La jeune fille et la meute

Le 22/09/2016
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par Jacques Cauda
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Thèmes / Obscur / Introspection
Suite à un de mes nouveaux spams sur Facebook, Jacques Cauda, éminent réalisateur de documentaires, peintre et écrivain (je tiens ici à remercier Wikipedia, l'ami sans qui je commettrais d'énormes bourdes diplomatiques par mon inculture générale notoire) décide de poster le texte que vous trouverez ci-dessous sur la Zone en l'accompagnant de bises. Ce qui suit est un copier/coller de ce que me raconte mon ami Wikipedia : "Jacques Cauda poursuit également une activité d'écrivain. Dans Vox Imago, roman à plusieurs voix, il met en œuvre sa théorie de l'écriture polymorphe. Le style doit être au service du sens, la forme être l'effet du fond. Théorie qu'il illustre par ailleurs dans plusieurs de ses nouvelles, au style toujours différent selon le sujet qu'elles traitent. Mais son grand livre, Comilédie, reste inédit. Il est à rapprocher des écrits des fous littéraires selon la classification établie par André Blavier. Structuré comme un solo d'Albert Ayler, Comilédie est écrit à la manière d'un nouage du langage sur lui-même tournant dans une structure en spirale. C'est un OVNI." Le décor protocolaire est planté. Mon cerveau à la lecture de ce court poème en prose sans ponctuation, tout autant. La documentation m'a laissé présager l'attaque d'un vortex. Puis je me suis dis, ce mec qui fait des bisous, doit, d'une manière ou d'une autre, écrire comme il peint. Wikipedia, mon ami, m'a appris que Jacques Cauda a carrément inventé un courant pictural, le mouvement surfiguratif. Je me suis dit que comprendre l’intention derrière le mouvement me permettrait d'avoir un prisme pour appréhender ce texte. L'auteur décrypte sa peinture : "il faut prendre pour objet des sensations dont la source n'est plus le réel mais sa représentation rétinienne." Ok. Je vais faire ça alors. J'ai essayé de gratter les aplats pastels mais l'hermétisme est resté là, profond, pas juste en surface : le texte qui s'imprime sur mes rétines est un amas de mots sans ponctuation, sans majuscule, des paragraphes faisant référence à une certaine timeline. J'ai alors fait mouliner ma caboche. Connaissant la ligne éditoriale de ce site, la jeune fille dont il est question dans ce texte ne peut être que le texte lui-même. Quant à la meute, ce sont les zonards, qui vont se déchaîner dans les commentaires. Reste la mystérieuse phrase en introduction. Est-ce une invitation de l'auteur à déchirer le texte par tous ses orifices ? On va avoir du taf car il est poreux.
Il n’y a pas d’image du corps sans un imaginaire de son ouverture.
Georges Didi-Huberman
Aujourd’hui
le ventre collé à la boue la tête au plus près
elle se cache des chiens qui tous autour
(fort médiocre curée) arrosent la terre de leur
sueur misérable et de leurs gueules suppliantes
elle a fui leur rage habillée de la casaque des
argousins du malheur et maintenant
elle se meurt en rampant dans la fange
mêlée aux étrons canins
son imagination combustible flamboie
épouvantée à l’idée d’être bouffée crue
elle les voit commencer par la pulpe molle du cerveau
(elle se trompe ils commenceront ailleurs mais elle
imagine comme tous ceux qui fabriquent des images)
elle entend leurs crocs claquer sur son crâne
ô elle a chancelé saignante et pâle
avant de tomber
la terre est sale et noire
comme les ailes de la corneille qui crie à la mort
casquée d’un bonnet rouge sang indéchiffrable
à force d’être surchargée de tous les supplices
auxquels l’oiseau posé sur un sapin vert assiste
la meute est prête
à l’abattoir prête à toutes les bouffonneries d’horreur
prête à l’extrême au pire et
tout se voit dans sa tête lumineuse qui s’éteint d’un coup
comme la tête d’une dogaresse tombe dans le panier un jour
d’échafaud


Hier
le jour où elle avait dit oui de toute sa face devinée
il l’avait classée comme numéro 3
acharnement inutile car elle l’aimait
et elle l’aimait avec grandeur (plus que toute autre dont
l’amour souvent se ramasse à même la terre)

Aujourd’hui
il est sorti du véhicule et s’approche de la meute
qui a commencé par les fesses au cœur tendre
cet anus qui ouvre jusqu’au reflet de son
visage dans la mare de sang où elle baigne
elle est maintenant livrée tandis qu’il pisse
jaune sur sa mort
comme une sentinelle immobile les jambes
écartées exauce une envie

Hier
elle aimait aussi se regarder si parfaitement
voyante devant son corps blanc posé
dans une authenticité absolue que la
photographie sous son laminoir rendait étrange
et vrai
les photos circulèrent sous les yeux du troupeau
les onagres en réseaux

Aujourd’hui
toujours debout au dessus du corps
il regarde le ciel bleu avec cruauté
il se veut encore bourreau prêt à
vomir cette femme donnée à la mort
vendue
aux chiens frappés de démence
c’est un ouragan de crocs et d’os
qui sort comme un geyser de la terre
inondée

Demain
elle sera enfin ce qu’elle est
ouverte et
nue comme une image
de toute éternité

Jacques Cauda