J'accuse

Le 12/09/2016
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par HaiKulysse
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Thèmes / Divers / Pangolins et licornes
La technique du cut up poétique d'HaiKulysse enfin révélée dans l'image d'illustration. Ici, la production sans anesthésie locale ou générale d'un texte lors d'une opération chirurgicale du cortex préfrontal du dit auteur. On introduit le pyrograveur et la pelle à tarte par l'encoche obtenue suite à la rupture de l'arrière du crâne suivant la méthode du décalottage d'un oeuf dur à la petite cuillère. Pendant l'opération, HaiKulysse reste bien sûr éveillé et conserve son libre arbitre et tout son potentiel de discernement comme le prouvent les lignes qui suivent car comme nous le voyons sur la photo HaiKulysse dispose d'un ordinateur portable sur lequel il écrit tout ce qui lui traverse l'esprit (certes il ne parle pas du pyrograveur, pas plus que de la pelle à tarte, je vous le concède) La vieille technique du texte écrit sur une feuille que l'on découpe puis que l'on mélange avant de recoller des morceaux aléatoirement est complètement dépassée. Ici le neurochirurgien créé des liaisons dendritiques et synaptiques à la volée pour optimiser en temps réel la qualité poétique de l'oeuvre grâce au feedback des gens qui matent le happening sur Périscope.
J'accuse - Ou la nuit de Norman la nouvelle star
«Tu finiras sûrement par le trouver le truc qui leur fait si peur, à eux tous, à tous ces salauds là, autant qu'ils sont et qui doit être au bout de la nuit, et c'est pour ça qu'ils n'y vont pas, au bout de la nuit.»
Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit
Il y a longtemps, en vérité à peine quelques années, Norman vécut une nuit bien agitée.
Une kyrielle de portes grillagées avant d'entrer dans le temple en stuc : ce centre commercial est le Dieu de ton micro-univers. Après avoir brisé les sourires de faïence de tous ces connards de la nouvelle star, il était entré par l'étrange ouverture qui vomit même les plus résignés ; il avait anticipé sa disparition avant même d'être enfanté, avant même de traîner parmi les étalages de la grande distribution, mais toujours après avoir été tourné en dérision par les abrutis du second degré branché. Sa vie - cette noble absurdité- c'était un peu comme la prison d'Abou Ghraib : une humiliante suite d'idées confuses qui l'avait mené devant le jury de la nouvelle star puis dans le temple de la consommation extrême où il ne pouvait rien s'acheter.
Tout était trop cher ici-bas : ils avaient tout inventé pour te saigner jusqu'à la moelle, les charognards ; avec eux, à l'instar de Sega c'est plus fort que toi, tu ne pouvais pas gagner, même pour perdre fallait payer !
On pouvait bien sûr encore composer des poèmes en se taillant les veines, comme les Guérilla Poubelle l'affirmait, on pouvait passer ses journées à glander, à se branler, à traîner avant le rappel à l'ordre, mais il y avait un moment où tu n'en menais pas large : il fallait montrer son trou du cul et se faire prendre si tu voulais acheter du thé parfumé aux écorces de kouglof ; on pouvait dégueuler dans le lavabo ses lendemains difficiles : y a bien un moment où Lynndie England, avant de passer ses esclaves à poil en revue, allait t'ordonner quelque chose de bien crapuleux, quelque chose qui annihilerait tellement tes prétentions poétiques qu'il n'y aurait d'autres portes de sortie que l'impasse du troupeau.

Alors quel dilemme ! Quel choix cornélien ! Tu pouvais toujours te servir de l'imagination pour découvrir d'autres issues, il n'y en avait tout simplement pas et il n'y avait rien de manichéen ou de fatalisme là-dedans. Norman, et il le savait, était tout autant un pantin déstructuré que toutes ces gens des générations passées, actuelles, ou futures.
Ses toiles ne se vendaient pas, ses chansons, ses poèmes, et même son existence personne n'en voulait.
Mais pour contribuer au bon fonctionnement du système, comme les autres, il était entré dans ce centre commercial, s'était présenté au casting de ces enculés, continuait de chanter dans les métros et de peindre pendant que d'autres rêvaient du nouveau iPhone 7, de la plus rutilante des bagnoles du marché haut de gamme etc. Ou encore pendant que d'autres rampaient à quatre pattes pour mendier leur vie dans l'espoir que leurs enfants puissent suivre des études... Alors, son chapeau dans ses mains humbles, il demanda grâce sur le bûcher du libéralisme et de la connerie excessive.
L'homme créé faillible et s'acceptant tel, il se moqua même de ses propres concepts ; le groupe Ravachol était perdu et mort dans les limbes de l'oubli et l'équivalent actuel, si il existait, ça ne servait tout simplement à rien de le rejoindre... « on était les enfants oubliés de l’histoire » n'est-ce pas ?

Ah oui, c'est vrai : y avait encore le sport et le développement personnel etc...