarnation du Christ dans votre propre corps.

Pour le peuple français,
Pour que justice soit faite,
Pour la liberté,

Le BRULE décide votre inéligibilité définitive.

C’est toujours la même rengaine, dont les rimes incertaines se prenaient pour du Verlaine. Si proche de tous les pouvoirs, le dictateur est comme le Pape devant la supercherie qu’il administre chaque jour. « Je peux rendre l’eau du robinet sacrée juste parce que je le dis, en faire des bassines où des hordes de followers viendront se noyer en me suppliant de les toucher avant qu’ils ne s’effondrent. Et pourtant, il n’y a rien dans tout cela. Avec cette même eau possiblement sacrée, tous les jours, après chaque repas, je me lave les dents et nettoie mon slip terni par plus de deux mille ans d’abstinence ». Il devient alors impossible de retenir la stupidité de croire qu’on peut être supérieur, au centre du monde, et qu’on peut avoir un pouvoir sur la vie des autres. L’autorité devient grisante, car elle a de réelles conséquences. « Je serai le Moïse du XXIe siècle. Je provoquerai des vagues médiatiques. Je sais, d’où je suis, qu’il n’y a rien au-dessus de moi. Je suis invincible ».

Il y a eu des millions d’années avant et il y aura des millions d’années après. Tout n’est peut-être qu’éternellement en mouvement. Il n’aura été qu’une poussière du temps, évoqué dans l’encyclopédie numérique parce qu’il s’y est lui-même installé, mais il continue d’imaginer possible de refaire un 21 avril 2002, de provoquer la surprise, de rassembler les mécontents. Il crée un parti pour se démarquer d’un autre Nicolas. Debout quelque chose. Il infiltre l’administration de la ville dont il est élu. Il s’étend. Il se répand.

En ce jour saint, Mars et Jupiter viennent bel et bien de se placer pour agir, la lune trahit le reflet d’une révolte, les nuages s’accumulent, le climat se dérègle, les glaciers, les sauterelles, tout converge en un point, là où, semble-t-il, on trouvait la douceur de vivre. Aucun danger, aucune mer menaçante. Invincible, mes couilles. Le vent se lève et voilà que prend forme le grand Ultimator. Il ne vient qu’une fois par an et n’en choisit qu’un. Il tend les bras vers le ciel. L’énergie est si puissante qu’elle dérègle tous les systèmes. Une étincelle suffit. Le corps s’enflamme instantanément. Et disparaît.

Enfin dans tous les moteurs de recherche.
Enfin classé au rang des Grands Cons.
De la carte. Effacé.
Adieu, Nicolas Dupont-Aignan.